Il y a des jours où j’aimerais revivre avant. Avant le diagnostic, avant les inquiétudes. Retourner dans cette espace-temps où tous les rêves étaient encore permis, où l’avenir n’était que prometteur. J’aimerais retourner dans ces moments de grâce où je berçais mon garçon en projetant la belle vie qu’il avait devant lui et en lui souhaitant tout ce qu’il y avait de plus beau. J’aimerais retourner dans cette innocence que le malheur n’arrive qu’aux autres. Dans la naïveté que la vie nous avait épargnés en nous offrant deux enfants parfaits. Mon cœur était si léger dans ce temps-là. Ma tête était si vide de soucis à ce moment. J’aimerais y retourner pour reposer mon cœur de tous ces tourments. Pour lui laisser un peu de vacances, pour ne pas qu’il s’use trop vite. J’aimerais arrêter le temps à cette date, pour faire un ménage dans ma tête. Juste pour laisser moins de place à toute cette inquiétude. J’aimerais y retourner pour goûter à nouveau la volupté de l’insouciance.
Mais c’est impossible. Impossible de retourner dans le passé. À la minute où j’ai compris les insinuations de l’orthophoniste, j’ai basculé dans une autre dimension. Impossible de revenir en arrière. Tous les jours, je dois apprendre à vivre dans cet univers parallèle des parents d’enfants différents. C’est difficile, car il y a des jours où tout ce que tu désires, c’est ta vie d’avant. La vie que tu pensais avoir. La vie que tu voulais avoir. La vie que la vie a décidé que tu n’aurais pas.
J’aimerais juste revivre avant. Là où tous les regards n’étaient que bienveillants sur mon fils. Là où tout le monde était patient avec lui. Là où ses comportements ne questionnaient personne. J’aimerais juste revivre le temps où tout était simple, où il n’y avait pas de combat ni d’armure. Juste revivre ce bonheur à fond, pour m’imprégner de son odeur…