Tu t’es levé un matin avec l’impression que le poids du monde était sur tes épaules. Tu avais juste envie de pleurer, de t’effondrer. C’est ce matin-là que tu m’as dit : « J’en ai assez de trouver juste ce qui va mal dans ma vie. C’est pas normal d’être tout le temps déçu de tout. » Ce matin-là, tu m’as dit : « Je pense que je suis en dépression ». Qu’est-ce que je pouvais dire devant ce mal qui te rongeait? Qu’est-ce que je pouvais faire sinon t’appuyer et te dire que j’étais là? Je ne savais pas trop comment, mais il le fallait. Pour toi, pour moi, pour nous, pour eux… les tempêtes qui tout à coup voyaient leur papa pleurer, grogner, s’effondrer pour des choses hors de leur portée.
Il y a des années que ça ne va pas… Des années que tu te cherches et que tu veux voir la vie en rose comme moi. Il y a des années que tout te déçoit. Quand une brique te tombe sur la tronche, c’est juste la confirmation que tu mérites juste de la marde. Ben oui, tsé le vrai négativisme… Tu as vu le doc… Diagnostic de TDAH… Ensuite cœliaque… Ensuite apnée du sommeil… Même l’orienteur t’a dit que c’était pas ton choix de carrière le gros trouble… Tu as déjà tout ça… Mais même traité, bah tu feel pas. Tu sens que tu es brisé. Tu sens que tu as un trou dans la bonne humeur. Tu sens que l’univers ne te comprend pas, mais aussi que tu ne comprends pas l’univers. Même moi, parfois… Je l’avoue, je me sens un peu perdu dans ta mauvaise humeur.
Je pouvais faire quoi sinon t’appuyer, te soutenir? Moi, ta femme, ta coéquipière de vie. Quand j’ai dit « Oui, je le veux », ça voulait aussi dire ça. Te tenir la main quand tu pleures juste parce que tu es triste. Te bercer quand tu te rends compte que tu as merdé en sapant le moral de tous pendant une soirée. Te réconforter quand les gens autour de toi ne comprennent pas que ce n’est pas d’hier que ton cœur broie du noir. Te rappeler les rayons de soleil qui viennent te réchauffer le cœur de temps en temps. Parce que oui, ce serait facile de dire que je lève les pattes et que je fais mes valises quand c’est difficile… Parce que c’est souvent difficile depuis quelques temps… Mais qu’au fond, en-dessous de cette couche de peine, de désespoir et de noirceur, tu es là. L’homme que j’aime. Mon ami. Mon amour.
La maladie mentale, ce n’est pas juste sur Facebook ou dans les campagnes de sensibilisation. Elle est là. Chez la voisine, chez ton patron, chez la commis du dépanneur… Elle se cache derrière un sourire bien avant de devenir une rubrique nécrologique. Parce que faire semblant que ça va aller et tougher encore une journée, ça s’appelle parfois de la survie. Un jour à la fois… Boy que mon amour, je comprends ça. Ta santé entre les deux oreilles ressemble à un accouchement. Un moment à la fois. Un événement à la fois. Parce que ta dépression, c’est aussi la mienne et celle des tempêtes… Mais c’est aussi ça une famille. Pour le meilleur et pour le pire… Quand ça va bien ou quand ça va mal… Quand t’as une face de demoiselle d’honneur ou quand tu pleures dans le fond de ta douche parce que tu sais pas quoi dire ou quoi faire. Parce que c’est un temps à passer… La maladie mentale, c’est le résultat de plein de bobos qui s’accumulent dans l’âme ou bien une grosse plaie qui se fend dans le cerveau. Pour Petit Mari, on cherche encore. Pourquoi? Où? Comment? On sait juste que tu as le cœur brisé. Le fond de l’âme qui voit le noir. Des lunettes en forme de cœur qui ne voient plus.
Et à travers ce champs de mines, il y a notre réalité. Ces moments de paix qui nous appartiennent juste à nous. Le fait que dans notre petit cocon, bien au chaud dans notre routine, on se sent bien, on se connaît et on se comprend. Il y a le fait que dans toutes ces idées noires qui t’habitent, notre amour n’est pas à remettre en cause. Tu m’aimes. Tu le sais. Et même si c’est temps-ci, il m’arrive de me sentir perdue dans ta détresse, je sais que je t’aime et que c’est cet amour-là qui me fait avoir envie d’affronter la prochaine crise d’incompréhension ou de peine ou de colère. Il fût un temps où tu as été mon phare, quand devant ma grande douleur de devoir dire au revoir à notre grande fille, je me suis effondrée et où la vie me faisait mal. Cette fois, c’est mon tour d’être un roc pour toi. Et oui, ce n’est pas facile… Et oui, il faut que je me respecte…
Et les tempêtes sont là, solide, forts comme toujours. À comprendre à demi avec leurs yeux d’enfants que papa a le cœur lourd comme des tonnes de briques et que dans ses yeux, il y a du noir plus que du rose bonbon. Ils prennent le temps. Ils sont géniaux. Dans leurs yeux, pour eux, tu es le plus merveilleux des papas. Tu leur montres que de prendre soin du petit moineau entre leurs deux oreilles, c’est aussi important. Tu leur enseignes qu’il n’y a pas de honte à mettre un genou à terre pour repartir ensuite. Tu leur apprends à se respecter et à demander de l’aide bien avant d’être dépassé par la peine, la douleur. Tu leur dis qu’un homme ça peut pleurer aussi. Tu es précieux, mon homme. Tu es un homme. Un vrai. Fort dans ta faiblesse. Et nos tempêtes, c’est ça qu’ils voient. Tes tentatives pour devenir un meilleur papa. Ta volonté de te sentir mieux et de réveiller ton pep. Eux, ils veulent t’aider autant que moi.
Il m’arrive de vouloir te brasser le cœur et de lui dire que tu en as de la chance de nous avoir tous. Puis, je me souviens que c’est pour ça que tu as demandé de l’aide. Tu as envie de le voir. Tu as envie de t’en rendre compte chaque jour et ça par toi-même.
Tu ne le vois peut-être pas, mais même dans la tempête pour nos tempêtes, tu restes un phare qui va les faire grandir et s’ouvrir aux autres dans leur joie comme dans leur détresse. Bravo mon homme. Bravo mon amour. Je suis là.