Je suis une bonne mère

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Quand mon beau Vincent est né, j’étais évidemment folle de joie. J’ai toujours voulu avoir des enfants. C’était un souhait que j’avais depuis ma tendre enfance. Je m’imaginais maman comme toutes les petites filles qui jouent avec leur poupée, mais c’était plus que ça. En grandissant, ce n’est pas par hasard que je sois atterrie dans le milieu de la petite enfance. Les enfants m’apportaient quelque chose d’essentiel: le bonheur. J’ai toujours pensé que j’étais faite pour être mère. En tenant mon précieux trésor dans mes bras, mon cœur était rempli de joie et je me sentais compétente. Jamais je n’aurais pensé qu’il pourrait avoir un diagnostic quelconque. Je côtoyais pourtant des enfants qui avaient des différences dans mon travail, mais pour être honnête, je ne m’étais jamais imaginé que mon enfant pourrait aussi être différent.

Dans sa première année de vie, mon fils se développait assez normalement. Le seul hic était qu’il aimait regarder les objets tourner durant des heures. On l’aurait cru hypnotisé. Je me souviens très bien qu’un jour, ma sœur m’avait demandé si cette manie m’inquiétait. Je savais ce qu’elle insinuait, mais je lui ai répondu que Vincent faisait des contacts visuels quand on lui parlait et semblait comprendre  ce qu’on lui disait. À cette époque, l’idée que j’avais de l’autisme était très stéréotypée (merci Rainman!). Je n’étais tout simplement pas bien informée. Je travaillais principalement en pouponnière et j’avais moins d’expérience avec les enfants atypiques. Une petite voix dans ma tête me disait que mon fils n’était peut-être pas cet enfant parfait et idéalisé que j’avais attendu toute ma vie. Mais dès que je l’entendais, cette voix maudite, je la chassais illico presto.

Vincent est entré à la garderie à la pouponnière avec moi et une autre collègue comme éducatrice. Il avait parfois des comportements bizarres. Il flattait toujours les cheveux des amis et après il commençait à vouloir les mordre… Plus tard, j’ai compris qu’il vivait des surcharges sensorielles. Je suis tombée enceinte de mon deuxième coco quand Vincent avait presque deux ans. On m’a mis en arrêt de travail préventif à cause des risques associés à mon emploi. J’ai retiré Vincent de la garderie parce que je voulais le garder avec moi. Il faisait énormément de crises pour tout et pour rien. Du moins, c’est l’impression que j’avais. Il voulait toujours tout contrôler. Il faisait des crises terribles quand ce n’était pas lui qui ouvrait les stores le matin. La même chose se produisait s’il ne partait pas le lave-vaisselle lui-même. Il se fâchait si sa rôtie n’était pas coupée de la « bonne » façon. On marchait toujours sur des coquilles d’œufs. Je me sentais tellement incompétente! Une espèce de cordonnier mal chaussé. Une éducatrice qui n’était pas capable d’élever son enfant.

Éventuellement, mon mari et moi avons constaté que Vincent avait un retard de langage. Plusieurs situations m’ont alors donné la puce à l’oreille. Un jour, alors que j’étais enceinte de huit mois, j’ai décidé d’amener Vincent à une activité de bricolage organisée par la Maison de la Famille. Je voulais qu’il puisse socialiser avec d’autres enfants puisqu’il était seul à la maison avec moi. Ce jour là, Vincent a tapé un ami sur la tête avec un jouet. La maman de l’enfant était très énervée et a réagi fortement en disant que mon fils était violent. Plus tard dans l’activité, Vincent a voulu flatter la tête d’un bébé qui avait quatre semaines. Il a commencé à le flatter pour ensuite vouloir le mordre à la tête. Heureusement, j’ai interrompu son geste et je l’ai enlevé de là avant que les choses ne s’enveniment. J’avais l’impression que tout le monde me regardait comme si j’étais une horrible mère et que Vincent était un monstre. Je suis sortie en plein milieu de l’activité avec Vincent sous le bras qui poussait de grands hurlements. Je l’ai attaché dans son banc d’auto et il s’est tout de suite calmé. Mais moi, j’ai longtemps pleuré dans le stationnement. Après m’être calmée, j’ai regardé mon fils et je lui ai dit que je savais qu’il n’était pas méchant, mais que je ne le comprenais pas. Je ne suis jamais retournée à la Maison de la Famille.

Quand nous avons eu le diagnostic de TSA, j’étais atterrée. Mais caché derrière cette peine affreuse, je percevais un certain soulagement. J’étais soulagée parce que maintenant, j’avais une explication pour toutes les situations difficiles que je vivais constamment. Je ne suis pas une mauvaise mère. Je suis simplement la mère d’un enfant différent et je fais de mon mieux.

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Éducatrice en petite enfance depuis maintenant 14 ans, Jessie est passionnée de son travail. Elle est maman de deux garçons de 7 ans et 9 ans. Son plus jeune garçon a une dyspraxie verbale et un trouble d’acquisition de la coordination motrice. Son grand garçon a un diagnostic de TSA. Elle s’inspire de son quotidien pour écrire ses textes et ça l’aide à faire le point sur différentes facettes de sa vie. Jessie est une personne pleine d’énergie, toujours prête à aider son prochain et qui est impliquée dans la vie scolaire de ses enfants. Elle préside le comité EHDAA depuis maintenant deux ans à la commission scolaire des Trois-Lacs car la cause des élèves HDAA lui tient à cœur. Elle adore faire du bénévolat! La tête toujours pleine de projets qui sont parfois inusités, elle est une fille d’action. Ses enfants sont au centre de sa vie et c’est avec humour et autodérision qu'elle arrive, avec l’aide de son conjoint, à traverser les petites et parfois les grosses tempêtes de la vie de parents d’enfants différents.