Tresser le quotidien

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Je nous ai bâti une petite forteresse où nous nous aimons avec une force inaltérable.

Tandis que je tente de tresser notre quotidien de manière efficiente, avec surtout beaucoup d’amour, tes particularités et les miennes parfois font de la réalité un enfer. Mon TDAH me demande d’organiser mon environnement avec une précision sans faille. La routine doit être particulièrement solide et ne doit pas être dérangée… Ton TSA demande la même chose, d’une certaine manière… Pourtant, nous faisons l’un l’autre des écarts qui nous coûtent… c’est une danse entraînante du matin au soir!

Lorsqu’au matin je te réveille avec des bisous, des câlins et des chatouilles, tu décides parfois d’être anti-coopératif… D’un petit garçon qui se laisse faire, qui me sourit, tu deviens une petite tempête sur patte. Tu me repousses, tu te débats, tu me donnes des coups de pieds, des coup de poings, tu retires les vêtements que je t’ai déjà chèrement enfilés… Puis… parfois tu refuses de manger… de mettre tes souliers, ton manteau, tes bottes, ta tuque…

Nous sommes coincés, je sens mon angoisse monter tandis que je vois l’heure et anticipe un retard, encore…

Je tente de ne rien oublier, nous finissons par descendre et tu trouves très amusant de courir autour de la voiture jusqu’à ce que je t’attrape, combattant en moi-même l’exaspération avec plus ou moins de réussite.

Je finis par t’attacher, parfois sur le chemin de la garderie, tu retires tes bottes et tes bas, ta tuque, tes mitaines… tu les lances n’importe où dans la voiture.

Ultimement, nous arrivons à destination. J’ouvre la portière, je te remets en état, je prends ton sac de garderie, puis nous entrons… Et soudainement, tu deviens cet enfant qui ne veut pas que je le laisse pour partir au loin. Tu tiens ma main avec insistance, tu marches collé à moi, tu refuses du haut de tes trois ans et demi de t’écarter de ta routine et donc nous devons nous rendre à la porte même si c’est pour finalement retourner vers la cour, parce que c’est ton petit rituel d’arrivée à la garderie…

Puis, ce matin, tu composes le code numérique de la porte. Bing, moins de deux mois et tu as saisis comment je m’y prends pour déverrouiller la porte… nous montons et tu deviens l’enfant triste… et moi la mère au cœur brisé qui s’éloigne de son enfant qui se sent déchiré.

Puis, le soir, c’est moi qui te donne du fil à retordre dans la routine. D’un jour à l’autre je ne viens pas te chercher à la même heure. Pourtant, tu es toujours heureux de me voir arriver.

Nous n’allons à la maison que certains soirs, d’autre nous allons faire des courses. Ensuite on mange, et encore plus d’incertitude, parfois je veux rester dehors sur le balcon, parfois aller au parc pour jouer, parfois aller à la piscine, parfois encore on écoute un film, en somme, je te fais vivre de l’incertitude, et tu dois composer avec. Généralement, ça se passe bien vu que tu es content que je sois revenu te chercher.

Pourtant, à un moment dans la soirée, tu es envahi par cette énergie folle qui te possède, tu te mets à faire tout ce que tu ne dois pas faire… Tu prends tout ce que tu trouves et tu le jettes par terre. Tu ne te rends pas compte combien il me coûte tous les jours de consacrer de longues heures à nettoyer derrière toi.

Finalement, après t’avoir demandé de descendre 39 fois des fenêtres, de la table, de sur le dossier du fauteuil, avoir sursauté lorsque tu as lancé tes petites locomotives, ravaler ma mauvaise humeur quand tu as jeté tout ce que j’avais posé sur la table pour travailler par terre… tu me lances une de mes espadrilles par la tête et je ferme tout, je t’emporte malgré tes hurlements et les coups que tu fais pleuvoir sur moi en te débattant, je te déshabille et te fais prendre ton bain.

Puis, c’est le médicament, la couche, le pyjama, le coucher… les câlins et le genre de rituel où tu prends tes jouets, tu les déplaces, les mets dans ton petit sac à dos, dans le lit, sur la table, re-dans le petit sac à dos… finalement le dodo, parfois sur un dinosaure, parfois sur un train, avec des petits livres dans les bras ou simplement avec le sac à dos sous la main.

Tous les soirs, quand je te regarde dormir, je suis remplie d’amour pour toi. J’ai depuis longtemps oublié que mon TDAH a fait équipe à ta coopération déficiente et qu’ils m’ont mis en retard, fait perdre mes clés trois fois, mon téléphone intelligent cinq fois, mon sac à main deux fois, mon sac à dos une fois, oublié mon lunch à la maison, coûté un repas répugnant à la cafétéria, fait oublier de compléter le travail prévu depuis trois semaines. Je m’endors sans avoir fini de remplir et poster ce formulaire qui devrait être parti depuis une semaine. Je n’ai pas non plus complété le ménage et j’ai oublié de laver les vêtements que je voulais mettre demain.

Quelque part au milieu de la nuit je me réveille à cause de mon apnée du sommeil, je te regarde, je me calme, je m’endors… Un peu plus tard, tu me réveilles, puis on se rendort… Puis le matin vient perturber cette paix durement acquise. Et on repart pour un autre tour.

Un tour de vie, tressé entre ta folie et la mienne, un quotidien où se partagent l’amour et le défi qui donne cette valeur toute particulière à notre vie.

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Je suis une maman-monoparentale-célibataire et heureuse ainsi. J'ai un petit garçon atteint d'un TSA et j'ai moi-même un TDA-H. Je suis de retour aux études depuis deux ans, j'entre à l'université de Sherbrooke en septembre. Je suis terriblement curieuse et suis également autodidacte. Je passe donc beaucoup de mon temps à chercher des informations sur tous les sujets imaginables et je suis pointilleuse sur mes sources. J'essaye de comprendre les choses en profondeur et d'en saisir les subtilités. J'ai aussi tendance à faire toutes sortes de choses : écrire, lire, peindre, dessiner... J'aime fabriquer ou réparer des choses, la mécanique, des meubles, entretien de la ''maison'', etc. Je me pose beaucoup de questions sur toutes sortes de sujets, j'ai des opinions et j'assume tout ce que je suis, sans crainte. J'aime qu'on me challenge et je suis souvent capable d'adopter différents points de vues selon la situation. J'aimerais que l'humanité se grouille les fesses et devienne plus mature, mais en même temps, j'ai bien peur qu'elle ne s'autodétruise avant que cela ne se produise. Je suis très ouverte et j'aime soutenir les gens lorsqu'ils tentent de grandir. Mes deux plus grands apprentis actuellement sont mon petit ange et moi-même...