Un ange qui ne parle pas

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Quand il était dans mon ventre, je lui parlais, avec la pensée, avec la voix… Je lui parlais tout le temps. Nous écoutions des trucs… des séries, des chansons… C’était comme un ami, j’avais l’impression qu’il me comprenait. Je voyais passer des mamans, des enfants, et je voyais toutes ces femmes qui semblaient avoir la fibre maternelle… Cette manière de parler à l’enfant, au bébé… c’est empressement devant les petits… Je ne me sentais pas comme ça, dans mon ventre grandissait un petit qui était mon ami, mon ange… et j’avais très peur qu’il ne sorte de moi pour affronter ma plus grande peur: Ne pas connecter avec le bébé.

Puis, il est venu… j’ai souffert, puis j’ai fini par le faire sortir de moi… J’ai alors compris qu’un coup de foudre (pas le truc électrique) ça existe vraiment… J’étais sous le charme comme jamais dans ma vie… Je le trouvais magnifique, chaque micro expression qui passaient sur son petit visage me passionnaient.

C’était difficile, mais ce n’était pas grave. Ça n’avait aucune importance parce que l’être le plus précieux que la terre ne puisse porter était là, dans mes bras… La seule chose qui me faisait peur c’était qu’il ne lui arrive malheur.

Je lui parlais tout le temps, pas en bébé… je ne m’en sentais pas capable. Mais je lui parlais de ce que je faisais, je lui parlais de tout ce qui me passait par la tête… Et parfois, lorsqu’il était dans son siège d’auto, que je conduisais, je pensais à cet épisode des Simpson, celui ou Homer dit à Maggie avec tendresse et amour juste avant de fermer la porte de sa chambre : « Maggie, j’espère que tu ne parleras jamais ». J’y repensais et je le comprenais. J’avais un peu peur que mon petit trésor grandisse et se mette à parler. Peur de me rendre compte qu’il ne comprenait rien à ce que je lui disais, peur de me rendre compte qu’on ne connecte pas vraiment finalement, peur de me rendre compte que lorsqu’on se regarde dans les yeux, il me semble tellement plus qu’un petit bébé… mais qu’en fait c’est un gamin qui regardera Cailloux en boucle..

Mon petit ange grandissait, il était différent, mais la « non-conformiste » que je suis ne s’inquiétait pas. Il jouait différemment, se tenait différemment, me regardait différemment… très peu en fait, à des moments très particuliers.

Mon p’tit homme se réveillait au milieu de la nuit. Il hurlait et pleurait… Il n’y avait rien pour le calmer, cela pouvait durer des heures.

À nos rendez-vous, les médecins semblaient faire un cas qu’il ne parlait pas de fois en fois… Moi je n’étais pas inquiète, peut-être secrètement soulagée, mais j’acceptais de faire les vérifications qu’ils me proposaient quand même, par précaution… On a vérifié son audition, on l’a mis sur une liste pour voir l’orthophoniste… Mais bon, tout ça, c’était secondaire.

Puis un jour, mon p’tit homme venait d’avoir 2 ans, il disait peut-être 10 mots… puis BANG, il s’est effacé. Tous ses mots, il les avait perdus. Là, j’ai ressenti une grande inquiétude. Tout à coup, j’avais vraiment hâte de voir l’orthophoniste.

Peu de temps avant cette rencontre, mon petit ange s’est réveillé au milieu de la nuit, je suis allée le voir, il ne se rendormait pas, voulait se lever, c’était inhabituel. Comme je n’arrivais à rien, je me suis couché sur le côté extérieur de son lit, pour l’y retenir. J’ai fini par m’endormir. Des bruits et des mouvements étranges m’ont réveillé. J’ai d’abord cru que mon p’tit loup faisait des bêtises, mais je me suis rendue compte qu’il était en convulsions. Je m’attendais à ce que ça dure une minute ou deux, mais je me suis rendue compte que ça ne s’arrêtait pas… En attendant l’ambulance, je tenais mon fils entre mes mains et je lui parlais pour le réconforter au cas où il comprenait, en même temps, je sentais un abîme s’ouvrir en moi, ses convulsions ne s’étaient pas arrêtées, elles étaient moins intenses, mais perduraient.. J’avais une peur atroce que mon fils soit cassé. C’était comme regarder un DVD scratché qui repasse en boucle les mêmes trois secondes. Quarante-cinq minutes après mon réveil, les urgentistes lui administraient par injection ce qui arrêterait sa crise.

Mon fils était épileptique.

Quelques semaines plus tard, l’orthophoniste me disait, cachant très mal son malaise, qu’elle croyait que mon fils avait quelque chose du genre de l’autisme. Qu’il faudrait le faire évaluer et qu’elle m’y encourageait, mais elle semblait s’attendre à de la résistance de ma part.

Un mois après sa crise d’épilepsie, mon fils revoyait son neurologue, ce dernier confirma la présence de plusieurs caractéristiques proche du TSA.

Mon ange était à l’une des extrémités d’une longue file d’attente pour une rencontre en pédopsychiatrie.

Entre temps, j’ai beaucoup travaillé, grâce à différentes ressources, j’ai tenté d’aider mon fils qui avait presque 2 ans et demi alors, à s’ouvrir davantage, à avoir plus de plaisir.

C’était il y a un an, mon fils a continué de grandir, au développement normal s’est substitué un développement propre à lui. Je l’ai poussé, appuyé, protégé, supporté… Le chemin sera encore long.

Je suis seul avec lui, mon fils est non-verbal, il parle à peine, ne comprend pas beaucoup plus… Il y a d’autres problématiques, d’autres caractéristiques…

Au-delà de tout ce qui fait partie de notre réalité, je le chéris. Les meilleurs moments de mon quotidien ce sont ceux où nous nous donnons de l’affection, où nous rions ensemble, où nous jouons, où je le tiens dans mes bras et qu’en un geste de réciprocité, il s’agrippe à moi, tape doucement mon bras. Ces moments effacent toutes les difficultés. Ces moments me rendent heureuse comme lorsque j’étais petite fille et que je regardais des feux d’artifice. Ces moments sont magiques.

Mon fils est non-verbal.

Mon fils est mon ange, mon ange qui ne parle pas.

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Je suis une maman-monoparentale-célibataire et heureuse ainsi. J'ai un petit garçon atteint d'un TSA et j'ai moi-même un TDA-H. Je suis de retour aux études depuis deux ans, j'entre à l'université de Sherbrooke en septembre. Je suis terriblement curieuse et suis également autodidacte. Je passe donc beaucoup de mon temps à chercher des informations sur tous les sujets imaginables et je suis pointilleuse sur mes sources. J'essaye de comprendre les choses en profondeur et d'en saisir les subtilités. J'ai aussi tendance à faire toutes sortes de choses : écrire, lire, peindre, dessiner... J'aime fabriquer ou réparer des choses, la mécanique, des meubles, entretien de la ''maison'', etc. Je me pose beaucoup de questions sur toutes sortes de sujets, j'ai des opinions et j'assume tout ce que je suis, sans crainte. J'aime qu'on me challenge et je suis souvent capable d'adopter différents points de vues selon la situation. J'aimerais que l'humanité se grouille les fesses et devienne plus mature, mais en même temps, j'ai bien peur qu'elle ne s'autodétruise avant que cela ne se produise. Je suis très ouverte et j'aime soutenir les gens lorsqu'ils tentent de grandir. Mes deux plus grands apprentis actuellement sont mon petit ange et moi-même...