On pense savoir, comprendre, gérer la différence… J’en ai pourtant vécu des choses! Mon frère est décédé d’un accident de voiture alors que j’avais 13 ans. Alors que je suivais nombre de femmes tombant enceinte dans les forums de futures mamans, je faisais une fausse couche… puis une autre. Enfin, après une grossesse difficile, ma petite puce a pu voir le jour. Dès son premier jour, on lui a détecté un souffle au cœur qui nous a conduit chez le cardiologue à 9 jours, pour ensuite la faire opérer à 7 mois pour une sténose de la valve pulmonaire. Les suivis chez le cardiologue, à l’Hôpital pour enfants, se sont enchaînés. Notre petite puce allait bien; tout allait bien. Notre fils est né plus de quatre années plus tard. À 2 ans, il se faisait opérer pour strabisme et se sont enchaînés les rendez-vous chez l’ophtalmologiste au même hôpital. Parfois même tous les mois. Mais notre petit garçon allait bien; tout allait bien.
C’est le 10 mars 2012 que notre vie a basculé. Notre fille entrait aux soins intensifs de l’Hôpital pour enfants pour une acidocétose diabétique. Le diagnostic est tombé : diabète de type 1. Notre vie allait changer, mais celle de notre petite puce âgée de 8 ans à ce moment, encore plus. Les rendez-vous avec la nutritionniste, l’infirmière de la clinique de diabète, l’endocrinologue, les formations, la psychologue parce que Laurie vivait ce diagnostic difficilement. Pas facile de se piquer le bout du doigt dix fois par jour! De s’injecter quatre fois par jour de l’insuline… Heureusement pour nous, il y a deux ans, nous avons fait le saut et Laurie porte depuis une pompe à insuline! Cet engin, de la taille d’une « pagette », qu’elle porte 24h/24, 365 jours par année, la garde en vie. Ce n’est pas une mince affaire! On continue les multiples rendez-vous, les courriels avec l’équipe de diabète, les tests de glycémie dix fois par jour, le changement de cathéter aux trois jours, les changements de réservoir aux quatre ou cinq jours. On calcule tous les glucides de tout ce qu’elle mange (et quand je dis « on », ça inclut Laurie elle-même, maintenant âgée de 12 ans), on considère chaque activité physique, chaque petit virus, chaque voyage en auto qui sera long, on doit voir si elle mange beaucoup de protéines, de gras ou de fibres car ça affecte aussi la glycémie… Je pourrais continuer la liste longtemps. Après bientôt quatre ans, on pourrait penser que c’est plus facile. À certains égards oui, à d’autres moments non…
Parce qu’entre temps, notre vie a encore changé! Alors que notre petit Leo entrait à la maternelle, une enseignante formidable a vu tout de suite qu’il « décalait » par rapport aux autres. Nous avons enchaîné : faire faire un test en audiologie pour écarter un problème d’audition, remplir des autorisations d’évaluations, remplir des questionnaires pour la psychologue scolaire et l’orthophoniste, faire faire l’évaluation par elles deux, rencontrer la direction de l’école et ces deux professionnels pour avoir une hypothèse de TSA (trouble du spectre autistique), appeler une clinique d’évaluation en neuropsychologie pédiatrique, prendre rendez-vous, remplir des questionnaires, assister à une rencontre, amener Leo à des rencontres et ensuite se confirmer en bilan qu’il a bel et bien un TSA. Nous avons passé à l’évaluation en ergothérapie puis en physiatrie. Entre-temps, on voyait encore l’ophtalmologiste deux fois par année! Sa première année a été très difficile, je rencontrais son enseignante à toutes les deux semaines pour finalement choisir de le changer d’école où il reprendrait sa première année.
Une fois ce choix fait, on pensait bien dire ouf!!! Non? Entre-temps, c’était la dégringolade pour notre cocotte, la 5e année était très difficile, les notes baissaient (légèrement), son estime aussi, le caractère s’enflammait, le mien aussi… Voyant le tout et avec nos recherches, nous avons décidé d’aller en évaluation pour un trouble déficitaire de l’attention (TDA) qui fut confirmé par les neuropsychologues. Mais attention… ces dernières ont « flaggué » une autre différence chez notre cocotte. Serait-il possible qu’elle aussi présente un TSA? Continuant notre investigation, nous avons reçu le diagnostic en octobre dernier : TCS (trouble de communication sociale). Mais qu’est-ce que ça mange en hiver?
On pense s’en sortir, on pense avoir tout vu… mais la différence, c’est au quotidien qu’elle se vit. C’est dans les crises de Leo parce qu’il n’aime pas les bisous et que sa sœur, bien intentionnée, ne cherche qu’à lui démontrer combien elle l’aime! C’est dans l’anxiété de Laurie lorsqu’elle a à prendre la parole ne serait-ce que pour demander à une autre jeune fille de jouer avec elle. C’est dans le désespoir de Leo parce qu’il n’arrive pas à se concentrer pour faire ses constructions en Lego lorsque Laurie chante en lavant la vaisselle. C’est dans la crise de Laurie parce qu’elle n’arrive pas à comprendre son petit frère, même en ayant le diagnostic le plus rapproché de celui-ci. C’est dans mon énervement lorsque j’essaie de faire comprendre quelque chose à mon fils de 7 ans et que son cerveau fonctionne différemment : on ne se comprend tout simplement pas tout le temps. Mais cette différence apporte aussi des sourires, des clins d’œil entre moi et Laurie quand Leo fait une drôle de réflexion, c’est quand Laurie maintenant médicamentée pour son TDA et qui est plus que radieuse en faisant la vaisselle (oui oui!!). C’est apprendre la différence et arriver à « dealer » avec un peu plus chaque jour.
Maintenant, mon seul souhait, c’est d’arriver à enseigner, à sensibiliser notre entourage à cette différence qui nous exaspère par moments, mais qui nous apporte tant à d’autres moments.