Mission impossible? Défi relevé!

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À quel moment faites-vous votre bilan annuel? Pas celui qu’on fait chez le médecin une fois aux cinq ans…

Plutôt celui qu’on fait dans notre tête quand une étape de notre vie est terminée. Quand on regarde par-dessus notre épaule et qu’on voit tout le chemin parcouru avec un peu plus de maturité et de recul. Ce moment de grâce dans notre quotidien de fou quand le temps s’arrête et qu’on prend la mesure de l’ampleur des efforts et du cœur qu’on a mis dans un projet, un rêve. Quand la réalisation et la consécration se pointe le bout du nez et qu’on se dit que ça y est, qu’on peut enfin clore un chapitre et passer à un autre. C’est ce moment de lucidité que j’appelle mon bilan annuel.

Pour certain ça se passe la veille du jour de l’An. Logique. La fin d’une année, le début d’une autre. Pour d’autres, c’est le jour de leur anniversaire. Les années qui passent, qui marquent le temps qui file tendent à rendre nostalgiques. Pour moi, c’est la fin des classes.  Depuis que mon aîné a débuté la maternelle (deux ans déjà !) notre vie est rythmée par la vie scolaire. Et ces vacances ont une saveur spéciale, ce sera le dernier été de mon bébé avant qu’elle fasse, elle aussi, son arrivée à l’école. Et après l’année qu’on vient de vivre, ça tombe encore plus à point.

Et quelle année incroyable ce fût! Juin 2015 semble à des années lumières d’ici et pourtant c’était à peine il y a un an. À la même période l’an passé, nous habitions toujours à Montréal. Englués dans les problèmes jusqu’au cou. Je venais de reprendre mon travail après deux mois en arrêt maladie. Je me remettais lentement mais sûrement d’une dépression post-partum qui avait duré plus de deux ans. Mon conjoint s’était fait congédier de son travail pour cause de (irré) conciliation travail-famille. Nos finances étaient dans le rouge et on peinait à remplir les ventres vides de nos cocos. L’entrée en maternelle de mon fils avait été un calvaire pratiquement du début à la fin et on terminait l’année sur les rotules, la langue à terre, les batteries complètement déchargées. Cerise sur le sundae, l’école venait de nous apprendre que le peu de services qu’on avait réussi à grappiller étaient fortement compromis pour l’année à venir en raison des compressions budgétaires. Et sans services, les probabilités que mon fils reste au régulier pour poursuivre sa scolarité étaient minces. Le spectre de l’école spécialisée était brandi au-dessus de nos têtes comme une épée de Damoclès.

Seul réconfort à l’horizon, deux mois plus, tôt notre fils avait reçu son diagnostic de TSA. Juin à décembre 2014. Six mois à harceler l’hôpital Ste-Justine pour faire bouger les choses. À leur faxer des lettres de la pédiatre, du CPE, de la TS du CLSC, de la directrice de l’école. À les appeler pour savoir où mon fils était rendu dans la liste d’attente. À leur signaler à quel point la situation dégénérait à l’école et à la maison. Et bien mon opiniâtreté a fini par payer! Dre Cousineau et son équipe du Centre de Développement nous ont pris en charge dans l’intense processus diagnostic.  Quatre mois, huit spécialistes et 14 rendez-vous plus tard, nous étions finalement fixés. TSA de haut niveau.

Un diagnostic. Mille remises en question. Je pensais être préparée, que ça ne changerait pas ma vie, que ça ne me ferait pas un pli. Je m’étais trompée. Je n’ai pas vu le coup venir. Je ne pensais pas que ça me rentrerait autant dedans. Que ça viendrait bousculer tout mon univers. Mais surtout, je n’avais pas réalisé à quel point je m’étais investie toutes ces années. Combien ma bataille avait pris de l’importance dans ma vie. Alors quand ce combat a pris fin, je me suis retrouvée les bras ballants. Monter aux barricades, défoncer des portes, en apprendre le plus possible, c’est ce qui m’a permis de tenir toutes ces années. Je me sentais investie d’une mission. Trouver ce qu’avait mon fils. Je n’aurais jamais imaginé que je me serais sentie aussi vide et inutile en entendant la confirmation que j’avais eu raison. Que mon instinct était bon. Deux jours après, j’avais mon diagnostic de dépression, direction l’arrêt de travail.

Les premiers jours à la maison, j’ai angoissé, seule avec moi-même, face au silence inhabituel de notre appartement. Mon aîné était à l’école, ma benjamine à la garderie, mon amoureux encore au travail à cette période. J’étais complètement seule, sans but et ça faisait au moins 10 ans que ça ne m’était pas arrivé. Certains jours, je pouvais fixer le vide pendant des heures. Au gré de mon humeur, j’alternais entre la prostration léthargique et l’envie folle de tout nettoyer de fond en comble. Puis un jour que tout était propre et que je cherchais à occuper mon esprit, j’ai décidé de dresser une liste. Quelles étaient mes sources de stress? Est-ce que je pouvais y changer quelque chose et si oui, comment?

La liste était la suivante :

  • Stress #1 : MONTRÉAL!!!!!!
  • Solution : Déménager!
  • Stress #2 : Le manque d’argent
  • Solution : Trouver un 2e emploi, changer d’emploi ou gagner à la loterie…
  • Stress #3 : Notre rythme de vie effréné (courir tout le temps)
  • Solution : Changer d’horaire? Un de nous reste à la maison?
  • Stress #4 : Les enfants (TSA, manque de sommeil, asthme, etc.)
  • Solution : Spécialistes? Retour de l’éducatrice spécialisée à la maison pour aider avec les routines? Se départir des chats?
  • Stress #5 : Le manque de soutien et de répit (réseau)
  • Solution : Faire plus de sorties pour faire des rencontres? Voisins? Parcs? Piscine?

Clairement, plusieurs choses clochaient dans notre vie. On avait trop longtemps fait l’autruche, il fallait sortir de cette torpeur. Surtout que rien de bon nous attendait dans les mois qui arrivaient. Cette liste a été le battement d’aile du papillon qui a déclenché un véritable tsunami dans notre vie rodée au quart de tour. Le déclencheur d’une micro révolution. L’amorce d’un projet de vie. Notre déménagement de Montréal à Gatineau.

Je me rappelle encore la face de mon amoureux, quand je lui ai dit que j’envisageais sérieusement la possibilité d’appliquer pour un poste à Ottawa! On aurait dit qu’il avait avalé des couleuvres. À part pour des voyages scolaires, nous n’avions jamais mis les pieds à Ottawa, sans voiture (ni même de permis de conduire !), avec deux jeunes enfants dont un qui n’aime pas le changement… Quand il a vu que j’étais sérieuse, une étincelle s’est allumée dans ses yeux. On a regardé des photos de la région, on s’est informés des services pour notre fils, des possibilités de logement, de salaire… On a tout étudié, tout pris en compte… Les « et si » ont commencé à teinter nos conversations. Et surprise, il m’a dit GO!

Ouf! Tout était à faire. On était au début juin et je tenais à ce que nous soyons installés pour la rentrée en septembre. La mission semblait impossible. Dix semaines pour trouver un emploi, un logement, une école, préparer un déménagement, découvrir et s’adapter à la ville, se faire un réseau… avec deux cocos en vacances et un budget ridiculement minuscule! C’était un projet de fou! Je me sentais comme si j’embarquais ma famille dans un trip en Amazonie, avec juste notre linge sur le dos. Même si mon amoureux m’a beaucoup aidé et supporté, reste que c’est moi qui avait tout le fardeau de la réussite sur les épaules. On était au bord de la (2e) faillite, nos armoires étaient vides, on était à deux doigts de perdre notre logement, la santé mentale et physique de tous les membres de notre petite tribu était en péril, le stress et les tensions à leur maximum…  Alors qu’au début on s’était lancé « parce que ça ne pouvait pas être pire », j’ai réalisé en cours de processus que si une seule des étapes foirait, ce serait le grain de sable dans l’engrenage qui ferait tout dérailler. Je ne pouvais pas l’accepter. Pas si près du but. Je pouvais presque toucher le bonheur du bout des doigts.

J’ai relevé mes manches, pris mon courage à deux mains et j’ai foncé vers notre destin. J’ai donné quatre semaines de préavis à mon employeur et on s’est activés. Luis a commencé à faire les boîtes, tout en s’occupant à temps plein des enfants. J’ai multiplié les allers-retours de Montréal à Gatineau. J’ai trouvé l’emploi en premier. Méchant retour en arrière. Je partais d’un background de presque neuf ans en administration à… barista chez Second Cup. J’allais devoir figurer comment faire vivre quatre personnes avec mon salaire de misère. Mais j’y penserais plus tard. Je ne pouvais pas m’arrêter à ça sinon j’allais paralyser de peur. J’ai continué ma recherche de logement et à quatre jours d’avis, j’ai signé mon bail! Mais quelle aubaine! Un loyer abordable, récent et propre, avec un immense boisé (forêt, pour mes enfants!) comme cours arrière! On voulait de la nature, on en avait au pied carré! Nous avons finalisé les derniers détails et voilà! La grande aventure était à notre porte …

Dix mois plus tard, nous commençons juste à réaliser tout le chemin que nous avons parcouru et à quel point nous sommes heureux. Ça n’a pas été facile, le chemin a été parsemé d’embuches et de défis, mais nous pouvons enfin dire MISSION ACCOMPLIE! Notre plus grosse réussite, celle dont nous sommes le plus fiers, c’est le changement total qui s’est opéré avec notre fils. La chenille s’est transformée en papillon. D’un petit garçon impulsif et anxieux, souvent malade et solitaire… il est devenu un pré-ado souriant, extraverti et nettement plus en contrôle! Alors qu’il détestait l’école l’an passé et pleurait soir et matin à l’idée d’y aller, cette année il a acquis la réputation d’être toujours enthousiasmé par les challenges et les nouveautés.

Le déménagement, c’était d’abord et avant tout pour mettre toutes les chances de notre bord avec notre aîné. Au départ, il était l’épicentre de notre vie, celui autour de qui tout tournait. Puis, au fil des mois, c’est toute la famille qui a trouvé sa place. J’ai trouvé un emploi qui me passionne et des amis formidables. Mon conjoint a apprivoisé son rôle de père à la maison et s’est créé un nouveau réseau de ressources. Notre benjamine s’est fait des copines et a découvert l’amour de la nature. Et mon grand, mon champion, a appris la bonne nouvelle qu’il passait en 2e année régulière en septembre ! Oui, oui. Il a réussi haut la main les tests académiques et il s’est fait des amis pour la première fois. Il a fait un travail colossal sur lui-même et il a appris à se contrôler. Je suis si fière de lui ! Et en plus, il n’a pas fait une seule crise d’asthme depuis qu’on habite Gatineau!

Alors pour finir, si je n’avais qu’un seul conseil à vous donner, c’est de ne jamais hésiter à suivre votre cœur et votre instinct. VOUS êtes la personne la mieux placée pour comprendre vos besoins et ceux de votre famille. Rêvez, croyez en vous, foncez et trouver votre place dans ce monde! Créez votre bonheur de toutes pièces s’il le faut, mais n’abandonnez jamais. Vous aussi vous avez le droit d’être heureux et ce petit coin de paradis caché n’attend que vous pour être découvert!

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Sandra Chartier est un diamant brut aux mille facettes. Femme Phénix, maman équilibriste et amoureuse caméléon, le diagnostic TSA de son fils aîné a changé son regard sur le monde et l'a amenée à parcourir les chemins les moins fréquentés. Déménagement à l’autre bout de la province, changement d’emploi et nouvelle dynamique familiale, aucun obstacle n'est insurmontable quand on aspire au bonheur. Par le biais de l’écriture, elle s’est donné comme mission cette année de rejoindre, de sensibiliser et d’informer un maximum de gens sur son quotidien haut en couleur. Après une fructueuse collaboration avec le défunt A&ME webzine, elle est prête à affronter de nouveau défis avec notre équipe!