Ton histoire

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Dès le jour de sa naissance, ta vie a basculé. Il n’avait que quelques jours de vie et déjà tu savais que ton fils était différent des autres. Déjà, tu voyais qu’il avait certaines particularités. Tu as dû te battre et convaincre ton pédiatre d’investiguer, car il ne voyait pas ce que tu voyais. Ton coeur de maman avait raison, ton fils était différent et éprouvait de grandes difficultés. Lorsqu’il avait 10 mois, le diagnostic est finalement tombé : paralysie cérébrale. Je crois qu’à ce moment, ta vie a changé pour de bon.

À cette époque, je n’avais que 21 ans et nous n’étions pas très proches. J’ai été mise au courant de la situation par mes parents. J’ai eu de la peine pour toi, pour vous. Je ne savais pas ce que je pouvais faire pour t’aider. Évidemment, en tant que cousine et n’étant pas encore maman, je ne pouvais pas comprendre toute la peine et l’inquiétude que tu vivais. Encore aujourd’hui, je ne peux pas savoir exactement. Je sais, par contre, ce que c’est d’avoir un enfant différent, puisque mon fils est autiste. Faire le deuil de l’enfant normal, je sais combien c’est douloureux. Mais, sur le plan des problèmes de santé et des difficultés physiques de ton fils, je ne peux que m’imaginer combien pénible et angoissant ça doit être, de vivre chaque jour en ayant peur de perdre son enfant, de ne pas savoir si son corps tiendra le coup.

Je me souviens de la première fois où j’ai vu Clément, je crois qu’il avait autour de 8 mois. Vous n’aviez pas encore eu le diagnostic, mais vous étiez en pleine investigation, chose que je ne savais pas à cette époque. Pour moi, ton bébé était des plus normal. Je l’ai trouvé tellement beau, ses magnifiques yeux, son regard intense et sa douceur m’ont touché droit au coeur. Ton chum l’avait dans les bras et il m’a dit : « Tu sais, Clément est différent ». Il ne m’en a pas dit plus, seulement cette petite phrase, que je ne comprenais pas vraiment, mais qui devait tellement être lourde de sens pour lui, pour toi. Je ne réalisais pas ce qui vous attendait. Ce qui attendait ce petit bébé d’amour. Nous ne nous fréquentions pas vraiment dans les premières années de vie de ton fils, je prenais des nouvelles de toi par le biais de la famille. Je sais, par contre, que ça été très difficile sur le plan émotif, mais aussi au quotidien : les rendez-vous, les suivis, les tests, les formulaires, les appels, les courriels et j’en passe.

Quelques années plus tard, son diagnostic s’est précisé comme étant le syndrome d’Allan-Herndon-Dudley, une maladie orpheline de la famille des leucodystrophies. Comme si ton petit loup n’en avait pas assez, voilà que des complications reliées à la leucodystrophie venaient alourdir son quotidien et nourrir tes inquiétudes. À travers ces montagnes russes, vous avez investi tout votre temps et votre argent dans des soins et des traitements pour lui. Pour le bien-être de Clément, tu as décidé de lui faire l’école à la maison. Il y aussi tes filles, dont tu t’occupes si bien et qui grandissent merveilleusement bien. Ton mari travaille fort chaque jour et une fois rentré à la maison, il se transforme en super papa et t’aide à tenir le fort. Dans ta famille, il y a beaucoup d’amour et de moments de bonheur. Je te l’ai déjà dit : tu es un modèle de mère pour moi. Tu élèves tes enfants dans l’amour, le respect, la patience et la compassion. Tu te dévoues pour eux, sans donner l’impression de te sacrifier.

Lorsque j’étais enceinte de mon premier enfant, j’ai commencé à venir te donner un coup de main chez toi, quelques heures par-ci et par-là. Plus tard, je suis venue de façon plus régulière, chaque semaine pendant quelques mois, pour t’aider avec Clément. Tu m’as engagée à titre d’éducatrice. C’est à ce moment-là que nous nous sommes rapprochées, puisque j’ai un peu partagé ton quotidien. J’ai surtout pu apprendre à connaître ton fils. Je suis tombée sous le charme, je me suis beaucoup attachée à lui. J’ai aussi pris conscience de la lourdeur de ton quotidien, la pression que tu as sur les épaules. Tout le travail à faire avec Clément, en plus de tous les suivis ainsi que les rendez-vous. La gestion et l’organisation de votre quotidien sont difficiles. J’ai aussi compris que tu te sens parfois seule, car malgré le support de ton entourage, l’impression que personne ne puisse réellement comprendre ce que tu vis, te fais sentir seule. Pendant ces quelques semaines, j’ai aussi pu constater le bonheur qui règne dans ta maison. Parce que malgré les difficultés, tes enfants sont heureux. Les yeux de ton fils brillent comme des étoiles. Ton fils si beau et si fragile.

Il y a quelques mois, elles ont failli s’éteindre ses belles étoiles. Pendant la nuit, il s’est étouffé. Vous avez réussi à le sauver. Cette nuit horrifiante te hante. Tu vis maintenant avec la peur constante de le perdre. Il n’y a aucun mot que je puisse dire ni aucun geste que je puisse faire pour apaiser ta peur. Pourtant, j’aimerais tellement arriver à te réconforter et surtout à guérir Clément. Malheureusement, je n’en ai pas le pouvoir. Par contre, je peux te dire que ton fils est merveilleux, que c’est un battant, un héros. Je peux te dire que tu es une maman formidable, que tu es forte et que je t’admire. Ton mari et toi êtes des parents extraordinaires. Tu as été là pour moi lors du diagnostic d’autisme de mon fils et je t’en remercie. Tu as fait une différence dans ma peine. Je me suis sentie comprise et soutenue. Je savais que je pouvais t’appeler à tout moment et que je pouvais compter sur toi. Tu prenais de mes nouvelles régulièrement et tu me questionnais sur l’autisme de Mathis.

Récemment, tu as écrit sur ton quotidien et sur tes peurs par rapport à ton fils. Tes écrits m’ont touchée et j’ai eu envie de t’écrire à mon tour pour te dire que je suis fière de toi. Fière que tu aies eu le courage de nous partager tes sentiments. Je voulais te dire encore une fois, combien je t’aime, et te rappeler que je suis là pour toi. Te rappeler aussi, que tu as le droit d’être parfois découragée, de pleurer, de crier. Tu as aussi le droit de t’accorder du temps, de prendre soin de toi. Je sais que la peine est grande, que ton coeur de maman fait mal. Ta vie est loin d’être simple et n’a rien de reposante. Les nuits sont courtes et les journées parfois longues. Quand on vit avec la différence, on se sent souvent seule. Même si on a plein de monde autour qui nous aime et qui veut nous aider. Parce que personne ne peut vraiment savoir ce qu’on vit et surtout ce qu’on ressent. Ça, je le comprends très bien. Le support de ceux qui nous aiment est précieux, mais personne ne peut changer le fait que notre enfant est différent.

Par contre, lorsqu’on en parle, qu’on partage notre vécu, on réalise qu’il y a plein de familles qui vivent avec la différence. Elles ont chacune leurs histoires, et derrière celles-ci, se cachent des mamans comme toi et moi. Qui vivent dans l’inquiétude et l’angoisse. Qui font tout pour assurer le bien-être et le bonheur de leurs enfants. Des mamans extraordinaires. Je ne crois pas au destin. Je crois que le hasard a mis sur notre chemin, des enfants différents. Je crois que ces merveilleux enfants, font de nous des parents plus forts et plus aimants. Je suis heureuse que le hasard ait fait en sorte que tu sois dans ma vie et que je puisse raconter ton histoire ici. Ton histoire, elle est de toutes sortes de couleurs. Il y a beaucoup d’amour et de joie, mais aussi d’inquiétudes et d’angoisses. Beaucoup de moments de bonheur, de partage et surtout de force, en toi et autour de toi. Ton histoire, bien qu’elle soit parfois difficile, elle est belle et elle mérite d’être racontée, lue et partagée. C’est la tienne et celle de ton adorable fils. Celle d’une merveilleuse famille unie, aimante et différente.

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Mère de 4 enfants, Christine a toujours su qu’elle réaliserait un jour son plus grand rêve, celui de devenir maman. Ayant travaillé plusieurs années auprès d’enfants autistes, elle croyait bien maîtriser toutes les facettes de la différence, mais lorsque son deuxième fils est né autiste, à sa grande surprise, elle réalisa qu’au fond, elle ne savait pas grand-chose sur le sujet! Son premier fils vit avec un trouble de l'information sensorielle ainsi qu'avec un trouble anxieux, son troisième fils, qu'à tant lui, vit avec une dyspraxie verbale. Le quotidien de cette famille différente est loin d'être ordinaire! Christine est aujourd'hui représentante pour des outils sensoriels et des jeux éducatifs chez Équipement de bureau Robert Légaré. Elle vous partagera ici, ses bons et moins bons moments, ainsi que ses coups de cœur en espérant sensibiliser, informer et toucher les lecteurs sur l'autisme et tout ce qui l'entoure.