Il y a des choses dont on ne parle pas dans le monde du handicap, des choses secrètes, taboues qu’on évoque que le soir les lumières éteintes quand personne ne peut vous surprendre, en message privé à une autre maman qui comprend..
Le handicap, on le défend, la différence, on la positive, son enfant, on en montre le meilleur… Alors on cache sous la couverture du combat pour l’intégration tout ce qui est sombre, noir, monstrueux, horrible… Car on a peur, si peur, qu’on juge sans comprendre, qu’on nous enlève le fruit de nos entrailles, qu’on nous accuse de ne pas savoir nous y prendre…
Alors, on ne parlera pas qu’on ne veut pas de cette vie-là faite de sacrifices et de douleurs. Qu’on aime son enfant, mais pas la vie qui va avec et que si on avait su… Non mais CHUUUT, ça ne se dit pas…
Et on taira la crise qui a débordé, qui nous a vidée, qui nous a attrapée, frappée, mordue que vous avez l’impression qu’un camion vous est passé dessus. On cachera sous un pull les griffures et les morsures, les bleus au corps et à l’âme. Comment expliquer que votre enfant vous a frappée parce qu’il ne savait plus se contrôler? Comment les gens pourraient comprendre que parfois, on le laisse même faire pour qu’il arrête de souffrir… Le mien? Non jamais voyons, pas dans ma maison! Je suis tombée, ce n’est rien, on ne verra plus rien demain…
Comment oser même penser à disparaître, à s’en aller? À les laisser se débrouiller ceux qui savent et qui sont bien au chaud dans leurs bureaux. Ceux qui te disent ce que tu dois faire, mais qui ne savent pas que tu n’as plus envie parce que tu n’as pas le droit de ne plus vouloir te battre ni de laisser tomber. Ben oui, peut être qu’il a besoin de tout ça, mais je ne peux pas, je ne veux pas…
Mais je n’ai pas le droit de le dire, car il y a tant de sujets dont on ne parle pas dans les médias :
La dépression, le harcèlement, les dettes, les divorces, la violence et les suicides, les maltraitances des pros, les signalements, les placements abusifs, les nuits où on hurle dans son coussin, les douches qui nous servent à pleurer de manière invisible, la fin de toute vie sociale ou familiale, la souffrance, la peur, le corps dont on ne prend plus soin, les médicaments pour ne pas passer à l’acte, l’alcool qui nous permet de tenir une heure de plus ce soir, les salles d’attente qui ressemblent à des tombeaux où on enterre nos vies, cette prison dorée où on a choisi d’entrer et dont on a perdu la clé…
Mais chut… Tais-toi… Si tu parles, tu tues notre combat… Le handicap, c’est magnifique! Ces enfants-là sont si incroyables! Ils arrivent à se surpasser, ils sont enfin intégrés, le handicap n’est plus une fatalité…
Ben vous savez quoi? Je me sens sacrifiée…
Mais chut, promis, je me tais…