Un regard qui en dit long

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Ça y est. J’y ai eu droit, à ce regard que je redoutais tant. En tout cas, c’est  la première fois que j’en avais conscience. Ce matin, mon fils était plutôt réfractaire à son entrée à la garderie. Tout ça, suite à un insignifiant malentendu que nous avions eu avant le départ. Il n’avait pas du tout compris que j’allais le reconduire à son cpe et je n’avais pas du tout compris sa demande. Avouons-le, un matin classique! Alors, pour l’aider à accepter d’entrer et à comprendre de se déshabiller, je  lui ai dessiné des pictogrammes, je lui ai fait des pressions profondes pour l’apaiser et je lui ai laissé du temps pour assimiler tout ça. Pendant ses pleurs, une maman a eu le temps de déshabiller ses deux enfants, d’aller les reconduire dans leur local respectif, de leur donner des bisous et de leur souhaiter bonne journée.  Juste avant de déverrouiller la porte de sortie, elle a pris la peine de se retourner vers moi et de me lancer « ze » regard de compassion et d’empathie que je redoutais tant. En bonus, elle m’a fait un rictus empreint de désolation.

Depuis le diagnostic de mon fils, j’avais une hantise de ces regards qui me confineraient au statut officiel  de maman « différente ». Je m’épuisais  à me répéter que j’étais la même maman qu’avant, avec le même amour qu’avant et avec la même fierté qu’avant. Je voulais tellement que tout le monde le voit et le reconnaisse. Je redoutais que ces regards anéantissent ces sentiments à l’intérieur de moi ou me démontrent l’incompréhension de ceux-ci. Je fuyais ces regards comme la peste. Et je craignais que ces regards rendent le spectre de l’autisme dans ma vie tellement réel. Et vous savez quoi? Quand inévitablement c’est  arrivé, ça ne m’a rien fait. Niet. Nada.

Cette maman me regarde avec compassion, et alors. Je ne dois pas lui prêter de mauvaise intention. Elle le fait de bonne foi, j’imagine. En se réconfortant que ses enfants soient neurotypiques. Alors, tant mieux si cela la convainc d’être chanceuse et altruiste. Ça lui appartient. De mon côté, rien ne peut ébranler l’amour profond que je porte à mon garçon et la fierté que j’ai de le voir s’épanouir à sa façon. Et si je faisais confiance, et si j’y voyais là un  signe d’ouverture des autres à la différence. Et si je démontre aux autres tout l’amour que j’ai pour mon garçon en gardant la tête haute et le sourire… mon entourage ressentira mieux mon amour pour lui, ma pseudo résilience face à la situation (car je ne peux pas me vanter y être arrivé totalement), le bonheur que ma famille me donne. Finalement, ce  regard ne m’a pas blessé. Il m’a démontré comment j’avais grandi et évolué depuis le diagnostic de mon fils. Il m’a démontré comment j’étais forte et, en dépit de tout, heureuse et fière.

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Enseignante au primaire depuis 11 ans, j’ai la chance d’être maman de deux beaux enfants. Ma grande fille de 8 ans a reçu un diagnostic de TDAH à l’âge de quatre ans. Avec sa folie et son énergie, elle nous fait vivre des montagnes russes d’émotions. Mon garçon de 4 ans a un TSA. Malgré cette différence, il charme tout son entourage. En équipe avec mon mari, j’arrive maintenant à vivre pleinement la vie un jour à la fois, et ce, au travers les hauts et les bas du quotidien. Écrire me permet maintenant de partager mon expérience de vie, mes questionnements, mes doutes mais aussi tout mon amour pour les enfants.