Quand le couple ne survit pas au diagnostic d’autisme

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Cela a fait trois ans cet hiver que le papa de mes garçons et moi-même sommes séparés. Vous me direz qu’on fait partie des statistiques, tout simplement, quand on sait que 50% des mariages se terminent par une séparation. Soit. Mais ce que l’on sait aussi, c’est que la rupture amoureuse est encore plus plausible pour les couples qui font face au diagnostic d’autisme d’un de leur enfant, bien qu’il n’y ait pas de chiffres clairs à cet effet : « Étant donné le lourd bilan des perturbations qu’entraîne dans les familles la présence d’un enfant autiste, on peut soulever l’hypothèse que le couple soit dans certains cas menacé bien que le taux de prévalence du divorce ou de séparation varie considérablement d’une étude à l’autre chez ces couples. On ne peut donc en tirer de conclusion claire. »[1] Mais en fait, trois ans plus tard, lorsque j’en parle, je dis toujours que nous n’avons pas réussi notre couple, mais que nous avons réussi notre séparation. Je n’aborde donc plus la question sur un ton amer en ce qui concerne ma propre réalité parentale.

En effet, dans notre cas, la séparation a permis une prise de conscience de la nécessité de travailler en équipe. Des fois, quand on a le nez collé sur le problème, on ne le voit plus. Et le recul est alors ce qu’il fallait pour finalement réussir à avancer. J’en discutais dernièrement avec une amie. Et une des conclusions à laquelle nous arrivions dans notre réfelxion se résume très bien au-travers de ces mots : « Retenons que le risque d’une rupture est accru selon les études qui étudient certains facteurs comme les modalités d’adaptation. Selon ces études, les deux parents tendent à privilégier des stratégies différentes, différence qui peut créer ou accentuer un fossé entre les conjoints, ou compliquer le partage des responsabilités envers l’enfant qui demande plus de soins que les autres (Gardou, 2002 ; Tétreault et Ketcheson, 2002). »[2] En gros, ça veut dire que les problèmes dans le couple arrivent souvent parce que les deux parents ne sont pas rendus au même stade dans le processus d’acceptation de l’autisme. Dans notre cas, à mon ex et à moi, la rupture sera survenue trois ans après le diagnostic de notre fils aîné. Pour certains, cela survient plus rapidement, pour d’autres plus tard et enfin, pour certains, cette réalité familiale soude encore plus le couple. Nous voudrions tous être de la dernière catégorie mais bon, la vie n’est pas ainsi faite.

Mais au-delà de ce facteur qui est maintenant bien reconnu, n’y aurait-il pas autre chose qui se cache derrière les difficultés maritales vécues par les parents d’enfants autistes? Mon amie a alors dit quelque chose qui fait bien du sens selon moi. Il faut d’abord savoir que très souvent, les mamans avancent plus rapidement que les papas dans le processus d’acceptation (ne me tirez pas de roches, ce n’est pas un reproche, c’est simplement un constat basé sur les témoignages qu’on peut lire sur les différents forums dédiés à l’autisme). « Et si cela allait au-delà de la question du rythme naturel d’avancement dans le processus d’acceptation? Et si cela avait à voir avec le fait que la société, et les employeurs, s’attendent encore traditionnellement à ce que ce soit la maman qui s’absente le plus souvent du travail pour aller aux nombreux rendez-vous médicaux et suivis pour l’enfant? Et si même un papa qui voulait s’impliquer autant que la maman n’ose pas le faire de peur de se faire juger dans son milieu de travail? Ou ne peut pas le faire par risque de perdre son emploi? » Et là, je trouvais qu’elle venait vraiment de mettre le doigt sur une bonne partie du problème. Il est certain que si c’est toujours (ou presque) l’un des deux parents qui assiste aux rencontres avec les différents spécialistes et intervenants, que celui-ci (ou celle-ci, trop souvent) progressera plus rapidement dans le processus d’acceptation. Alors maintenant, qu’attendons-nous, comme société, pour changer cette mentalité dans les milieux de travail? Peut-être pourrions-nous alors permettre à plus de couples de trouver un équilibre pour mieux passer ensemble au-travers du processus d’acceptation.

Le Ministère de la santé et des services sociaux du Québec tient actuellement un premier forum québécois sur le trouble du spectre de l’autisme. J’espère sincèrement que cette question sera soulevée dans les discussions, question que la mentalité sur les rôles des pères et des mères, telle qu’encore prônée par trop d’employeurs, puisse évoluer. Ça pourrait aider quelques familles… parce que trop souvent, qui dit séparation dit précarité financière, surtout avec un enfant à besoins particuliers. Et ça, ce n’est jamais une bonne nouvelle.

[1]    « Impact de l’autisme sur la vie des parents », Carole Sénéchal et Catherine des Rivières-Pigeon Santé mentale au Québec, vol. 34, n° 1, 2009, p.249. http://id.erudit.org/iderudit/029772ar

[2]    « Impact de l’autisme sur la vie des parents », Carole Sénéchal et Catherine des Rivières-Pigeon Santé mentale au Québec, vol. 34, n° 1, 2009, p.249. http://id.erudit.org/iderudit/029772ar

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Maman de deux petits trésors de sept et neuf ans, deux garçons merveilleux qui ont chamboulé sa vision de la vie (pour le mieux). D'une conception idéalisée de la maternité, elle est passée à la maman conscientisée qui souhaite faire une différence dans la compréhension des troubles invisibles. Deux maternités qui l'ont en effet projetée dans l'univers parallèle de l'autisme (de haut niveau). Et du trouble d'opposition. Et du trouble anxieux. Et du trouble de modulation sensorielle. Et du... bref, vous voyez le portrait! Depuis quelques années, elle s'implique activement sur les forums de parents d'enfants autistes afin de partager son expérience de maman d'une famille hors-norme, bénéficier de l'expérience des autres et participer au mouvement qui tente de changer la perception de l'autisme et autres diagnostics. Elle a vite constaté que les mots peuvent faire une différence et c'est pourquoi elle a accepté sans aucune hésitation l'invitation à participer à ce blogue. Elle partagera ici sans pudeur des tranches de son quotidien, inspirée par ses deux petits joyeux lurons.