Gilles de la Tourette, au-delà des tics

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Nous voici à l’aube du Mois de Sensibilisation au Syndrome de Gilles de la Tourette. Le saviez-vous? Du 15 mai au 15 juin de chaque année, pourtant, des centaines, des milliers de parents, d’enfants et d’adultes touchés à divers niveaux par ce syndrome tentent tant bien que mal de sensibiliser leur entourage, leur communauté. Et une constante revient : nous faisons tous face à l’incompréhension, au manque d’informations, au manque de visibilité…

La présente vise donc à vous faire connaître le désarroi des parents d’enfants ayant reçu  un diagnostic de Syndrome de Gilles de la Tourette (SGT). Nous aimerions savoir et comprendre pourquoi nos enfants qui vivent avec les difficultés qu’apporte le SGT n’ont droit qu’à trop peu de services dans leurs parcours scolaire et social. Alors qu’il nous est déjà trop souvent difficile d’avoir accès aux bons spécialistes dans le milieu de la santé pour obtenir le diagnostic, pour avoir des suivis, il nous faut nous battre pour nos enfants sur tous les fronts pour que leurs besoins particuliers soient reconnus, pour que nos besoins soient reconnus, nous nous épuisons et rien n’est fait, rien n’est mis en place de façon concrète et uniforme pour nous aider.

Malheureusement, il est évident que la désinformation concernant le SGT n’est pas répandue que dans la société, mais dans les instances gouvernementales aussi. Car si la base du diagnostic de ce trouble neurodéveloppemental repose sur la présence de tics moteurs et sonores, ils sont rarement la seule problématique présente. Les tics ne sont bien souvent que la pointe de l’iceberg. Le TDAH, l’impulsivité, les TOCs, les troubles Dys, l’anxiété, le trouble explosif intermittent, l’immaturité, le trouble d’opposition et provocation, les troubles de sommeil, les troubles sensoriels, les difficultés sociales, les rigidités, les troubles de l’humeur… Voilà quelques-uns des différents troubles et difficultés qui accompagnent les diagnostics de nos enfants, qui apportent leurs lots de difficultés dans le quotidien de nos enfants et de nos familles.  Pourtant, nous sommes beaucoup à nous faire dire qu’il s’agit d’un trouble léger. Saviez-vous que 89% des personnes vivant avec un SGT  vivent aussi avec un ou plusieurs troubles associés?

Concrètement, quand on sonde les familles de ces enfants, bien peu se voient offrir de l’aide, du soutien que ce soit en milieu scolaire ou dans le milieu de la santé. Et lorsque finalement on nous en offre, c’est avec une date d’expiration sur le calendrier, un nombre d’heures maximales de soutien.

Trop souvent, nous sommes étiquetés comme étant des parents mous et nos enfants en tant qu’enfants-rois par des gens qui ne connaissent pas nos réalités. Des gens qui croient encore que pour avoir un diagnostic de SGT, il faut que la personne crie des injures sans lien avec ce qu’elle est en train de dire. Alors que dans les faits, seulement 5 à 10% des personnes diagnostiquées présentent ce tic appelé Coprolalie. Mesdames, Messieurs, le SGT est un trouble neurologique et s’il est vrai qu’il existe des traitements pharmacologiques efficaces pour aider dans la gestion de certains aspects, il n’en demeure pas moins que le Syndrome de Gilles de la Tourette ne se guérit pas. Oui, une fois à l’âge adulte, les divers tics et autres symptômes peuvent devenir moins apparents, moins présents. Mais généralement, cet état de fait ne devient réel que vers la mi-vingtaine.

Si le Gouvernement lui-même ne reconnaît pas les besoins de nos familles, comment voulez-vous que la société en soit consciente? Savez-vous que parmi les parents que nous sommes, plusieurs ont reçus des diagnostics d’épuisement parental, de dépression, de burn-out? Savez-vous que plusieurs ont dû mettre en veilleuse leur carrière pour répondre aux besoins de leurs enfants? Que plusieurs se sont vu montrer la porte parce qu’ils devaient trop souvent répondre aux demandes de l’école d’aller chercher un enfant désorganisé que l’école disait être incapable de « gérer », et/ou s’absenter pour les multiples rendez-vous de diverses natures?… Que plusieurs, découragés de voir que le système scolaire ne peut répondre aux besoins de leur enfant, ont quitté leur emploi pour faire l’école à la maison? Sans oublier de mentionner ceux qui ont vu leurs enfants expulsés de  l’école et parfois être sans scolarisation pour une période de temps beaucoup trop longue. Il nous faut souvent payer des spécialistes au privé pour arriver à avoir des suivis, des traitements, de l’aide pour nous et nos enfants, pour obtenir des évaluations afin de poser un diagnostic supplémentaire qui explique une autre difficulté que présente notre enfant car le système de santé publique actuel nous fait tourner en rond, utilisant l’argument illégal de la sectorisation des soins ou nous mettant sur des listes d’attente où une demande qualifiée URGENTE ne recevra de suivi que 2-3 ans plus tard et pour une courte période… Durant ce 2-3 ans, la famille vivra en marchant sur des œufs, gardant le combiné téléphonique tout près afin de pouvoir composé le 9-1-1 si la désorganisation devient trop grande pour que nous puissions nous-même la gérer, si notre enfant se met en danger ou encore si la sécurité des autres membres de la famille est compromise. 

Nos enfants ne sont pas des incapables. Ils ne sont pas de futurs adultes sans avenir. Ils ne souffrent pour la majorité pas de déficience intellectuelle. Chez les gens vivants avec un diagnostic de SGT, de par le monde, il y a des chirurgiens, des acteurs, des athlètes, des professeurs, des membres actifs et productifs de leurs communautés.

À l’opposé,  si la possibilité de bien encadrer ces enfants n’est pas mise en place, la possibilité de les voir être incapables d’occuper un emploi, faire preuve de violence, sombrer dans la délinquance et la criminalité est plus élevée. Comme parents, nous faisons au mieux de nos capacités, mais sans avoir d’appui dans le domaine de la santé, dans le milieu scolaire ou au niveau financier pour pouvoir offrir, le cas échéant, au privé les services inaccessibles dans le domaine public, nous nous épuisons et n’avons plus la force de maintenir la structure que demandent nos enfants, de vivre en  mode adaptation de façon constante. Car l’inconstance est la principale constante du SGT.

Est-ce que le gouvernement et la société peuvent se permettre de ne pas offrir leur appui à ses enfants et à leurs familles? Peut-on réellement les laisser dans un néant administratif qui ne reconnait pas leurs difficultés, leurs besoins, leurs potentiels? La société, le gouvernement préfèrent-t-ils vraiment faire table rase de ces enfants, de ces futurs adultes qui ont le potentiel d’être des membres actifs et productifs de notre société en les reléguant aux oubliettes au risque de devoir ensuite défrayer les coûts engendrés par le manque de scolarisation, la délinquance, la criminalité…?

Voilà le pourquoi de cette missive. Pour que cette année, je l’espère, le Mois de la Sensibilisation au Syndrome de Gilles de la Tourette fasse des vagues, fasse du bruit, fasse parler de lui. En ce mois de mai, portez du sarcelle, couleur du SGT. Lisez sur le SGT. Osez vous informer. Le Syndrome de Gilles de la Tourette n’est pas contagieux. N’ayez pas peur de nous approcher, de nous parler. Il nous fera plaisir de vous informer. De répondre à vos questions.

La lettre d’origine, envoyée aux diverses instances politiques, a été signée par plus de 100 parents, enfants ou adultes qui vivent au quotidien avec le Syndrome de Gilles de la Tourette.

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Éducatrice à la petite enfance depuis une vingtaine d’année, adepte de l’entrainement en force pour ne pas perdre complètement la tête, Nancy Ringuet, très possiblement TDAH, est maman de deux garçons à diagnostics : un grand TDA sévère et un plus jeune SGT, TDAH impulsivité mixte et TOP. C’est un long combat qui aura mené aux diagnostics du plus jeune, et un long combat qui s’engage pour faire reconnaître ses besoins. Passionnée de recherches et assoiffée d’en apprendre plus, elle fouille le net sous toutes ses coutures. Elle partagera ici des textes et réflexions sur ce vécu différent de mère chef de famille, avec un conjoint dont le travail l’amène à être absent.