Et si on arrêtait de dire TDAH?

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Voilà quelques mois déjà, que j’ai complètement décroché de mon rôle de maman de TDAH. En fait, j’ai comme une écoeurantite aigüe des diagnostics. Mes enfants ont un TDAH, j’en ai un, mon mari aussi… OUIN PIS! On est pareil que nos voisins. Y’a juste qu’on prend parfois 6000 détours pour arriver à la même place que d’autres. On pense juste différemment. On voit le monde autrement. Par contre, à moins de porter un écriteau dans le front ou de s’habiller en homme-sandwich, personne ne le sait.

MAIS…

Je refuse de me définir par cela. Je refuse que mes enfants se définissent par cela. Mon chum, c’est pareil. J’ai choisi en janvier que le TDAH de mes enfants ne les empêcheraient de rien, tout comme moi, je ne me suis jamais empêché. Je ne tolère plus les excuses. Je ne tolère plus qu’on justifie une mauvaise attitude ou un mauvais comportement par un diagnostic. J’en ai marre.

J’appréhendais mon voyage en Floride dans le temps des Fêtes car je me disais : « Ouin, cinq TDAH, une voiture et 27 heures minimum de route… au secours! » Finalement, voulez-vous que je vous dise? On a probablement fait le meilleur voyage, famille neurotypique ou pas. Presque pas de jeux vidéos ou de DVD… Des livres, des blagues, des jeux de route, des photos, des challenges… Je m’attendais à un voyage à la méthode Griswold (tsé Chavy Chase dans Le Sapin à des boules). Je m’attendais à une catastrophe et à revenir chauve. Ben non… J’ai eu des enfants allumés, intéressés, brillants. Je me suis rendue compte que j’avais donné à mes enfants la capacité de se définir par autre chose que leur diagnostic. Ils sont revenus grandis et la tête pleine de souvenirs. Personne ne se serait douté que nous sommes une famille TDAH. Et c’est là que ça m’a frappée en pleine poire. Personne ne s’en ait douté parce qu’on y arrive. On est une famille normale.

Depuis, ils m’ont montré qu’ils peuvent faire aussi bien et même mieux que n’importe qui. J’ai arrêté de dire que nous sommes une famille TDAH. J’ai décidé que le monde n’allait pas changer pour nous, que c’était à nous de trouver notre façon de vivre dans ce monde-là. Mes cocos n’ont accès qu’à l’aide que nous leur apportons. Ils en auraient besoin pour certaines choses, mais non… Ils ne sont pas assez dysfonctionnels. Je sens parfois que je peux me « pèter les bretelles ». Je refuse de baisser mes exigences parce que mes cocos ont le cerveau trop vite pour les autres. Je ne les définis pas par les notes académiques, mais par les personnes fabuleuses qu’ils sont. Je refuse d’accepter que Tornade oublie ses devoirs. Je refuse que les tâches ne soient pas faites parce qu’il y a eu un écureuil. Ce n’est pas en me mettant en colère que j’obtiens que ça rentre dans leur cocologie. C’est juste en disant : « Non, tu dois apporter tes devoirs, tu as des obligations, tu subiras les conséquences de ton oubli. » Billet jaune à l’école ou autre. J’appuie la professeure. Dans sa classe, c’est elle qui mène. Tout le monde parle d’une même voix et ça donne envie de faire mieux. Tsé le gros bon sens… On travaille tous les jours à mettre en place des stratégies pour les rendre fonctionnels à la vie. S’ils ne les prennent pas, ils sont en faute. Étonnamment, ils y arrivent. Ils ont envie de me rendre fière. Ils savent que je les aime de tout mon cœur et que je crois en eux, mais que je n’accepte aucunement les écarts de comportement qui se justifient par « j’ai pas pris ma pilule ». Demander de l’aide, c’est la clef. Pas pour faire à la place, mais pour trouver comment y arriver par soi-même. Une cellule de crise si on veut. Je suis si fière d’eux… de nous.

Mais le monde lui, est-il prêt pour mon virage à 180?

Je côtoie une panoplie de gens dans mon métier et dans la vie en général. Je me suis rendue compte dans le temps des Fêtes que le mautadine de diagnostic, il est de plus en plus facile à avoir. Genre huit questions sur une fiche par un docteur rempli par les parents, le prof et l’éducatrice du service de garde… Alléluia!  Comme des bonbons. PAS TOUS, je le sais. Cependant, si vous êtes dans le domaine de la petite enfance ou de l’enseignement, vous savez que j’ai raison. Le diagnostic facile… Il sert à expliquer pour certain la paresse parentale, le manque de cadre. C’est tellement plus facile de donner la médication à un enfant turbulent qui joue chaque soir à la lutte avec papa au lieu de lui apprendre à être doux le reste du temps. C’est plus facile de permettre à un enfant de manger devant la télé plutôt que de lui apprendre à rester assis à la table. C’est plus facile de critiquer le professeur qui ne sait pas enseigner à ton enfant plutôt que de se demander si tu as enseigné à ton enfant les attitudes gagnantes pour apprendre.

Il y a une portion du TDAH qui est génétique, mais il y a une partie qui est liée au cadre de vie et à l’éducation. Je me demande si une partie de l’explosion des diagnostics n’est pas aussi (plus que la génétique) liée à la nouvelle vision des enfants. Alors que la priorité de la nouvelle génération est de créer un lien d’attachement fort (yeah right, le nez sur le cell en allaitant) et en préservant l’estime de soi, est-ce possible qu’on soit en train de cultiver des petits TDAH sur deux pattes à grands coups de tablette, de cellulaire et de manque de temps pour leur enseigner les obligations de la vie? Un enfant peut choisir la couleur de son chandail, mais ne devrait pas détenir le pouvoir de gérer une maison. À la même vitesse qu’on met la hache dans la langue française (oignon qui devient onion), on baisse les standards de ce qu’est un enfant bien élevé. Un enfant bien dans sa petite vie d’enfant.

Il fut un temps où on enseignait la morale et la religion dans les écoles. Il fut un temps où on enseignait la bienséance dans les écoles. Il fut un temps où on respectait l’autorité du corps enseignant. Je crois qu’on a perdu le nord. La vision des enfants a changé. Le monde change. Et si le TDAH n’était qu’un symptôme à ce changement de perception de l’enfant dans un monde où il est plus important de devenir partie intégrante de la société de consommation en ayant un bon job, une belle maison, un char et de faire des voyages dans le sud que de simplement prendre le temps de vivre et d’être heureux. Et si on avait oublié d’enseigner aux enfants ce que c’est que d’être un enfant, un vrai… avec des obligations, mais aussi du vrai fun.

Je suis en grosse remise en question, vous le constatez… Je n’ai pas les réponses pour les autres. J’ai seulement trouvé mes réponses dans la petite paix de mon foyer. Ici, nous sommes nous. Papa et Tornade prennent leur médication comme d’autres prennent des vitamines, mais travaillent leurs stratégies de contrôle et de rappel mémoire. Ouragan, Tsunami et moi, nous prenons le temps d’apprendre à nous organiser un peu plus chaque jour. Quand on merde, on regarde ce qui n’a pas fonctionné et on se brainstorme pour la prochaine fois. Interdit de se servir d’un diagnostic pour justifier nos manques. C’est nous et c’est tout.

Petite précision… Je sais qu’il y en a qui vont se sentir confrontés dans ce que j’écris. Il y a un bout que je n’ai pas écrit, justement parce que je ne savais pas comment mettre en mot tout ce brouhaha dans ma tête. Je ne souhaite juger personne personnellement, mais plutôt juger tout le monde à la fois à titre de société. Peut-être qu’au lieu de le lire en pensant à votre réalité propre, lisez-le en pensant aux enfants en général… Pas TDAH, pas neurotypiques… Je ne sais pas si c’est possible pour vous, il m’a fallu des semaines pour le faire, pour trouver les mots.

Ce n’est pas le parent qui rend son enfant TDAH, c’est le nouveau monde dans lequel on vit… Mais c’est quand même le job de ce parent-là de lui apprendre à vivre dedans et non en marge. Le monde ne changera pas pour lui, mais il y a quand même une place très importante. Il s’agit de trouver laquelle.

OUFFF… ben oui, j’suis de même… Des fois dans mes remises en question, je ponds un texte qui va peut-être me faire haïr de certains, mais en faire réfléchir d’autres sur leur parentalité, j’espère…

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Maman TDAH de trois tempêtes; Tornade 11 ans (TDAH avec impulsivité et trouble anxieux), Ouragan 9 ans (TDAH) et Tsunami 6 ans (trop jeune pour un diagnostic), je suis la douce moitié de mon petit mari (TDAH). À cela s'ajoute une grande sœur au pays des nuages que nous appelons affectueusement Coccinelle. Éducatrice en pouponnière ainsi qu'anciennement auteure de livre jeunesse, je me considère comme une sage dans l'art de la patience infinie...