Une perle rare

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En 2015, nous touchions le fond du baril. Honnêtement, même si les années avant ont pu être difficiles à divers niveaux avec Fiston, c’est vraiment en 2015 que je me suis demandée si j’allais arriver à passer au travers de ce tsunami. C’est aussi en 2015 que la vie m’a donné signe qu’il fallait garder espoir.

Fiston prenait alors un psychostimulant à la dose maximum possible pour lui, en combiné avec un autre médicament que nous débutâmes à 1mg, pour un mois plus tard augmenter à 2mg, et quatre à six semaines plus tard, ce fut 3mg. Le tout pour tenter de contrôler un TDAH avec impulsivité de type mixte. Fiston explosait pour tout et rien. « Il faudrait aller prendre ton bain » résultait en une crise intense de cris, d’injures et de batailles qui duraient jusqu’à trois heures de temps. Fiston dormait peu, mangeait peu, avait perdu du poids, était cerné, enragé…

Avec son médecin, nous tentions depuis déjà un an et plus d’être vus en pédopsychiatrie, sans résultat. De janvier 2015 à décembre 2015, les rendez-vous avec son docteur se suivaient aux trois à quatre semaines… C’est suite à un de ces rendez-vous, qu’un rayon d’espoir entra dans nos vies. J’avais rendez-vous avec ma gynécologue, dans une autre clinique et sur le babillard où sont affichés les noms des médecins et spécialistes de la clinique, je vis le mot PÉDOPSYCHIATRE. Mon cœur s’emballa et ma respiration se fit difficile. Était-ce possible? Je me suis dirigée vers l’accueil pour demander des renseignements. Mon cœur fit un bruit sourd à mes oreilles. Voilà que j’avais trouvé une pédopsychiatre au public, en clinique et non régie par les foutues histoires de territoires qui nous pourrissaient la vie depuis si longtemps! Nous étions sur la liste pour être vus, d’abord, par le psychologue du CLSC qui évaluerait les besoins pour nous référer ensuite… Un 9-12 mois d’attente pour voir le psychologue, suivi  d’un autre 9-12 mois d’attente pour être vu en pédopsy suite à cette pré-évaluation…  Tout ce dont j’avais besoin, c’était de la copie complète de son dossier médical et d’une copie d’un bulletin. J’avais peine à me retenir…

Deux semaines plus tard, après un rendez-vous avec le médecin de Fiston qui s’était empressé de me faire copie du dossier drète-là  en entendant ce que je lui disais, j’allais porter une grande enveloppe en papier kraft pour la pédopsy. Deux semaines après, on m’appelait pour fixer un premier rendez-vous pour six mois plus tard. On m’avisa que ce premier rendez-vous durerait au moins deux heures et qu’il était préférable que papa soit aussi présent, ce qui impliquait une gestion de ses départs, étant camionneur.

Lorsque le rendez-vous arriva enfin, c’est un papa très fermé qui entra dans le bureau, s’assit jambes et bras croisés, l’air sombre. Quant à moi, j’étais épuisée de me battre et je n’osais laisser l’espoir d’avoir enfin une oreille attentive et une forme d’aide quelconque. Fiston allait mieux depuis quelques semaines, son docteur ayant modifié sa médication, retirant les psychostimulants au profit d’une autre médication. Ce retrait signa le retour d’une vie « normale » pour nous. Le retour de mon enfant souriant, cajoleur, affectueux, rieur, moqueur, socialisant constamment… Au bout d’une heure, mon conjoint avait décroisé les bras, avait un visage ouvert, répondant aux questions avec intérêt plutôt que rage. À la fin de ce rendez-vous, nous sommes sortis avec la confirmation de ce doute qui me torturait depuis déjà longtemps. Avec des réponses, des conseils, des validations.

C’est elle qui convoqua le premier PSII avec l’école. Oh qu’il y en avait du monde dans son petit bureau sans fenêtre! En tout, nous étions une douzaine! Mais ce fut là, un point tournant dans la relation qu’il y a maintenant avec l’école. Je crois que le premier point qui fit tomber les murs fut lorsqu’elle demanda à chacune des personnes présentes de se présenter et de dire pourquoi elles étaient présentes et qu’elles étaient leurs attentes. Je vis immédiatement  que cette demande prenait l’équipe école au dépourvu et la directrice le confirma lorsque vint son tour et qu’elle le nomma. Elle était prise au dépourvu, s’attendant plutôt à ce que ce soit la pédopsy qui nomme SES attentes, puisque c’est ainsi qu’ils avaient toujours vécu les PSII auparavant! Ce à quoi la pédopsy répondit que cette rencontre avait lieu dans le but de répondre aux interrogations, de pouvoir unifier les interventions et de voir comment on pouvait y arriver. De tendue, je sentis l’atmosphère se relâcher. Et de cette rencontre n’est ressortie que du positif pour tout le monde, mais surtout pour mon enfant.

Fiston est toujours content d’aller à ces rendez-vous avec la Docteure M. Il faut dire que son (nouveau) bureau est rempli de Légo et cartes Pokémons qu’elle lui laisse s’en choisir deux en fin de rencontre et souvent un morceau de Légo aussi. Il faut dire qu’il est assez têteux quand il le veut! Jamais il n’y a un sentiment d’être pressé. Si le rendez-vous prend 30 minutes, il prend 30 minutes. S’il y a plus de choses à discuter et qu’il faut une heure et bien ça prend une heure!

Dans quelques semaines, nous aurons un second PSII, à la demande de l’école cette fois. La directrice est venue me voir avant la relâche pour me dire qu’elle avait pu rencontrer cet enfant que je décrivais, mais qu’ils n’avaient pas vraiment eu l’opportunité de voir à l’école. Qu’il était intelligent, rieur, avec un superbe sourire… et me demander si je croyais que la pédopsy serait libre pour un PSII avant la fin de l’année scolaire, me disant que nous avions vraiment trouvé une perle et qu’elle n’avait jamais auparavant eu l’occasion de rencontrer un ou une pédopsy comme elle, très bonne pour expliquer les caractéristiques du diagnostic de Fiston, l’importance de certaines interventions, etc. Et plus j’échange avec des gens et plus je me rends compte que la vie a véritablement mis une perle rare sur notre chemin, le jour où j’ai lu son nom, sur un babillard de salle d’attente.

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Éducatrice à la petite enfance depuis une vingtaine d’année, adepte de l’entrainement en force pour ne pas perdre complètement la tête, Nancy Ringuet, très possiblement TDAH, est maman de deux garçons à diagnostics : un grand TDA sévère et un plus jeune SGT, TDAH impulsivité mixte et TOP. C’est un long combat qui aura mené aux diagnostics du plus jeune, et un long combat qui s’engage pour faire reconnaître ses besoins. Passionnée de recherches et assoiffée d’en apprendre plus, elle fouille le net sous toutes ses coutures. Elle partagera ici des textes et réflexions sur ce vécu différent de mère chef de famille, avec un conjoint dont le travail l’amène à être absent.