En cette journée de l’Autisme, ici en France, je voulais vous parler de mon fils Jules âgé de 6 ans. L’autisme de Jules a été diagnostiqué à ses 18 mois. Il ne savait pas comment communiquer avec nous, ses parents ou avec son frère. Il ne savait pas exprimer ses besoins, il ne pointait pas du doigt, il ne parlait pas, aucun son ne sortait de sa bouche. Il s’isolait beaucoup, soit dans une pièce de la maison, soit il se cachait dans un placard. Il alignait ses jouets devant lui, ne supportait pas d’être sale ou mouillé. Il faisait beaucoup de crises de frustrations, faites de cris, de pleurs, de trépignements, parfois, il pouvait jeter ses jouets ou les objets à portée de sa main. Ces jets pouvaient être orientés n’importe où mais parfois il pouvait nous viser, parce que nous n’arrivions pas à le comprendre.
Son diagnostic, paradoxalement, fut pour nous une première bouffée d’oxygène. Parce qu’il mettait des mots et une réalité sur ce que nous pensions avoir détecté chez lui. Cela nous a permis de faire le point sur le flou de son comportement.
Est alors venu le temps de la prise en charge, d’abord au sein du Centre d’Action Médico-Sociale Précoce, qui regroupe des spécialistes comme psychologues, orthophonistes, kinésithérapeutes, psychomotriciens, éducateurs spécialisés, pédiatres et pédopsychiatres. Puis, au fur et à mesure, nous avons orienté sa prise en charge vers des spécialistes libéraux, orthophonistes, neuropsychologue et ergothérapeute.
Au long de ce parcours, nous avons pu évoluer dans notre façon de voir le handicap. Parce que, tout d’abord, nous l’avons accepté. L’acceptation du handicap de son enfant est sans doute l’étape la plus difficile, mais c’est l’étape principale, elle est primordiale. Dépasser le déni ou l’aveuglement est sans doute la meilleure chose à faire pour son enfant. Parce que lorsqu’on a accepté ce handicap, on peut enfin avancer et travailler avec son enfant pour son développement. Sans cette acceptation, ni l’enfant, ni les parents ne peuvent avancer et vivre avec le handicap. C’est tout bonnement impossible, c’est la stagnation, l’échec.
Le chemin est long et tortueux, quelques fois semé d’embûches, comme son acceptation à l’école et l’attente d’une Auxiliaire de Vie Scolaire pour qu’il puisse suivre un cursus scolaire normal. Il faut être diplomate voire politique vis-à-vis de certains spécialistes qui ne veulent pas avancer dans le sens que vous avez choisi pour votre enfant, parce qu’ils sont réfractaires à toute évolution « moderne », attachés à des principes psychothérapeutiques dépassés et inefficaces. Il faut donc que la famille reste soudée, volontaire, acharnée. Parce qu’ensemble nous sommes plus forts.
Aujourd’hui, Jules suit une scolarité normale avec une Auxiliaire de Vie Scolaire. Il parle de mieux en mieux, même s’il doit encore faire des efforts de prononciation. Il a des copains, il peut même aller de lui-même vers un enfant qu’il ne connaît pas pour lui parler et jouer avec lui. Il sait faire preuve d’imagination, d’humour. Il sait jouer un rôle, il sait jouer aux devinettes, qu’elles soient simples ou complexes. Il sait reconnaître et exprimer la plupart des émotions. Bref, il a un comportement social qui fait passer inaperçu son autisme pour quelqu’un qui ne le côtoie pas régulièrement.
Pourtant, il est toujours là, tapi dans l’ombre, dans un recoin de son inconscient. Prêt à resurgir à la moindre fatigue ou baisse d’attention. Mais le travail que nous faisons depuis son plus jeune âge fait son effet, nous le voyons tous les jours. Nous devons rester vigilant et ne pas ralentir nos efforts. C’est un travail de longue haleine, parfois pénible mais aussi payant et valorisant. La récompense est au bout du chemin, c’est la promesse d’un avenir pour notre enfant différent, la promesse d’une intégration sociale réussie. C’est le moteur de notre vie chaque jour. C’est l’espérance.