6:00 tapantes, je démarre la cafetière. Les cheveux en bataille, les yeux collés et la jaquette de travers. Chaque matin, je me lève 30 minutes plus tôt, parce que je le sais, j’ai besoin d’un temps seule pour me placer le cerveau sur la bonne rail et boire un café avant que mes petites humaines dévalent de leur lit comme deux tornades en pleine jungle. Je préférerais dormir, mais comme bien d’autres choses depuis leur arrivée, j’ai dû m’adapter. Comme une maman… Et un peu plus.
Pour moi, vous n’êtes que deux petites filles pleines d’énergie et d’idées saugrenues, mais pour le commun des mortels, vous êtes soit une SGT-TDAH-HP et une TDAH, soit deux belles cocottes, soit deux-petites-bombes-incapables-de-se-tenir-tranquille-sûrement-des-enfants-rois-et-qui-ne-vont-certainement-pas-assez-jouer-dehors!
6:05, j’ouvre Facebook, mon petit rituel.
Malaise. Ma gorgée de café passe de travers. Encore… Encore un article sur le sur-diagnostic du TDA/H et la sur-médication qui vient avec. Des spécialistes sonnent l’alarme… Et je comprends. Parce que oui, il y en a beaucoup des diagnostics de coin de table, bâclés et donnés par faute d’autres moyens, mais ce qui me tord les tripes, c’est l’effet rebond qu’aura l’article. Je sais qu’aujourd’hui, je n’ouvrirai pas beaucoup Internet et que je n’écouterai pas les nouvelles. Parce que non, quand on médicamente son enfant, on n’en retire aucune fierté. Je sais qu’aujourd’hui, je devrai faire face à tous ces commentaires désobligeants, aux jugements longs comme le bras et à la pluie de commentaires de matantes et mononcles Ti-Jo Connaissant qui pensent tout connaître sur les troubles neurodéveloppementaux. Personne ne m’avait dit qu’en devenant mère, je deviendrais membre par excellence d’un justifica-thon qui n’a jamais de ligne d’arrivée!
Ce genre d’article est nécessaire, je le sais bien. On doit faire en sorte que ces sur-diagnostics cessent. Mais moi, la maman de deux petites humaines, j’en ai assez de nous justifier. Justifier leurs comportements, leurs diagnostics, leurs médications, alouette! Parce que non, ce n’est pas parce qu’il existe de faux diagnostics, que les vrais n’existent pas. Ma grande fille de 11 ans a un syndrome de Gille de la Tourette, un TDA/H, un trouble anxieux et elle est aussi une enfant à haut potentiel intellectuel. Le jour où à 8 ans, en pleine crise, elle a arraché la fenêtre de sa chambre et s’est sauvée de la maison, j’ai arrêté de me taper sur la tête. Ma fille a besoin de médication pour fonctionner. Point. Ce n’est pas une option, c’est même une question de sécurité. Le jour où vous trouverez votre petite humaine de 9 ans, assise en pleine rue parce qu’elle veut se faire frapper, vous reviendrez me dire que ses troubles n’existent pas et qu’ils ne sont que la lubie de parents trop permissifs!
Ma petite humaine, elle en prend trois! Trois pilules! Imaginez-vous donc! Allô la mère hors-contrôle que je dois être! Et bien non. Je suis une maman qui fait manger des légumes verts à ses enfants depuis leur naissance, qui les amène deux heures par jour jouer dehors (oui, oui! Deux heures!), qui fait de la discipline, qui est instruite, qui vit en couple avec le même papa, qui travaille comme éducatrice, qui éduque ses enfants, mais qui en a plein le casque de toujours justifier le pourquoi du comment!
Oui, mes filles prennent des médicaments!
Oui, elles sont turbulentes!
Oui, elles sont parfois impolies, même si elles en vivent les conséquences!
Oui, elles mangent bien et équilibré!
Oui, elles bougent en masse!
Oui, j’en ai une particulièrement opposante!
Oui, elles sautent encore sur les sofas!
Oui, elles ont plein de tics étranges!
Oui, elles n’agissent pas toujours comme des enfants de leur âge!
Oui, si elles vont passer une journée avec vous, elles seront ben ben fines! C’est chez nous que ça va sauter, parce qu’elles se seront contenues toute la journée pour être SAGES!
Oui, vous en verrez sûrement une courir dehors et hurler à pleine tête comme un lion en détresse si vous habitez le voisinage!
Et non, elles ne restent pas assises à la table!
MAIS oui, on a tout essayé avant de penser à la médication!
Et la médication n’est pas une solution en soi. Elle est un outil complémentaire aux autres outils et stratégies que l’on met chaque jour en place avec leur médecin, la pédopsychiatre, la travailleuse sociale, les professeures et les éducatrices spécialisées de l’école.
Alors de grâce, demain, si vous lisez un article sur le sur-diagnostic et la sur-médication, ayez une pensée pour tous ces parents qui auront encore à se justifier. Nos batailles quotidiennes sont suffisantes, le fardeau de la justification ne fait que nous enlever de l’énergie pour ce qui compte vraiment : aidez nos enfants à s’adapter à ce monde qui ne les aide pas beaucoup!