Deux heures par semaine…

0
368

Depuis octobre 2018, Pierre 19 ans, est à temps plein avec moi.
Parce qu’il allait très mal…
Ça fait un an…

Un an, que je ne suis pas sortie seule, un an sans activité… Un an c’est long!
Un an que l’anxiété avait pris des proportions inimaginables…
Le moindre geste de ma part qui laissait supposer que j’allais me préparer lui donnait des sueurs…

Le son du « pouich » de ma bouteille de fixatif, la vue de mes boucles d’oreilles ou si je portais autre chose que du linge mou, provoquait de l’anxiété et il en avait pour des heures à s’en remettre!
Un an de captivité pour moi.

Nous avons donc, mon mari et moi, accumulé les moments de la vie quotidienne où je sortais de son champs visuel, ne serait-ce que quelques secondes… Aller au sous-sol, dans une autre pièce de la maison ou sortir la poubelle le rendait anxieux!

Un jour, je suis sortie dans la cour arrière sans lui, quand il devenait anxieux de ne pas me voir, je passais devant la porte-patio. Il se rendait compte que j’étais toujours là et ça allait mieux! Je prolongeais de quelques secondes, puis de quelques minutes le temps que je passais en dehors de son champ visuel…
Et il a fini par comprendre que les gens qui partent reviennent!
Au fil des mois, le temps s’est prolongé sans qu’il soit anxieux…
Puis, je me suis mise à quitter la cour pour aller marcher dans le quartier avec le chien…

Pendant ce temps, lorsqu’il commençait à me demander, papa le rassurait, lui disait combien il était champion et que oui j’allais revenir… Et quand l’anxiété semblait revenir, il me textait et je réapparaissais… Ainsi on ne laissait jamais le temps à l’anxiété de monter!

Les quelques secondes sont devenues des minutes, des demi-heures et enfin des heures….
Sans me voir…
Sans anxiété…

Depuis maintenant trois semaines consécutives, je sors une fois pendant deux heures la fin de semaine…

Deux heures (plus le temps de transport) où je fais des commissions, où je bois un café en paix…
Deux heures… Qui ont commencé par quelques secondes sans me voir!
Deux heures… Qui s’étirent à chaque week-end un peu plus…

Quand je pars, Pierre va mettre lui-même ma photo sur son horaire, qui signifie pour lui que je vais revenir…

Pour rendre la chose encore plus belle pour Pierre, quand ma sortie tire à sa fin, j’envoie un message texte à mon mari et il dit à Pierre que c’est le moment de se préparer pour venir me chercher… Et qu’en même temps, on va passer chercher du McDonald’s! Ce qui rend l’événement encore plus joyeux…

Mais je ne prends rien pour acquis…
Quand on parle d’anxiété, on peut très vite revenir à la case départ…

Pour l’instant, je ne pourrai jamais vous dire tout ce que ces secondes gagnées au compte-goutte représentent pour moi… Je peux aller chez mon médecin ou chez le dentiste maintenant.
Je peux respirer un peu plus!

Mais pour Pierre, c’est encore plus grandiose… Il se libère très doucement de cet étau qui l’étouffe…

Et ces deux heures me permettent de rêver…
Et d’espérer encore…
Que je pourrai bientôt engager une aide familiale… (qui me permettrait de sortir encore un peu plus!)
Que je pourrai, un jour peut-être, réaliser mon rêve de partir en week-end avec mon mari pour voir New-York en décembre…

PARTAGER
Article précédentJ’ai besoin d’aide
Article suivantL’inclusion tout en améliorant : un projet de société?
Maman de trois enfants, une fille et deux garçons , Valérie, Pierre (atteint d'autisme, du Syndrome de Gilles de la Tourette, de TDAH, de trouble anxieux généralisé) et Xavier (autiste). Passionnée d'animaux et de plein air, je m'efforce de faire connaître à mes fils le dépassement de soi à travers les randonnées et les excursions! Je partage les nombreux défis, les grandes et petites victoires aux quotidiens que peut représenter la vie avec mes deux fils!