Je ne drogue pas mon enfant, je le médicamente. La différence entre les deux, tu me demanderas, c’est ton jugement. C’est entre ces deux mots qui veulent tout dire pour toi, mais qui m’incriminent moi. C’est ça la différence. Tu sais, si j’avais eu un enfant qui aurait répondu aux efforts que je faisais pour son évolution, je n’aurais jamais été de ce côté, de ce choix que j’ai dû faire.
Tu sais toi, en tant que mère, tu fais des choix, pis bien je m’en fous un peu tant que tes enfants ont le nécessaire pour vivre. Tu fais de ton mieux et c’est très bien ainsi. Mais toi, tu oses me juger moi, qui fais aussi de mon mieux. Tu crois que j’ai un malin plaisir à donner de la médication à mon fils. Tu crois que je veux qu’on reste assis et que j’aie enfin la paix. Que je puisse rester sur mon téléphone à relaxer pendant que cette pilule s’occupe de mon fils, comme une gardienne payée par des assurances. Tu crois que j’ai eu l’impression d’avoir gagné quand j’ai eu enfin la prescription entre les mains. Que je m’imaginais, verre de vin à la main, relaxant sur mon divan bien moelleux pendant que mon enfant fixerait un point dans le vide bien médicamenté. Tu crois que ça me fait plaisir de continuer d’aller au rendez-vous des spécialistes car j’aime ça manquer le travail. Que toutes les prises de sang et les tests qui vont avec cette médication, que j’exagère quand j’en parle.
Dans le fond, tu crois à bien des choses, mais j’espère qu’au moins tu ne te crois pas quand tu inventes ces idioties dans ta tête. Que ce n’est qu’une partie de toi qui doute de ma bonne volonté.
J’espère vraiment que toi ton enfant, il n’en aura jamais besoin de médicament. Tu sais, moi j’espère vraiment que tu ne manqueras jamais le travail pour des rendez-vous de spécialistes et que tu pourras profiter de ton plein salaire. J’espère que tu seras capable de relaxer sur ton divan avec un verre de vin à la main pendant que ton enfant joue tranquillement parce que je sais que tu le mérites ce moment à toi. J’espère que ton enfant n’aura une mauvaise journée qu’une fois de temps en temps pour qu’il puisse profiter de sa jeunesse qui passe si vite. Je te souhaite de vivre ta vie avec ta progéniture comme la vie nous l’a montré. Avec plus de hauts que de bas, de petites crisettes qui se termineront par des câlins. Je te souhaite de voir ton enfant exceller à l’école avec quelques difficultés qu’il finira par surmonter avec ton aide. Je t’en souhaite des belles choses même si on ne se connait pas. Même si je sais que toi, tu me juges. Même si je sais que ça ne viendra sans doute jamais à tes oreilles car la chance que tu as, d’avoir un enfant neurotypique, tu ne t’en rends pas compte.
Tu sais, je ne drogue pas mon enfant, je le médicamente. La différence entre les deux? C’est la même différence entre nous deux, ton jugement.