Quand autisme rime avec créativité

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J’ai déjà rédigé un texte hommage à mes amitiés bâties via les réseaux sociaux, au travers des groupes et forums dédiés aux parents d’enfants différents. L’une de ces amies est une femme merveilleuse, que j’admire énormément, Lucila Guerrero. Maman d’un enfant autiste et Asperger elle-même, c’est une femme de talent qui a décidé de mettre son art au profit de la sensibilisation à l’autisme. Auteure, graphiste et photographe, elle utilise l’art pour briser les mythes entourant l’autisme. Elle est aussi membre fondatrice de l’association Aut’Créatifs, un « mouvement [qui] est né de la rencontre d’artistes autistes qui ont de l’imagination à revendre, un imaginaire riche, raffiné, complexe, et qui donnent corps à leurs rêves en des œuvres d’art : des artistes qui ont pris conscience d’une urgence à agir pour changer les mentalités. »[1] Elle lança il y a environ un an un projet emballant, l’exposition du Portrait de l’oiseau qui n’existe pas, la proposition d’une rencontre avec l’imaginaire autistique.

Extrait du communiqué de presse de l’exposition : L’histoire raconte qu’un soir d’hiver, en 1956, Claude Aveline, écrivain et poète français, lit à voix haute son poème Portrait de l’oiseau qui n’existe pas, écrit six ans avant, devant ses deux invités, artistes aussi. Il leur demande d’imaginer et de dessiner l’oiseau dont il ignore l’apparence. Plus tard et ce pendant 25 ans, il lancera le même défi à 194 autres artistes.[2] Lucila Guerrero, artiste, auteure et autiste, touchée par la découverte du poème et son histoire, a voulu faire suivre l’initiative de Claude Aveline en faisant appel à des personnes autistes du Québec et d’ailleurs pour s’unir artistiquement dans la création, loin de la compétition et inspirés par l’interprétation personnelle du poème.

Un projet visant à briser le mythe que les autistes n’ont pas d’imagination. Un appel à tous invitant les autistes intéressés à participer à l’aventure fut donc lancé sur les réseaux sociaux. J’en ai informé mon fiston chéri, 9 ans (8 ans à l’époque), Asperger et qui adore (entre autre) dessiner. Je lui ai lu le poème de Claude Aveline. Je voyais en temps réel les idées se bousculer dans sa tête. Ne faisant ni une ni deux, il s’installa à sa table de travail, prit papier et crayon et dessina cet oiseau qui n’existe pas, version Antoine : une tête de castor, un bec d’oiseau et des dents de castor, une carapace de tortue, des ailes de poule, une queue de lézard, des épines de porc-épic, des jambes d’ibis, des pattes d’aigle; cet oiseau vit dans les plaines d’Afrique sur les cratères des volcans; alimentation : omnivore. Il y a même une comparaison à l’échelle avec un humain. Pas d’imagination, les autistes? Je crois que celui ou celle qui a dit ça n’a jamais côtoyé d’autistes. Surtout quand on sait tout ce qui a été inventé par ces derniers et que nous utilisons au quotidien. Pensons simplement aux ordinateurs… Bref, honnêtement, ce n’était pas le dessin le plus appliqué de mon fils, lui qui fait preuve d’un réel talent en dessin (à 7-8 ans, il maîtrisait déjà la perspective et le 3D, ce que je suis toujours incapable de faire à 39 ans). Mais c’était SON oiseau qui n’existe pas. Alors nous l’avons soumis pour l’appel à tous et il a été sélectionné.

Nous y sommes allés en famille, les fistons et moi, samedi dernier. Un petit aller-retour Québec-Montréal pour permettre à Antoine de voir son dessin, encadré et accroché dans le contexte d’une vraie exposition. La fierté dans son regard, son petit sourire gêné quand il a vu l’oeuvre, sur le mur. Priceless. Parce que non, il ne l’a pas toujours facile au quotidien, mon petit homme. Mais là, c’était son jour de gloire. Nous y étions en plus avec un groupe d’amies, des mamans extraordinaires, toutes engagées dans la cause de la sensibilisation à l’autisme et/ou de la mobilisation contre les compressions en éducation. Alors de partager ce moment avec elles fut d’autant plus émouvant. Toutes les œuvres sont par ailleurs magnifiques. Une idée fabuleuse, que cette exposition, le type d’initiative qui me rejoint réellement.

L’exposition est présentée au Café de Da de la Bibliothèque d’Ahuntsic à Montréal du 4 au 29 avril 2016 et regroupe des œuvres en dessin, photographie, poésie et peinture, provenant du Québec, du Chili, de la France et des États Unis. Si vous habitez près de là et que vous lisez ce texte avant le 29 avril 2016, je vous encourage fortement à aller la voir. Possibilité que l’exposition voyage dans quelques autres lieux aussi.

Dans la même veine, un autre projet très intéressant de Lucila : Aimer dans l’imbroglio. Un projet photographique qui se veut « une exploration, un regard et une réflexion artistiques sur l’amour et l’acceptation de la diversité humaine »[3]. Allez jeter un coup d’œil sur la page Facebook du projet, vous y trouverez toute l’info nécessaire ainsi que le formulaire de participation.

Lucila, merci de tout cœur pour cette opportunité offerte à mon bel Antoine. Un dessin qui s’est transformé en un événement qu’il gardera longtemps en tête, j’en suis certaine. Et j’espère pouvoir collaborer longtemps avec toi! Surtout, continue à nous présenter tes projets rassembleurs.

[1]    Source : https://autcreatifs.com/

[2]    Le Nouvel Observateur, 27 juin 2013

[3]    Source : https://www.facebook.com/projetaimer/

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Maman de deux petits trésors de sept et neuf ans, deux garçons merveilleux qui ont chamboulé sa vision de la vie (pour le mieux). D'une conception idéalisée de la maternité, elle est passée à la maman conscientisée qui souhaite faire une différence dans la compréhension des troubles invisibles. Deux maternités qui l'ont en effet projetée dans l'univers parallèle de l'autisme (de haut niveau). Et du trouble d'opposition. Et du trouble anxieux. Et du trouble de modulation sensorielle. Et du... bref, vous voyez le portrait! Depuis quelques années, elle s'implique activement sur les forums de parents d'enfants autistes afin de partager son expérience de maman d'une famille hors-norme, bénéficier de l'expérience des autres et participer au mouvement qui tente de changer la perception de l'autisme et autres diagnostics. Elle a vite constaté que les mots peuvent faire une différence et c'est pourquoi elle a accepté sans aucune hésitation l'invitation à participer à ce blogue. Elle partagera ici sans pudeur des tranches de son quotidien, inspirée par ses deux petits joyeux lurons.