Je suis dans cette salle d’attente. Seule. Une salle d’attente ordinaire, terne et bien remplie. Nous sommes entassés les uns sur les autres et nous nous jetons tous un œil furtif. J’écoute les conversations de mes voisins. Une garde partagée compliquée, un problème de santé récurrent, des inquiétudes… Nous attendons tous que l’écho de notre nom résonne pour qu’enfin l’attente cesse.
Et puis je les vois. Un jeune couple amoureux qui porte un petit paquet d’amour d’environ six mois dans les bras. C’est un vrai rayon de soleil dans cette salle surpeuplée. Il me regarde et me sourit. Ses parents sont tellement fiers de lui. Je le vois tout suite dans leurs yeux. Une seule ombre au tableau semble troubler mes compagnons d’attente. Le bébé est trisomique. Les murmures s’intensifient sur leur passage. Je semble être la seule à ressentir l’amour et le bonheur des parents de cet enfant-soleil. Certains se permettent même de commenter l’état du bébé. J’ai tout entendu.
Un monsieur a mentionné que ça aurait dû être un avortement. D’autres ont parlé de l’argent qu’il coûterait à la société. Quelques-uns ont plaint les parents. Une dame expliquait qu’ils n’avaient certainement pas dû connaitre la condition du bébé durant la grossesse. C’était inconcevable pour elle qu’on veuille garder un bébé aussi handicapé. Et ces parents étaient toujours dans la salle d’attente.
Et je me suis tue. Je n’arrivais pas à croire que j’étais la seule à comprendre. À comprendre ce choix qui n’en est peut-être pas un. À comprendre cet amour inconditionnel. À comprendre cette fierté. Pas seulement les comprendre, mais aussi ressentir au plus profond de mon cœur leur amour. Et je me suis tue quand même. J’aurais aimé expliquer aux gens. J’aurais aimé défendre ce couple. J’aurais aimé être la voix de ce bébé. J’aurais aimé faire taire ces murmures. Et je me suis tue.