Les fameux devoirs…

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Ma relation avec les devoirs a beaucoup changé avec les années. À la fois en tant qu’enseignant, qu’en tant que parent. Je n’ai pas besoin d’études sur le sujet pour constater l’efficacité ou l’inefficacité de ceux-ci. J’ai été enseignant spécialiste avant d’être parent et j’ai vite déchanté sur le sujet.

Comme spécialiste, j’ai normalement toutes les classes d’une école primaire (ce qui peut aller jusqu’à plus de 500 élèves). En moyenne, un spécialiste voit ses classes une à deux fois par semaine (plus souvent une seule fois, ça dépend des écoles). Ce qui veut dire environ vingt classes ou vingt périodes en moyenne. Bien souvent, les spécialités ne sont pas vues comme des matières prioritaires par les parents (même s’il s’agit de l’anglais), plus particulièrement au primaire.

À partir du moment où j’ai eu mon premier poste, j’ai vite remarqué les difficultés en lien avec les devoirs. Quand plus de la moitié des élèves ne font pas leurs devoirs dans la majorité des classes, ça devient vite un problème ingérable pour le spécialiste. Que puis-je faire :

  • Je peux écrire un mot aux parents dans l’agenda, ce qui veut dire que je perds un minimum de quinze minutes sur une période d’une heure pour écrire un mot rapide dans l’agenda. Je l’ai fait et je peux facilement perdre un mois à courir après des élèves qui cachent le mot dans l’agenda à leurs parents. Quand on doit faire un suivi avec plus de 500 élèves, c’est inévitable, on en oublie parce que, pour gérer ça, on « coupe » toujours du temps d’enseignement : vérifier sur ta liste d’élèves qui sont ceux et celles qui n’avaient pas fait leurs devoirs, aller voir les élèves, vérifier le devoir (qui n’est toujours pas fait), vérifier le mot dans l’agenda qui n’est pas signé par le parent… Chaque période, on perd encore un cinq à dix minutes d’enseignement.
  • Je peux faire des appels à la maison. Faisons un simple calcul mathématique : quinze enfants par groupe multiplié par vingt groupes donne 300 appels. Quand puis-je faire autant d’appels? Les appels sont beaucoup plus longs à faire que d’inscrire un mot dans l’agenda. Sans compter, que je n’aurai pas toujours de réponse au bout du fil.
  • Dernière solution, on envoie une lettre à tous les parents afin de leur dire qu’il n’y a plus de devoirs, mais que des leçons. En mentionnant que le tout est disponible sur le site internet de l’école et bien indiqué par groupe avec les dates de chaque semaine. Maintenant, la balle n’est plus dans mon camp.

Est-ce que quelque chose a réellement changé? Non. Je demande, dans chaque classe, qui a fait son étude de la semaine et pas plus de la moitié des élèves lèvent la main. Donc, depuis longtemps, j’ai abandonné les devoirs. Pour les leçons, je garde le même système lorsque c’est possible.

Parce que, pour l’instant, je suis revenu à la suppléance, j’ai eu la chance d’agrandir mes champs de compétence en côtoyant particulièrement la clientèle des enfants HDAA (troubles d’apprentissage et/ou de comportement, élèves handicapés, déficience intellectuelle, écoles pour enfants sourds etc.) et j’avoue que j’ai eu la piqure pour cette clientèle.

En tant que parents d’enfants ayant un TDAH et trouble d’opposition, les devoirs sont vraiment ce que l’on peut qualifier de « calvaire ». Pour des enfants médicamentés pour le TDAH, la fenêtre optimale de leur fonctionnement est l’avant-midi. Les enseignants ayant des élèves TDAH devraient donc faire l’enseignement de nouvelles notions durant cette période et garder le reste pour l’après-midi. De plus, il ne faut pas oublier que la médication est efficace pour 12 heures (ou 2 fois 6 heures, tout dépend du médicament). Il est donc évident que ces enfants n’ont plus la capacité de se concentrer, dès qu’ils sont de retour à la maison, exception faite des rares chanceux dont l’un des deux parents est à la maison et qui peut aller les chercher tout de suite à la fin des classes. Cependant, l’effet de la médication tire déjà à sa fin et n’est plus aussi efficace qu’en début de journée.

Donc, nous avons des enfants qui arrivent relativement tard à la maison, qui doivent faire des devoirs sans avoir la capacité de se concentrer, bien souvent fatigués de leur journée et n’ayant plus d’énergie pour travailler. Est-ce que vous avez réalisé que certains de ces enfants arrivent au service de garde à 6h le matin (quand les cours commencent vers 8h00 ou 8h30) et qu’ils partent du service de garde à 18h (quand l’école se termine entre 15h et 15h30)? De plus, remarquez qu’ils ne sont pas arrivés à la maison à 18h! Nos enfants font bien souvent des journées plus longues que nous, les adultes.

Pour moi, la période de devoirs est purement et simplement une période de « torture ». Il n’y a que cris, pleurs, insultes, impolitesse, « crises de bacon », prises de becs (il ne faut pas oublier qu’il y a de l’opposition chez deux de mes trois enfants), rage, coups sur la table, lancement de divers objets et bris de ces mêmes objets à l’occasion… Alors, dites-moi réellement, à quoi servent les devoirs? À part vider l’énergie des parents ET des enfants…

Dans mon temps, c’était correct. Il n’y avait pas de service de garde le matin, que pour le dîner. On arrivait à l’école à 8h et à 15h c’était fini. On faisait nos devoirs en arrivant et en mangeant notre collation pour ne pas manquer nos émissions qui commençaient à 16h ou pour aller jouer dehors avec nos amis. La réalité a bien changé depuis, mais on dirait qu’une partie de l’enseignement ne s’est pas adaptée à cette nouvelle réalité. Dans mon cas, il n’y a plus de questionnement, il n’y a plus de place pour les devoirs. On ne fait qu’écœurer les enfants avec l’école et probablement que l’on sème la graine du décrochage chez ces enfants, plus particulièrement chez les garçons qui sont plus « à risque» ». Ce n’est que mon opinion basé sur mon expérience et mes observations. À vous d’entamer cette réflexion…

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Père de 3 enfants (d’une famille reconstituée, mais qui s’affiche comme une famille nucléaire ayant comme particularité d’être reconstituée!) de 10, 11 et 15 ans ayant tous un TDAH, le petit dernier a une surdité un trouble d’opposition et présente des difficultés dyspraxiques (il a besoin d’aides technologiques sans toutefois être dyspraxique), notre fille a un SGT et notre plus vieux a un TAG, un trouble d’opposition et son TDAH est accompagné d’impulsivité (TDAH/I). Étienne est un enseignant spécialiste d’anglais (primaire/secondaire/adultes) ayant eu la chance de travailler et de remplacer dans diverses classes ou même écoles spécialisées (classes de langage, communication non-orale avec des enfants handicapés ayant une déficience moyenne à légère, remplacements dans une école pour malentendants (langue des signes Québécoise) et classes d’adaptation scolaire au secondaire en anglais). Ayant un look rebelle, il est plutôt du genre «hors-normes». Il a fait ses études collégiales en musique jazz-pop et il est également un guitariste passionné (compositeur et parolier) d’un groupe métal progressif. Il compose également de la musique de films et courts-métrages pour un de ses amis qui travaille dans le milieu du cinéma. Il a longtemps été organisateur de GN (jeux de rôles grandeur nature) et il aide, à l’occasion, un de ses amis à concevoir et fabriquer des armures médiévales fantastiques. Bref, on peut donc facilement remarquer que la créativité ne manque pas chez-lui!