Ces petits riens qui nous remuent

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Comme parents d’enfants différents, on comprend rapidement que notre réalité parentale et familiale est en parallèle de celle de la majorité. De ce qui constitue la norme. Toute sorte de petits détails de notre quotidien que nous avons assimilés, avec lesquels nous avons appris à vivre et que nous ne voyons plus. Mais qui, pour les autres, peuvent sembler étranges. Et c’est souvent le regard des autres qui nous ramène à la pensée que notre réalité en est une pas ordinaire. Et des fois, c’est aussi notre propre regard qui nous ramène à cette perception. Quand on se compare aux autres, qu’on voit tous ces petits plus auxquels nous n’avons pas droit en tant que parents et qui semblent normaux pour les autres. Et tranquillement, avec le temps, on finit par ne plus se comparer, par apprécier ce qu’on a et à célébrer toutes les petites victoires. Mais des fois, un petit rien peut venir nous remuer malgré tout.

L’autre jour, une très bonne amie à moi, avec laquelle je vis la même réalité (elle a deux enfants autistes), a partagé sur Facebook un petit vidéo de son plus jeune qui chantait à un concert de sa classe de maternelle. Banal pour plusieurs, mais une réelle fierté dans son cas, communiquée sans aucune vantardise. Je savais le chemin et le travail parcourus avec son petit homme pour en arriver à ce qu’il puisse participer à ce court récital sans panique et sans anxiété. Et donc, je regardais le vidéo avec émotion, les yeux légèrement humides. Mais en plus de ma fierté pour son garçon, je savais que cette émotion venait d’ailleurs aussi. Du fait que de mon côté, je n’ai pu encore avoir le plaisir de voir un de mes fils participer à un petit concert du genre. L’un parce que, même si comédien et expressif comme ce n’est pas possible, souffre d’anxiété de performance, fige et fuit ce type de contexte. Je le sais maintenant et je le respecte. Je lui dis d’essayer mais je ne le force pas à participer contre son gré. Quand la simple pensée de faire une présentation orale de quelques minutes devant sa classe le fait paniquer au point de pleurer d’angoisse pendant qu’il la prépare, alors qu’il est verbomoteur, on comprendra que cette réaction de sa part exprime plus qu’un caprice. Et pour mon aîné, malgré qu’il soit lui aussi très verbal et qu’il adore chanter, son autisme lui joue bien souvent des tours dans ce type de situations. Il accepte maintenant d’entrer dans le gymnase ou la pièce dans laquelle le concert a lieu, mais juste cela est le résultat de quelques années de travail. Trop de bruit, trop de monde, ce qu’il arrive maintenant à mieux gérer. On est donc loin du moment où il acceptera de monter sur la scène pour chanter avec ses camarades. Donc pour lui aussi, je n’ai pas encore eu le plaisir de le voir participer à un petit récital.

Auparavant, avoir compris la raison de cette émotion, je me serais laissée envahir trop intensément par le sentiment au point de ne plus partager la joie de mon amie. Mais l’autre jour, j’ai accepté de vivre l’émotion, de la nommer, de la laisser s’exprimer et de la laisser partir, tranquillement. Tout en étant drôlement heureuse pour mon amie. Et en me disant ensuite, qu’un moment donné, moi aussi je vivrais un petit moment de fierté comme ça avec un des mes petits hommes. D’autant plus que lorsque ça arrivera, je saurai le chemin qu’ils auront parcouru pour y parvenir.

Un peu plus tard, ce jour-là, l’enseignante de mon aîné m’écrivait pour me dire qu’Antoine avait passé une superbe matinée à la kermesse de l’école. Les élèves de sa classe étaient jumelés avec des « grands » de sixième année. Le garçon qui accompagnait mon fils l’avait respecté dans son rythme (lent) dans les transitions. Et dans une ambiance surexcitée de 500 élèves courant d’un kiosque à l’autre dans l’école, mon petit homme avait super bien géré les risques de surcharge sensorielle, sans nommer les jeux qui sollicitaient les capacités motrices et qui ne sont pas sa grande force. Vous pouvez imaginer ma joie et ma fierté à lire ce message, qui concrétisait en quelques lignes l’accomplissement de plusieurs années de travail avec Antoine, dans le respect et l’accompagnement de sa structure autistique. Et qui mène maintenant à de formidables moments comme celui-ci et qui permettent d’avoir le meilleur espoir en son avenir dans notre société. Comme la fois où j’ai su qu’il s’était fait un ami au camp de jour, cet été, et que grâce à cet ami, il s’intégrait de lui-même dans les jeux de groupe. J’ai pleuré en remerciant cet ami (et ses parents), lors du concert à la fin du camp de jour. Et encore mieux, cet ami fréquente le même service de garde qu’Antoine à l’école du quartier, le soir. Devinez grâce à qui Antoine accepte de plus en plus de se mêler au groupe? Mais maintenant, je peux lui parler sans pleurer.

Dans la même journée, je passais d’une émotion à l’autre. Et je me permettais de les vivre tout simplement, sans me laisser envahir, et de les partager. Et tout autant que des moments comme ceux-ci me rappellent ma vie familiale en parallèle, il n’y a pas que mes petits hommes qui progressent…

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Maman de deux petits trésors de sept et neuf ans, deux garçons merveilleux qui ont chamboulé sa vision de la vie (pour le mieux). D'une conception idéalisée de la maternité, elle est passée à la maman conscientisée qui souhaite faire une différence dans la compréhension des troubles invisibles. Deux maternités qui l'ont en effet projetée dans l'univers parallèle de l'autisme (de haut niveau). Et du trouble d'opposition. Et du trouble anxieux. Et du trouble de modulation sensorielle. Et du... bref, vous voyez le portrait! Depuis quelques années, elle s'implique activement sur les forums de parents d'enfants autistes afin de partager son expérience de maman d'une famille hors-norme, bénéficier de l'expérience des autres et participer au mouvement qui tente de changer la perception de l'autisme et autres diagnostics. Elle a vite constaté que les mots peuvent faire une différence et c'est pourquoi elle a accepté sans aucune hésitation l'invitation à participer à ce blogue. Elle partagera ici sans pudeur des tranches de son quotidien, inspirée par ses deux petits joyeux lurons.