Être autiste à 57 ans

0
596

Je partage le témoignage touchant et difficile d’un ami autiste, aujourd’hui dans la cinquantaine.

Marc-Antoine m’a téléphoné voilà environ trois ans et il m’a dit qu’il pouvait enseigner les arts martiaux adaptés et qu’il détenait lui-même deux ceintures noires, une en judo et une en karaté. Je lui ai ouvert nos portes et il s’est présenté la semaine suivante. Il est devenu depuis un de mes assistants. Comme bien des personnes autistes de son âge, il a 57 ans , il n’a jamais reçu de diagnostic officiel, mais tous ceux qui ont des enfants autistes reconnaîtront rapidement qu’il est sans aucun doute une personne atypique vivant avec des différences. Il m’a demandé, entre autres, au courant des derniers mois, de l’accompagner dans ses rencontres avec des représentants gouvernementaux pour faire reconnaître son statut de personne différente, car il ne comprend pas bien ce qu’ils veulent et les formulaires qu’il doit remplir. Je l’ai aussi assisté dans certaines situations où des gens ont pris avantage sur lui, car il a beaucoup de difficultés avec l’argent.

C’est un homme très brillant, mais aussi très vulnérable dû à ses lacunes en matière de relation sociale. Nous l’aimons beaucoup à Autisme Karaté ainsi que toute notre clientèle qui apprécie sa présence à  tous nos cours à Montréal. Voici le témoignage de Marc-Antoine Bourget. 

Il y a toujours eu quelqu’un pour soulager ma peine.

Je ne suis pas autiste Asperger. Je suis un autiste classique profond, par opposition à l’autisme sévère qui est accompagné de problèmes physiques ou génétiques d’infirmité ou même de déficience intellectuelle.

Les incapacités interrelationnelles qui me briment sont presqu’insurmontables et je suis toujours, à un point ou à un autre, incapable de comprendre pourquoi, c’est peut-être malheureux, mais c’est comme cela.

Je ne choisis pas de blesser des gens parce que je ne vois pas pourquoi ce que je relate est incompréhensible et blessant pour eux, mais j’essaie d’éviter de blesser les gens. Malheureusement, mon incompréhension est toujours présente et la plupart du temps, au lieu de voir que je suis aveugle à ces choses, on essaie de m’y discipliner.

Quand j’étais jeune, étant apoplectique, je faisais souvent des crises, parce que l’on me faisait mal. J’étais enfermé dans une cage, attaché en laisse ou même tout simplement attaché pour m’empêcher de bouger. Les gens me battaient, comme c’était acceptable à cette époque, parfois même des étrangers le faisaient.

Quand je faisais une crise, je me faisais donner des coups de pieds et des claques. Entre 1 et 4 ans, une sœur adoptive me consolait, mais seulement après que j’eusse été battu. À cette époque, je ne parlais pas. J’ai commencé à parler seulement vers 4 ans. En dehors de ma sœur, tous me rouaient de coups. Comme je parlais, on me mit à l’école dès 4 ans à l’institut Marie-Clarac. J’ai évidemment continué à faire des crises d’apoplexie. Même les sœurs me battaient. Une m’a même presqu’arraché une oreille.

Une fois en arrivant, car je n’aimais pas ce changement de vie d’être mener dans un institut loin des gens avec lesquels j’étais habitué de vivre, j’ai encore fait une crise d’apoplexie. Une sœur me donna un bonbon mou, c’était la première marque d’affection par une inconnue.

Si ce n’était des inconnues qui m’aident, je ne pourrais pas continuer de vivre. Mais tellement continuent d’essayer de me battre, de me punir ou de me discipliner pour des choses que je ne comprends pas.

Je suis très triste de ne pas pouvoir comprendre ces choses, malgré toute l’attention que mon père m’a prodiguée.

Mon père était behavioriste et il avait mis sur pied une thérapie qu’il avait appelée, thérapie de l’éveil de la conscience. Les corps institutionnels ont refusé ses théories parce que d’après eux, la conscience n’existe pas. J’ai donc un comportement qui semble tout à fait normal et cela me permet de passer plus ou moins inaperçu dans la société.

Par contre, mes capacités sociales sont toujours incapables de comprendre bien des choses et je ne peux pas fonctionner, car tous veulent me battre, me discipliner, me montrer comment comprendre, bien que j’en sois incapable. Il me manque un morceau de cerveau dû à un abcès au cerveau qu’en j’étais dans la gestation de ma mère. Le cerveau ne repousse pas comme la peau.

Ce qui fait que je puisse fonctionner malgré cela, c’est que je suis conscient que si je coopère et que je suis gentil, les gens me considèrent comme fonctionnel et ne m’attaquent pas. Je réussis à être gentil et fonctionnel par amour des gens et de Dieu. L’apoplexie est devenue une affaire de sentiments internes.

Je suis très triste que plusieurs gens ne connaîtront jamais cette joie et ce bonheur parce qu’ils ont fait le choix ou ont été subjugués à agir toute leur vie avec haine.

Je vous aime tous.

Merci d’être là et d’être vivant pour que je vous aime, même tous ceux qui ont choisi et qui sont subjugués de façon à haïr.

Marc-Antoine Bourget

PARTAGER
Article précédentMa confession
Article suivantAutiste? Impossible, madame!
Père d'un garçon autiste, André est le fondateur d’Autisme Karaté et vice-président d’Adama (Association de développement des arts martiaux adaptés). Professeur de karaté ceinture noire 2e dan, il pratique les arts martiaux depuis plus de 25 ans. Avec son épouse Nathalie, André a développé et adapté des cours de karaté pour les enfants et leurs parents, basés sur son expérience personnelle. Il enseigne maintenant les arts martiaux adaptés depuis 2009 et a fait bénéficier cette discipline à plus de 150 étudiants au prise avec l’autisme à différents niveaux.