Une petite pilule…

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Être parent d’un enfant différent vient avec son lot de combats et de questionnements. S’il en est un qui revient fréquemment, c’est bien celui de la médication. Il y a les pours et les contres que l’on doit évaluer et il y a ceux qui sont contre et ceux qui sont pour… J’étais jadis de celles qui étaient contre.

Essais, erreurs. Effets secondaires. Sensations intolérables. Voilà ce que résonnait en moi le mot médicament. Car c’était justement mon combat des dernières années : trouver la bonne molécule pour mes propres troubles de santé mentale. Comment une mère sensée peut-elle volontairement faire vivre à son enfant toute une série d’effets indésirables? Je flippais solide car j’en étais à cette période de ma vie où ma dépression et mon anxiété n’étaient qu’empirées par tout ce que mon médecin me prescrivait.

À ce moment, donc, ma fille a 7 ans et son diagnostic officiel englobe plusieurs troubles anxieux : anxiété sociale, anxiété scolaire, anxiété de séparation, accompagné d’un trouble de l’opposition. Le pédiatre suggère fortement un antidépresseur. J’hésite tellement, car elle n’a pas encore été évaluée pour un possible trouble du spectre de l’autisme (que je suis la seule à suspecter pour l’instant). J’explique alors au médecin que je suis hypersensible à la médication et, plus spécifiquement, aux antidépresseurs et que je refuse donc d’aller en ce sens. Je souhaite également que ma fille ait droit à une évaluation diagnostique et à un suivi psychoéducatif avant de se garrocher dans la médication.

Deux ans plus tard, diagnostic de trouble du spectre de l’autisme (TSA) en poche, je suis soulagée d’avoir refusé la médication à l’époque, car le psychiatre qui a procédé à l’évaluation pour le TSA recommande un suivi approprié bien avant d’entamer une quelconque médication. Il est logique de croire que les interventions psychoéducatives pourraient être bénéfiques.

Nous voilà rendus aujourd’hui, pratiquement un an et demi après le diagnostic de ma fille qui a maintenant dix ans. Je galère depuis tant d’années à travers le système et les diagnostics qui se sont chevauchés. Un an de suivi avec le CRDITED et très peu de résultats… Normal, ma fille s’oppose constamment, elle refuse toute aide. Elle devient de plus en plus agressive. Elle fait environ quatre à cinq crises intenses par jour. Elle n’accepte plus aucune demande ni aucun commentaire de ma part. Je la sens fragile, souffrante, au bout de son épuisement. Elle pleure souvent et elle est constamment irritable. Elle me semble dépressive. Je ne sais plus quoi faire. Je suis découragée…

Parallèlement, pour ma part, je suis dans une bonne période. J’ai changé de psychiatre et j’ai enfin trouvé la bonne médication pour mes troubles dépressifs et anxieux. Je suis enfin sur la voie de la rémission. Je vois que tout demeure possible avec la bonne médication. Oui, ça se peut de trouver un médicament qui n’a pas trop d’effets indésirables sur nous et, oui, ça se peut de trouver un médecin qui comprend notre hypersensibilité et qui accepte de prescrire sous les doses habituelles d’efficacité. Je parle de tout ça au psychiatre de ma fille. Pour lui, il est évident que ma fille a besoin d’un soutien pharmacologique, mais c’est moi qui devrai décider. Moi, la mère pas trop chaude à l’idée de donner un médicament à ma fille, je suis maintenant confrontée à décider si oui ou non on le fait… Pour SON mieux et pour MON mieux… La culpabilité embarque.

J’ai l’impression que de médicamenter ma fille est un aveu de mon incapacité à l’aider. Comme si j’avais failli à mes devoirs de la supporter et de l’aider à acquérir les outils pour affronter son quotidien… Comme si tous mes problèmes lui étaient transmis directement par mon utérus. Comme si j’étais si épuisée que je baissais les bras et que j’acceptais la solution facile.

LA solution facile! Ce que tellement de gens pensent!

« Vous n’avez pas le temps ni le goût d’éduquer vos enfants comme du monde, alors vous leur donnez une petite pilule! »

« Vous ne les laissez pas assez jouer dehors, sont tout le temps sur leurs écrans, faque, vous leur donnez une petite pilule! »

« Vous êtes de cette génération où tout doit être facile… Un petit problème et hop! Une pilule! »

Pourtant, après dix ans à vivre des difficultés que bien des parents d’enfants neurotypiques (normaux) ne vivront jamais et à chercher toutes les solutions possibles… À cogner à toutes les portes… À supporter les enquêtes sur nos capacités parentales… Les intrusions abusives… Vient un jour, où l’on comprend qu’il faudra peut-être envisager l’inenvisageable.

J’ai donné la fameuse pilule à ma fille le 12 décembre dernier, preuve au calendrier. Le chemin sera peut-être long. Le temps d’augmenter la dose de façon progressive jusqu’à pleine efficacité, sans toutefois dépasser le seuil des effets secondaires invalidants. À ce jour, pas trop de mal. Quelques maux de tête, un peu de fatigue. Mais surtout, un petit pas en avant, des pulsions que me semblent mieux contrôlées…

Ce  n’est pas encore gagné. Mais si on n’essaie pas, on ne saura pas! Et moi qui prie maintenant chaque soir que ma fille soit bien. Je l’aime tellement. Je veux tellement qu’elle soit BIEN. Juste bien. Pas la meilleure de sa classe, pas une championne de vocabulaire ou de gym. Bien, heureuse. C’est tout. Je n’ai pas tant de demandes.

Ce soir, j’espère, les doigts croisés, en touchant du bois. Les larmes aux yeux.

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Je suis maman de deux adolescentes à besoins particuliers. J’ai une belle et grande qualité nommée Résilience. Je partage ici doutes, questions et tranches de vie. Ensemble, on est un tout.