Une histoire de compressions mais surtout de mobilisation

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La Coalition de parents d’enfants à besoins particuliers du Québec soulignera dans moins d’un mois son premier anniversaire de fondation. D’une décision presque coup de tête de quelques mamans de fonder ce regroupement, nous sommes passés en moins d’un an à une organisation qui a su faire sa place dans le paysage de la mobilisation contre les compressions en éducation. Une expertise concernant les élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) qui est reconnue. Après tout, quand on doit mener des luttes quasi continuelles pour la scolarisation de nos enfants, on finit par en connaître un petit bout sur le vocabulaire, les différentes législations, règles et processus de plaintes… Et comme je le dis souvent, quand on parle de ce qu’on vit, on peut difficilement se tromper. Bien évidemment, nos différents mandats depuis la création de la Coalition ont aussi amené les membres fondatrices à lire bien de la documentation sur tous les rouages administratifs de notre système scolaire. Des dizaines d’heures de lecture sur le sujet. Et j’oserais même dire de formation continue, grâce à l’expertise-conseil de commissaires scolaires impliquées dans le mouvement. Le tout, bénévolement. Un travail pratiquement à temps plein (mais toujours bénévole) pour certaines même, quand on y inclut toute l’organisation des différentes actions. Alors je vous avouerai que de se savoir reconnus dans notre champ d’expertise, soit celui de parler de la réalité de la scolarisation de nos enfants à besoins particuliers, et que notre voix commence à être considérée, ça fait chaud au cœur. Impression ressentie en temps réel lors de notre passage au mois de mars dernier, à Marie-Josée Aubin et à moi-même, en commission parlementaire pour présenter notre mémoire sur le projet de loi 86.

Dans l’actualité ces dernières semaines : l’annonce, à la Commission scolaire de Montréal (CSDM) et à la Commission scolaire de Laval (CSDL), de compressions budgétaires et d’abolition de plusieurs postes de professionnels venant en soutien aux élèves en difficulté. Étant donné l’obligation de répondre à la directive du gouvernement de ne pas faire de déficit. Mobilisation et regroupement d’enseignants et de professionnels de soutien, avec la création spontanée d’un groupe facebook, Le livre noir des coupes en éducation. Et tout ce beau monde, incluant le Comité de parents de la CSDM, le mouvement Je protège mon école publique, Sur le fil Fondation pour l’inclusion et la Coalition, se sont rassemblés en point de presse, avec le soutien des partis d’opposition, pour dénoncer ces compressions sauvages et leurs effets pervers. Ce lundi à Montréal, et le mardi à Québec où j’accompagnais Françoise David de Québec Solidaire en point de presse, pour ensuite assister à la période de questions en Chambre et au dépôt d’une motion portant sur la fin des compressions dans les services aux élèves en difficulté. Vous dire que de voir la motion être rejetée en quelques secondes ne m’a pas dérangée? Impossible. Un goût amer en bouche à constater avec quelle désinvolture une motion qui sous-tend le bien-être et le développement du potentiel de milliers d’élèves et de leur famille a été rejetée du revers de la main par les députés libéraux. Parce qu’il y avait des humains derrière cette motion…

Le lendemain, manifestation et démonstration au Conseil des commissaires de la CSDM. Des représentants de la Coalition de parents d’enfants à besoins particuliers du Québec étaient présents pour démontrer notre soutien. Coup de théâtre : le ministre de l’Éducation annonçait l’ajout de 15 millions $ pour éviter la compression annoncée de dizaines de postes de professionnels venant en soutien aux EHDAA. Une nouvelle catastrophe évitée pour la prochaine année scolaire à Montréal. Une petite victoire, fruit d’un travail de mobilisation collective.

Pourtant, nous sommes loin de la coupe aux lèvres. Nous avons gagné une bataille mais pas la guerre. D’une part, nous sommes très loin du réinvestissement nécessaire pour retrouver le niveau de financement des services aux EHDAA d’avant les compressions. Et on peut remonter jusqu’en 2010, au moins. Ça en fait, ça, des centaines de millions de dollars à réinvestir pour assurer l’équité pour tous dans notre système d’éducation. Et je dis bien équité, pas égalité. Car la différence de vocabulaire est importante.

Les exemples des effets des compressions, nous en avons à la grandeur de la province, pas seulement que dans les grands centres urbains. Dans l’Est du Québec, des parents qui se font proposer de faire redoubler la maternelle à leur enfant autiste. Non pas parce que ce dernier n’a pas les acquis scolaires pour passer en première année. Mais parce que la direction de l’école sait qu’elle n’aura pas les ressources pour lui offrir le soutien nécessaire. Puisqu’entre maternelle et première année, oui, le besoin de soutien est différent. Voilà où nous en sommes rendus dans les effets des compressions… Et je ne parle même pas ici des élèves présentant des conditions telles les différentes dys (dysphasie, dysgraphie, dyslexie, dysorthographie, dyscalculie…) qui peinent à recevoir les cotes et/ou les services nécessaires pour pouvoir apprendre dans la dignité. Parce que oui, rendu là, on parle de dignité… Surtout quand on sait que ces conditions, tout comme l’autisme, n’atteignent pas la capacité intellectuelle de ces élèves. Ce sont simplement des enfants qui apprennent autrement. « Different, not less », comme le veut l’adage anglophone.

Alors voilà pourquoi la Coalition de parents d’enfants à besoins particuliers du Québec continue son travail, aux côtés de Je protège mon école publique et de tant d’autres partenaires dans la lutte pour la reconnaissance de l’importance de l’éducation au Québec. Un travail de longue haleine, mais il ne faut pas lâcher. Pour gagner une bataille à la fois et parce que l’union fait la force!

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Maman de deux petits trésors de sept et neuf ans, deux garçons merveilleux qui ont chamboulé sa vision de la vie (pour le mieux). D'une conception idéalisée de la maternité, elle est passée à la maman conscientisée qui souhaite faire une différence dans la compréhension des troubles invisibles. Deux maternités qui l'ont en effet projetée dans l'univers parallèle de l'autisme (de haut niveau). Et du trouble d'opposition. Et du trouble anxieux. Et du trouble de modulation sensorielle. Et du... bref, vous voyez le portrait! Depuis quelques années, elle s'implique activement sur les forums de parents d'enfants autistes afin de partager son expérience de maman d'une famille hors-norme, bénéficier de l'expérience des autres et participer au mouvement qui tente de changer la perception de l'autisme et autres diagnostics. Elle a vite constaté que les mots peuvent faire une différence et c'est pourquoi elle a accepté sans aucune hésitation l'invitation à participer à ce blogue. Elle partagera ici sans pudeur des tranches de son quotidien, inspirée par ses deux petits joyeux lurons.