J’abandonne!

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En fait, je ne sais même pas si je dois dire j’abandonne ou on m’abandonne!  Après  11 mois de démarches, d’appels, de formulaires à compléter par des spécialistes, de justifications à écrire et d’heures de sommeil en moins (parce que le seul temps que j’ai, c’est lorsque les enfants sont couchés!), Jérémie n’a pas été reconnu comme enfant handicapé.  Je pourrais contester à nouveau, en me rendant au tribunal administratif.  Je me demande sérieusement si je veux investir autant de temps et d’énergie pour obtenir un gros 189$ par mois.

Je souhaitais obtenir ce montant pour payer une partie des frais d’orthophonie et d’ergothérapie que nous déboursons au privé.  Une session en ergothérapie coûte 110$ et n’est pas remboursée par les assurances.  Une session de 45 minutes en orthophonie nous coûte 95$.  Les assurances remboursent 80% d’un maximum de 400$.   Il est suivi aux deux à trois semaines, je vous laisse faire le calcul… À ces frais, s’ajoutent les adaptations (vêtements, chaussures, matériel scolaire…), l’achat de logiciel (exemple : Lexibar = 200$), etc.

Mon fils a trouvé le moyen d’être différent même dans sa différence.  Les diagnostics ont été tardifs, même s’il est suivi depuis qu’il a 3 ans. Il a un TAC (trouble d’acquisition de la coordination), une dyspraxie verbale, il est dyslexique et dysorthographique et il a profil mixte d’hyposensibilité proprioceptive et d’hypersensibilité sensorielle.

Aux yeux du ministère de l’Éducation, mon fils est reconnu comme handicapé, il a obtenu le code 33 pour ses difficultés motrices.  Ceci lui a donné droit à un portable pour faire ses travaux.  À cause de son hypersensibilité sensorielle, Jérémie était en surcharge et n’était plus disponible aux apprentissages. On l’a donc placé en modification, c’est-à-dire qu’on a modifié les attentes au point où il est peu probable que Jérémie termine son secondaire. Malgré de nombreux défis, l’évaluation en neuropsychologie (1800$ payé au privé) démontre que Jérémie est très intelligent. Il chemine dans la moyenne supérieure pour ce qui est du raisonnement verbal (77 p.c.) et du raisonnement fluide (88p.c.).  Pourtant, si je laisse le système faire, mon enfant n’obtiendra pas son diplôme d’études secondaires, on me l’a répété à plusieurs reprises l’an passé!

Afin de diminuer la surcharge, nous avons fait une demande pour que Jérémie soit admis dans une classe à effectif réduit qui respectait son potentiel intellectuel.  Nous avons finalement obtenu cette classe, au prix de nombreuses démarches, effort et investissement en temps et en argent (Ne baissez pas les bras!).

Toutefois, pour continuer à progresser dans sa vie de tous les jours et à l’école, Jérémie a besoin d’ergothérapie et d’orthophonie.   Jérémie a bien été admis au centre régional de réadaptation de la région.  Pour l’orthophonie, on a jugé qu’il ne répondait pas aux critères. Pourtant, mon fils ne sait même pas bien placer sa langue dans sa bouche, ce qui fait que les dents se déplacent…  mais oui, malgré certaines difficultés, on le comprend généralement lorsqu’il parle.  Ces difficultés se répercutent en lecture et en écriture, car il a tendance à écrire les mots comme il les prononce, mais ça on s’en fout!

Pour l’ergothérapie, cela doit être en lien avec les activités de la vie quotidienne.  Ce qui n’inclut pas les habiletés en lien avec les apprentissages scolaires.  Pourtant, n’est-ce pas le quotidien d’un enfant de 9 ans d’aller à l’école?  Lors de la rencontre du 15 septembre au centre de réadaptation, nous avons mentionné que Jérémie, lorsqu’il revient de l’école, n’est pas capable de débarrer la porte (et depuis le changement de classe, qui impliquait un changement d’école, il arrive avant nous).  Ils ont gentiment accepté d’inscrire un objectif à ce sujet sur le plan individualisé, en nous spécifiant bien qu’il se donnait jusqu’en février 2017 pour voir Jérémie à ce sujet.

On nous a aussi suggéré de changer la serrure pour une serrure à numéro.  J’ai vérifié, ce type de serrure se détaille autour de 180$ (modèle de base) plus taxes et cela n’inclut pas l’installation.  Pourtant mon fils n’est pas reconnu comme handicapé, donc aucun soutien financier…  Et vous ne pensez pas que comme c’est un besoin très ponctuel, on aurait pu faire l’effort de voir Jérémie dans un délai d’un mois?   Ben non, on préfère le laisser dehors face à une porte qu’il n’est pas capable d’ouvrir.  C’est bon pour son estime de soi qui est déjà très affecté! Et ce sont eux justement qui ont offert des ateliers d’estime de soi à Jérémie.

Vous vous doutez bien que je n’ai pas laissé mon fils dehors devant la porte.  La première semaine, on a fait déplacer grand-maman tous les jours.  Par la suite, notre aînée a pris la relève en attendant le rendez-vous que nous avions pris en ergothérapie au privé.  Après une séance en ergo, de la pratique à tous les jours pendant un peu plus d’une semaine et une belle liste de procédure de sept étapes collées sur notre porte d’entrée (c’est de toute beauté!), notre fils est capable de rentrer chez lui!  Nous sommes le 9 novembre et nous n’avons toujours pas eu de nouvelle du centre de réadaptation… et je ne les avais pas avisés que nous irions au privé!

Comme le dit si bien Jean-François Roberge, dans son livre Et si on réinventait l’école, le Québec n’a pas les moyens de perdre un futur travailleur.  Pourtant, sans nos démarches, le temps et les sous que nous investissons pour aider notre fils, je peux affirmer qu’il ne serait probablement pas fonctionnel et que l’état devrait en assumer la charge… Et l’état en ce moment ne me fournit aucune aide autre que la classe à effectif réduit!

J’abandonne! Attention, je n’abandonne pas mon fils!  J’abandonne l’idée que l’état m’aidera à aider mon fils à devenir autonome et fonctionnel en société au point d’obtenir un emploi et ainsi subvenir à ses besoins.  Mon fils, je vais continuer de l’aider.  Avec  l’aide appropriée, de la persévérance et du temps, Jérémie nous l’a démontré à plusieurs reprises, tout est possible!  Je ne trouve tout simplement pas normal de m’endetter pour l’aider alors que je dois continuer de payer des taxes et des impôts comme tout le monde, mais qu’on m’abandonne!

Je souhaite de tout cœur que mon fils ne vive pas aux crochets de la société plus tard (donc à votre crochet), mais je suis désolée de vous dire que je me sens très seule en ce moment, et si j’échoue ou s’il échoue, il  n’y a pas grand monde qui pourra dire l’avoir aidé ou même essayé de l’aider!

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Maman de quatre enfants, qui par leur grande sensibilité, l’ont amenée à remettre en question tout ce qui semble acquis ou naturel pour la plupart des gens. Elle se dévoue pour que ses enfants restent connectés à cette essence profonde qui leur est propre. Deux de ses enfants ont reçu un diagnostic de dyslexie/dysorthographie. Pour l’un d’eux, s’ajoutent une dyspraxie verbale, un trouble de la coordination motrice et un profil mixte d’hypersensibilité et d’hyposensibilité. Enseignante au primaire depuis 2002, elle travaille maintenant exclusivement avec les enfants en difficulté d’apprentissage.