Moyenne, quand tu nous tiens!

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Collaboratrice : Valérie Desroches

Depuis quelques temps, je vois passer des articles parlant d’une augmentation de l’anxiété chez les jeunes. Stress, anxiété de performance, pression scolaire… On blâme même les réseaux sociaux et les médias. Peu importe d’où cela peut provenir, je crois qu’il y a une grande partie du problème qui est souvent reliée à la moyenne.

Dans mon bureau :

« Tu as eu combien dans ta dictée? »

« 72% »

« Wow c’est super! Quelle belle amélioration! Tu dois être fier de toi. Tu as travaillé fort pour ça. »

« Non. Ce n’est pas vraiment bon car la moyenne est de 74. »

Mes yeux ont tombé, comme plusieurs fois par année. Je l’ai entendue plusieurs fois cette phrase. Elle nous révèle une fragilité et une conception  inconnues de la moyenne. Oui, oui. Cette moyenne. On aime ça se comparer à elle. Même nous, les adultes. Pas juste pour les notes. On le fait souvent pour la beauté, l’argent, la valeur moyenne des objets du voisin. Penser à tout ce qui est autour et en avoir une idée générale, sans nécessairement avoir vu ce qui est derrière. Ça nous fait sentir supposément bien de dépasser un nombre sans bien souvent savoir tous les facteurs qui le composent. Les enfants, bien souvent, nous imitent et ils deviennent des éponges qui se comparent à l’inconnu.

Comparer sa moyenne à celle des élèves de sa classe, c’est comme comparer les sortes de pommes à l’épicerie. Il y en aura toujours des plus rouges, mais si toi t’es un peu moins rouge, ça insécurise. Les gens vont moins te choisir, moins t’aimer, peut-être? L’intérieur de la pomme lui, on en fait quoi? Ce n’est pas grave, ça paraît bien pour tout le monde dans le panier de fruit. On est rendu là…

Alors, c’est vraiment triste. Il y en a des jeunes qui ont été éloignés sans le savoir de cette richesse intérieure. Ce qui n’est pas en haut de la moyenne est perçu comme médiocre. C’est ce qui est dommage, je trouve, d’avoir ou de développer une conception de soi instable selon ce qui ressort chez les autres.

Des signes d’anxiété de performance, j’en vois presque toutes les semaines. Des adolescents et même des enfants qui se comparent constamment à la moyenne et qui ne trouvent aucune valorisation d’être passé de 65 à 78 s’ils sont encore sous la moyenne. Parfois, ils dorment peu. Le but est de dépasser la moyenne. Après, certains s’en veulent quand ce n’est pas atteint. Une superbe note, mais dans la moyenne ou en dessous, ça ne passe pas pour eux, même avec une augmentation de 15 points. Comparer les nouveaux et anciens travaux semble moins alléchant que comparer ses résultats avec ceux des autres.

C’est complètement absurde! Comment ont-ils appris à ne pas être fiers de leurs progrès d’abord?

Il faudrait cesser de comparer leurs habiletés à celles des autres dans un groupe donné, puisque cela contient tellement de critères qui varient d’évaluation en évaluation, ainsi que d’autres facteurs personnels dans la vie et des habiletés des élèves.

Ça peut être amusant de se comparer à la moyenne, mais avons-nous pensé à quel point ce concept abstrait devient une importance incroyable pour des enfants qui ne l’ont souvent même pas encore appris à leur âge?

Quand la valeur repose sur la comparaison, il est évident que l’on trouve un trou noir, un jour ou l’autre, car celle-ci n’est pas centrée sur notre propre évolution, mais sur celle d’un tas de gens uniques avec des habiletés qu’on peut difficilement comparer. Alors, on se retrouve face à soi-même, à nourrir un vide chez la planète de la comparaison, ce qui ne donne pas de réponse et qui fluctue.

Selon moi, la moyenne peut être pour se dépasser positivement et non pour s’angoisser ou se dévaloriser. Là est la nuance. Tant mieux si on dépasse la moyenne, mais cela ne veut pas dire qu’on a tout donné. En effet, qu’est-ce que ça veut dire tout donner ? Ont-ils appris cela ou bien basent-ils leurs performances sur des chiffres dont le fondement n’a pas été enseigné ? Quand la moyenne n’est pas expliquée et qu’elle est importante pour les enfants, ne nous demandons pas d’où vient cette fragilité. Cela en est dangereux et il faut vraiment analyser cet accès et cette perception de la moyenne avant que ça ne devienne problématique.

Ahhh, cette moyenne. Il y a le côté mathématique et l’autre côté, qui est malheureusement sombre pour beaucoup de jeunes ces temps-ci. C’est à nous de choisir la perception que nous avons de cela dans une perspective d’épanouissement et de leur montrer la richesse intérieure. Je continuerai à encourager tous les progrès de mes élèves, si petits soient-ils, car je désire d’abord leur donner le goût de l’épanouissement personnel avant tout.

Valerie Desroches, orthopédagogue

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