Une "classe poubelle"? Une société nombriliste à la dérive!

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Suite à la lecture de l’article du Devoir La dérive tranquille de la classe ordinaire , paru le 13 octobre dernier dans le cadre des consultations sur la réussite scolaire, voici la réaction d’une maman, membre de la Coalition de parents d’enfants à besoins particuliers du Québec, Geneviève Beauséjour, dont les propos sont entérinés par la Coalition et appuyés par plus d’un millier de parents-membres dont je fais moi-même partie.

À la lecture de votre article intitulé La dérive tranquille de la classe ordinaire, en mon nom, celui de la Coalition de parents d’enfants à besoins particuliers du Québec et d’un grand nombre de ses membres, nous souhaitons réagir. Nous sommes tentés de demander : est-ce un faible vocabulaire qui a fait en sorte que, parmi un peu plus de douze mille adjectifs que possède notre magnifique langue française, vous, auteurs, avez choisi « poubelle » pour définir les classes que l’on dit ordinaires, mais qui n’ont d’ordinaire que le mot? Ont-ils vraiment réfléchi avant de parler? « Classe poubelle »! Il aurait mieux valu tourner sa langue sept fois!

Madame Mons et son collègue Monsieur Larose sont peut-être sans savoir que les enfants ayant des besoins particuliers ne sont pas des déchets. Parce que oui, ces termes permettent cette extrapolation! Faire une association de la sorte démontre, à mon sens, un manque de vocabulaire, mais plus important encore, un grand manque de connaissances. Les plus doués sont en exode? Petite nouvelle pour vous, mon fils est lui-même un élève en difficulté, mais ô combien doué! Est-ce que l’école privée accepterait son inscription? Certainement pas! Les plus démunis dans le système scolaire actuel sont moins doués simplement parce qu’ils n’ont pas la chance de le devenir, parce que l’accompagnement de ces enfants se situe autour d’une à deux heures par jour! On vous donnerait, dès le début de votre parcours scolaire, un professeur une heure par jour, vous pensez vraiment que vous seriez doué? Ne sommes-nous pas supposés faire place à la différence dans notre société et s’y adapter? Nous ne parlons pas ici de nivellement vers le bas, mais de chances égales de réussir, d’équité. Chercher à ghettoïser les élèves à besoins particuliers de cette manière n’aidera personne, encore moins l’effondrement des mythes et préjugés associés à nos enfants.

D’ailleurs cela m’amène à un autre article du Devoir (Après le « dossier santé », le « dossier élève »?) on pouvait lire : « Pour un il faut que tu grossisses les caractères; pour l’autre, il faut que tu donnes plus de temps. L’autre a besoin de coquilles sur les oreilles pour se concentrer. […] Ça devient tellement lourd! » – Brigitte Bilodeau, du Syndicat de l’enseignement de la Chaudière. Alors, ils sont lourds nos enfants? Nous vous invitons à partager le quotidien de plusieurs d’entre nous. Il faut accepter l’aide lorsqu’elle est offerte. J’ai moi-même été témoin à titre de personnel scolaire et de maman, de situations où l’aide était offerte mais n’était pas acceptée de la part des enseignants. En santé, on appelle cela le refus de traitement! Loin de nous l’idée de généraliser ici, mais comprenez que nous sommes, nous parents, d’accord avec le fait que la charge de travail est lourde et pour ceux qui accepteront l’aide, nous serons là pour les appuyer. Est-ce que vous, comme syndicat, lorsque le temps sera venu, vous vous assurerez de faire place à l’autre syndicat, vous savez celui du personnel de soutien indispensable au fonctionnement? Le problème est que tous les élèves doivent entrer dans le même moule et lorsque le moule ne leur convient pas, nous ne nous efforcerons pas d’en bâtir un, même fragile, pour celui qui en a besoin. Ils préféreront leur chasse-gardée au détriment de l’élève sans défense, malheureusement.

Quant au président de la Commission scolaire des découvreurs à Québec, il nous partage son avis : « Il y a des millions de dollars qui sont donnés aux EHDAA [élèves handicapés ou en difficulté d’apprentissage] et je ne suis pas certain que l’ajout d’argent va permettre d’améliorer les services ». Sait-on vraiment ce qui se passe avec les enveloppes dédiées aux EHDAA? Les parents sont-ils mis au fait que les sommes peuvent être attribuées à un autre enfant que le leur? Que l’enveloppe budgétaire associée à chaque élève HDAA est laissée à la gestion de la direction qui, s’il y a mauvaise gestion, utilisera les sommes autrement? Évidemment que si l’on continue en ce sens, nous aurons beau injecter des sommes astronomiques que nos enfants à besoins particuliers n’auraient pas plus de services et que les professeurs de leur côté seraient encore et toujours débordés. Oh! Bien sûr on vous dira : procédons autrement. On proposera probablement de diminuer les exigences du programme éducatif, même pour ceux qui n’en ont pas besoin et alors on vous dira : « Voilà! Ils réussissent! » À quel prix, pour ceux qui auraient vraiment eu le potentiel de continuer dans le programme régulier? Un semblant de diplôme? Qui cela servirait-il? Les écoles, pour augmenter leur taux de réussite et leur prestige?

Ne nous égarons pas, quoique si peu. Revenons donc à cette étude qui me semble emplie de préjugés. Parlant de mythe, en voilà un qui choque. Selon Monsieur Alex Larose, l’auteur, le conseiller syndical et tel qu’inscrit dans l’article : « La classe ordinaire devient un concentré d’élèves ayant des besoins particuliers moins soutenus dans leur famille ». Permettez-nous de douter de ses grandes notions d’analyse ou alors, nous le souhaitons, il ne parle que de soutien financier! Si tel est le cas alors, on assiste encore là à un système qui n’a rien à faire de la douance des enfants, mais qui a tout à faire avec l’argent. Les enfants différents qui auront les parents les plus riches, parce que nés de bonne famille, auront droit à de meilleures chances. La bourgeoisie sera de retour. Plusieurs membres de la Coalition et bien d’autres parents, se tuent littéralement à la tâche. Le soutien qu’ils donnent à leur enfant est incommensurable au point où, plusieurs y laissent leur santé et bien souvent leur travail parce que leur tâche parentale est incompatible avec les exigences du marché du travail. Vous savez, ce ne sont pas les enfants à besoins particuliers qui n’ont pas de soutien de leurs parents mais bien leurs parents qui ont perdu tout soutien de la société. Bien sûr, il y aura toujours des parents moins outillés, mais encore faut-il leur rendre disponible ces mêmes outils. Cessons de les blâmer et tentons de les diriger.

Nous ne sommes ni pour l’intégration à tout prix, ni pour la classe spéciale pour tous. Nous sommes pour l’individualité que proposent, sur papier, la Loi sur l’instruction publique et la grande majorité des politiques d’adaptation scolaire. Pour réussir, il faudra modifier les façons de faire, la place faite aux éducateurs spécialisés et autres professionnels de l’enseignement et miser sur une formation adéquate du personnel. Malgré cette position claire des besoins de chacun, avant toute chose, nous prendrons position pour démentir avec véhémence les mythes véhiculés.

En terminant, avant de publier une étude qui contient une telle lourdeur de par les mots choisis, prenez un moment de recul, et surtout, tâchez de nuancer, ce que certains arrivent peut-être à faire plus difficilement.

Geneviève Beauséjour

Membre de la Coalition de parents d’enfants à besoins particuliers du Québec

Crédit photo : Lucila Guerrero (CPEBPQ)

À lire sur Spectredelautisme.com : Éducation – L’économie au détriment de l’humain

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