Cher Monsieur le Ministre,
Oui, oui, vous là assis bien confortablement dans votre bureau. Vous qui portez le complet et le sourire pour parler aux caméras des journalistes. Vous qui apposez votre signature sur des décrets et autres documents officiels. Vous qui êtes payé à même mes impôts. Vous qui avez les moyens d’aller visiter les services de santé au privé sans vous soucier de savoir si vous pourrez payer l’épicerie des deux prochaines semaines. Vous, Monsieur le Ministre de la Santé*. Ah j’aurais peut-être pu inclure aussi votre ami de cabinet, Monsieur le Ministre de l’Éducation, mais je crois que ce texte aurait été trop long… Quoi que… Ah et puis zut, allons-y!
Et bien, commençons. Vous, Monsieur le Ministre, vos enfants sont en santé n’est-ce pas? Ils n’ont pas de problèmes d’apprentissage ou de différences, n’est-ce pas? Voyez-vous, mon souhait serait que la prochaine personne qui occupera votre poste, ou celui de votre ami et collègue de l’Éducation, soit quelqu’un comme moi. Un simple parent. Quelqu’un qui aura dû se battre pour obtenir de l’aide. Pour obtenir des services. Des services dont son enfant, sa famille avait besoin. Des services permettant d’arriver à un ou plusieurs diagnostics. Des services qui amènent les gens du milieu scolaire à mieux comprendre, à mieux intervenir, à faire des demandes de services. J’aurai envie vous mettre ici un ou deux vidéos de fiston, en crise ou en tics, pour que vous puissiez juger et me dire s’il est acceptable qu’une famille doive vivre sur des œufs sans fin 24/7.
Car voyez-vous, Monsieur le Ministre, je pense, en ma qualité de simple mère qui n’est ni avocate et ni médecin, qu’il est inacceptable que mon enfant et ma famille aient dû vivre ce que nous avons vécu durant plus de deux longues années. Je trouve inacceptable que trop de familles comme la mienne aient à lutter pour obtenir ce à quoi nous sommes en droit : des services dans le milieu de la santé dans un laps de temps raisonnable. Je trouve inacceptable de payer autant de taxes et d’impôts pour qu’on me ferme des portes au nez en me disant que je ne suis pas sur leur territoire quand je crie à l’aide pour mon enfant dans un système de santé qui se prétend parmi les meilleurs au monde. Je trouve aberrant d’avoir, en plus de mes impôts et taxes diverses qui devraient couvrir ces services, payer des spécialistes au privé pour avoir accès à des évaluations afin de pouvoir aider mon enfant, et ses enseignants (Bonjour Monsieur le Ministre de l’Éducation!), à obtenir les services auxquels il est en droit pour réussir ses apprentissages. Je trouve déplacé de voir qu’on dit à des familles d’en faire plus pour obtenir des services dans ce système de santé qui semble si déconnecté de la réalité. Quand un urgentiste réfère mon enfant pour une consultation en pédopsychiatrie en me disant qu’il doit absolument être vu au maximum dans les deux semaines et que l’appel arrive au bout de deux semaines avec un « mais madame, vous n’êtes pas sur notre territoire », encore une fois, je bouille. Je rage. Je perds confiance, tout comme mon conjoint, en ce système de santé qui nous coûte une fortune, mais fait preuve de tant de lacune, de tant de froideur, de tant de lenteur.
Il est prouvé que plus les interventions se font tôt chez les enfants présentant des difficultés, plus elles sont identifiées tôt, moins l’enfant en vivra les conséquences. Moins les impacts seront négatifs.
Moi, mon fils d’à peine 9 ans a d’inscrit à son dossier, qu’il a vécu un trouble dépressif dû à la médication, chose qui aurait pu être évitée si nous avions eu accès au pédopsychiatre tel que le voulait son médecin généraliste. Mais parce que les guerres de clôtures semblent encore faire loi dans le système de santé, mon fils aura passé deux ans replié sur lui-même, en venant même à souhaiter mourir. Me criant son désespoir…
Je ne peux vraiment parler que de ma famille. Ma famille qui depuis moins d’un an réussit à dormir sur ses deux oreilles plus paisiblement. Car les huit premières années n’ont pas été de tout repos avec un enfant qui dormait peu. Avec un enfant qui, nous le savons aujourd’hui, présentait déjà des signes de troubles du sommeil. Mon fils a son diagnostic, une lettre d’évaluation bien remplie avec les concomitances qui s’accolent à lui. Mais aujourd’hui, après un trop long combat, la médication est adéquate, les suivis sont adéquats, les services sont adéquats. Mais dans ce combat qui aura duré de longues années, j’aurai laissé ma santé, Monsieur le Ministre. C’est maintenant moi qui aie besoin de suivi et de ressources.
Dites-moi, concrètement, que faites-vous pour aider les familles comme la nôtre? Que fait votre gouvernement pour nous aider? Entre les journées de travail perdues à courir les rendez-vous, les nuits de sommeil perdues à se demander ce que sera l’avenir, à payer des spécialistes car votre système ne peut nous aider… Que faites-vous pour nous, les familles qui payons chèrement des services auxquels nous avons difficilement accès, si nous arrivons à y avoir accès…
Ce message, je l’écris pour ma famille, mais aussi pour toutes ces autres familles que je connais qui vivent semblables situations, semblables frustrations. En espérant que des voix s’élèvent, assez fortes pour vous atteindre, vous et votre gouvernement, pour que vous redescendiez de votre Olympe, si haut perché dans les nuages, pour voir qu’ici-bas, la population désespère pour ses enfants.
* J’ai préféré ne pas mettre de nom puisque dans le milieu politique, le jeu de chaises musicales est fréquent peu importe le parti en place et puis, élection rime avec changement de ministre, mais que ma réflexion demeure peu importe le parti au pouvoir.