Prendre soin de moi

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C’était devenu une priorité qui a pris l’bord, comme dit l’expression, quand la tempête s’est levée dans nos vies et que les différences de Fiston nous ont explosées au visage…

Il y a, me semble-t-il, longtemps, j’avais décidé de me prendre en main, moi qu’on appelait, pas vraiment affectueusement,  « la grosse » depuis sa plus tendre enfance. J’avais mis les pieds dans un gym avec pour seul désir de prendre soin de moi afin de me donner toutes les chances d’être en santé pour voir mes enfants grandir. Et… j’ai pogné la piqûre de me sentir bien, dans ma peau comme dans ma tête. Je n’ai décidé de monter sur un pèse-personne que plusieurs mois après le début de cette aventure et déjà bien des livres en moins! Estimation, j’ai dû perdre entre 60 et 70lbs.

Je me suis découvert un amour particulier pour la course, bien seule avec moi-même, mes pensées et ma musique… En 2012, j’ai couru un marathon complet, celui de Montréal, en 5h16m et des poussières… Je pleurais de joie, de fierté, mais aussi de dépit… Car cette réussite, je l’ai vécue seule de plusieurs façons. Il n’y avait personne de connu tenant une pancarte ou scandant mon nom sur le parcours. Pas de comité pour m’accueillir au fil d’arrivée, mon conjoint et mes enfants ne pouvant pas y être. Mes entraînements pour me rendre à ce grand jour, je me suis débrouillée pour les faire, quémandant l’aide de mes parents pour garder mes enfants. Malgré les remarques parfois blessantes, remplies de commentaires, manquant drôlement de soutien.

Les derniers kilomètres, j’ai pleuré, ayant à les marcher plus que je ne les ai courus car je manquais d’air dans mes sanglots. Pleurer de ces pleurs qu’on veut garder pour soi, privés… Mais je l’ai fait, j’ai terminé. Et j’ai pleuré dans la douche ensuite… Remerciant silencieusement mes quelques alliés sur ce parcours rempli d’embûches : mon conjoint, mes enfants…

Courir me manque. Au travers des multiples tempêtes de Fiston, il en est une qui s’est déclenchée en moi et que j’ai voulu étouffer, effacer, obnubiler… Mon corps me parlait et je ne voulais tout simplement pas l’entendre. D’abord une blessure au pied, une inflammation du tissu mou, m’empêcha de courir plusieurs mois. Puis, l’influenza malgré la vaccination. Un beau temps des fêtes fiévreux, avec une toux si intense que je n’arrivais plus à dormir. Et ensuite… Toujours incapable de courir comme je le voulais. Puis un autre temps des fêtes malade, quinte de toux qui me coupent le souffle, me font voir des étoiles… Et moi qui lentement, mais sûrement se décourage. Qui voit les kilos revenir envahir mon corps…

Oh bien sûr mon corps n’est en rien comme avant ce parcours, car j’ai découvert l’entrainement en force, le powerlifting. J’ai pris du muscle au travers du mou… Mais malgré tout, la course me manque. Mon temps me manque. Ma confiance me manque. Je me pousse à continuer, à pointer sous la barre, à lever plus lourd, mais mon corps aussi est lourd, tout comme mon esprit.

Dans l’ouragan des dernières années, je me suis perdue. Je me suis laissée tomber. Je me suis complètement oubliée… Tout et tous passent de nouveau avant moi. Je me suis de nouveau reléguée au dernier rang des priorités. Et malgré mes tentatives de me reprendre, malgré les suivis avec une TS, malgré les mois à travailler sur moi, je n’avance pas. J’ai parfois l’impression de m’enfoncer dans ce désir malsain de faire en sorte que tous autour de moi soient bien et que leurs besoins soient répondus alors que les miens sont relégués aux oubliettes…

Et me voici devant un choix qui n’en est pas un. Congé de maladie. Dépression. Mon médecin m’a écouté, m’a posé des questions, m’a laissé pleurer. Puis il m’a confronté à la réalité. Il m’a confronté à moi-même. Il a rédigé l’ordonnance et m’a tendu le formulaire. Maintenant, je n’ai plus le choix. Je ne peux plus me cacher aux autres, ni à moi-même que ça ne va pas, que ça ne va plus depuis un bon moment. Que dans ce combat pour ma famille, pour mon enfant, je me suis perdue, je me suis tellement donnée corps et âme que je m’y suis noyée. Je manque d’air. Je manque de vie. Je manque de moi. Il me faut réapprendre à vivre pour moi, malgré les besoins de ceux que j’aime. Il me faut réapprendre à faire ce que j’aime, à faire ce que je veux, ce qui me fait du bien… Après avoir pris soin de ceux que j’aime, il faut maintenant que je m’aime assez pour prendre soin de moi. Pour être même  égoïste.

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Éducatrice à la petite enfance depuis une vingtaine d’année, adepte de l’entrainement en force pour ne pas perdre complètement la tête, Nancy Ringuet, très possiblement TDAH, est maman de deux garçons à diagnostics : un grand TDA sévère et un plus jeune SGT, TDAH impulsivité mixte et TOP. C’est un long combat qui aura mené aux diagnostics du plus jeune, et un long combat qui s’engage pour faire reconnaître ses besoins. Passionnée de recherches et assoiffée d’en apprendre plus, elle fouille le net sous toutes ses coutures. Elle partagera ici des textes et réflexions sur ce vécu différent de mère chef de famille, avec un conjoint dont le travail l’amène à être absent.