Sauter avec toi

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Aujourd’hui mon amour, l’école m’a appelée. Comme depuis un bout je te sens chambranlant, je m’en doutais que ça s’en venait. Entre l’explosion et le non-dit, tu commences à te refermer sur toi-même. Je l’ai senti, je l’ai vécu avec toi. Comme j’essaie de voir ce qui se passe en toi à chaque question, tu te refermes de plus en plus. Puis aujourd’hui, quand j’ai vu sur mon afficheur le nom de ton école, j’ai d’abord cru à une erreur. Peut-être même une demande de ta professeure pour de l’aide que j’aurais pu lui apporter dans diverses tâches, mais pas pour toi, pour l’ensemble de ta classe. Même si ma petite voix intérieure a fait un bond en me disant qu’elle me l’avait bien dit que tu étais un volcan qui n’attendait que le mauvais mot, la mauvaise mimique, le je-ne-sais-trop qui fait que tu exploses.

Mais ça faisait si longtemps que je n’avais pas eu de téléphone pour cela et je croyais fort que ce n’était pas de toi qu’il s’agissait. Plutôt, je me mettais des œillères bien enfoncées pour être sûre de ne pas voir l’inévitable qui s’en venait. Mais ce coup de téléphone a sonné. Quand j’ai répondu et entendu ta TES à l’autre bout du fil, j’ai reconnu ce ton de voix. Le ton de l’incompréhension, le ton d’une fatigue inhabituelle, le ton de quelqu’un que tu avais blessé.

Puis quand elle me parlait, une partie de moi l’écoutait pour bien répéter à ton papa. Mais mon autre côté se serait volatilisé avec mon incompréhension envers tout ça. Deux ans mon amour, deux ans que tu n’as pas explosé. Oui, il y a eu des mésaventures, mais rien de comparable à cette fois-ci.

Lorsqu’on m’a dit qu’on a dû appeler les ambulanciers car tu ne te gérais plus, j’ai fait comme toutes les mères qui ont un appel de l’école pour dire que leur enfant es parti en ambulance. J’aurais voulu que ce soit un bras fracturé ou une mauvaise foulure. Mais mon cœur, ce que tu as, on ne peut pas le réparer avec un plâtre qui t’empêcherait d’être un enfant et de jouer pendant un bref moment de ta jeune vie. Ce que tu as, il n’y a pas une radiographie qui saurait me l’expliquer. Et même si j’avais eu tord de croire qu’on avait trouvé la bonne molécule et le bon fonctionnement pour toi, il y aura toujours cet appel qui finira par revenir.

Et je sais qu’au plus profond de toi, tu ne veux pas retourner où tu es déjà allé, dans ce creux que tu crois sans fond. Même si je te mentais en te disant que je sais que tout finira par s’arranger et que plus jamais tu n’auras à vivre ces émotions beaucoup trop fortes pour ton petit corps.

Je ne te demanderais qu’une chose mon amour, saute. Oui saute à pieds joints et le plus fort que tu peux. Car la vie est comme un gros ressort, parfois tu resteras stable et tout ira bien. Mais si un jour tu veux monter plus haut, il te faudra commencer à sauter. Même si tu perdras l’équilibre, je serai là, à côté, à t’encourager et à t’expliquer comment reprendre ton souffle et ton rythme. Parfois pour sauter haut et attraper nos rêves, il faut sauter sur le ressort et malheureusement parfois, il a besoin de redescendre plus bas pour mieux rebondir.

Alors mon amour, saute. Vas-y, ça ne sera pas comme avant car avant, on n’avait pas le chemin parcouru que nous avons maintenant.

Saute et s’il le faut, je descendrai avec mon ressort à moi, aussi bas que le tien, pour t’expliquer comment continuer.

Ne perds pas espoir mon cœur, un jour tu décrocheras les étoiles une par une à force de sauter. L’équilibre deviendra plus facile. Vas-y, saute à plein poumons. Je suis là. Regarde-moi, je saute avec toi.

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Je suis maman d'un merveilleux garçon qui a un TDAH et un TSA sans déficience intellectuelle. J'ai toujours été sensible à la maladie et aux troubles mentaux, je suis d'ailleurs préposée aux bénéficiaires. Mon fils réussit à faire ressortir le meilleur de moi-même. Le but de mes textes est d'évacuer mais surtout de conscientiser le monde à la différence et aux troubles mentaux ainsi qu'à leurs aspects dans la vie de tous les jours. J'espère vous toucher par mes écrits autant que moi je suis touchée en les écrivant.