Parce qu’il n’y a jamais de fin

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Ce soir, assise sur un banc de la cour d’école, j’attendais que l’orage passe. Que la crise se calme. Que les cris cessent. Je me suis demandé quels crimes ignobles j’avais pu commettre ou quelle horrible personne j’avais pu être dans une vie antérieure pour que la vie d’aujourd’hui me chie dessus de pareille façon.

Ce soir, après environ 13 mois de calme relatif, j’ai eu droit à la panoplie complète du :

– Je vais te tuer (une roche à la main)

– T’es pas ma mère, j’ai pas de mère

– J’m’en vais ailleurs, dans une autre ville (en quittant la cour)

– J’vais prendre un couteau pis je vais me le planter dans le cœur, dans le ventre

– J’veux pu rien savoir de toi

– etc. etc. etc.

Aux yeux des parents qui passaient à l’autre bout pour aller chercher leur marmaille au service de garde, je devais avoir l’air d’une mère indigne avec son enfant mal élevé… J’écris tout ceci et je me dis qu’on me trouve sûrement blasée, et pourtant, il n’en est rien. Même si je suis bien consciente que le ton utilisé pour me lancer toutes ces injures en était un de provocation et non de détresse, comme il pouvait l’être l’année dernière, il n’en demeure pas moins que chaque mot me transperce…

Et voilà qu’assise sur mon banc, les yeux plein d’eau, alors que la noirceur tombait sur nous, j’ai repensé à la conversation de ce matin et en tremblant de la tête aux pieds, j’ai compris que je ne pourrais pas dire à mon médecin que je suis en état de retourner au travail lorsqu’il me le demandera.

Je me sens trop fragile pour avoir à ma charge un groupe d’enfants de 0-4 ans. Ne sachant jamais quand le téléphone sonnera pour m’appeler à la rescousse, pour m’expliquer qu’aujourd’hui, Fiston a vécu une grosse désorganisation… Ça fait déjà deux fois dans les dernières deux-trois semaines que je doive aller le chercher plus tôt au service de garde car il se désorganise : journée pédagogique, beaucoup d’amis présents, beaucoup de bruits, son hypersensibilité a fait des siennes… puis, une fin de journée catastrophique. Ou que la TES m’appelle pour discuter de problématiques qui se pointent en classe, de la hausse de l’opposition depuis trois-quatre semaines, du refus de se mettre à la tâche qui revient faire acte de présence en classe, comme à la maison quand arrive le temps des devoirs…

Et je me roule en boule, dormir, pleurer, dormir encore, et pleurer un peu plus. Je ne mange pas beaucoup, l’appétit n’y est pas et honnêtement, le régime café-nutella, ça ne fait pas dans le très fort, hein… Bof…

J’essaie de sortir de ce trou, de quitter ma bulle, de voir des gens, de parler. J’ai l’impression d’embêter tout le monde, de prendre trop de place, d’être geignarde, faible, pleurnicheuse, négative, inexistante, inintéressante, redondante…

Et je pleure en silence en préparant un souper que je n’apprécierai pas. En comprenant que malgré toutes les réussites, malgré tous les ajustements, malgré tous les bons moments, il suffit de bien peu pour basculer à nouveau dans la tempête. C’est sur la corde raide que j’évolue. On m’a dit cette semaine que c’est un peu comme si mon enfant me tenait en otage. Oui, voilà, c’est un peu ça. La vie est rythmée selon ses besoins de structures, de routines, d’horaires, tout en étant flexible aux humeurs, à la fatigue… C’est une montagne russe sans fin où les bas sont très bas, côtoyant des hauts pas toujours très hauts, mais auxquels on s’accroche comme à une bouée de sauvetage, pour garder la tête hors de l’eau lorsque la tempête nous aspire de nouveau dans ses profondeurs.

Et il n’y a pas de fin à cette tempête… C’est la tempête qui ne finit jamais. Contrairement à ce que me dit la lettre de refus reçue plus tôt durant l’été, mon garçon ne guérira pas. Le Syndrome de Gilles de la Tourette sera toujours partie de lui. Oui, j’ai espoir de voir s’estomper certains traits avec le temps, avec l’apprentissage, mais il n’en reste que ce désordre sera toujours là, variation de hauts et de bas, telle une montagne russe qui ne finit jamais.

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Éducatrice à la petite enfance depuis une vingtaine d’année, adepte de l’entrainement en force pour ne pas perdre complètement la tête, Nancy Ringuet, très possiblement TDAH, est maman de deux garçons à diagnostics : un grand TDA sévère et un plus jeune SGT, TDAH impulsivité mixte et TOP. C’est un long combat qui aura mené aux diagnostics du plus jeune, et un long combat qui s’engage pour faire reconnaître ses besoins. Passionnée de recherches et assoiffée d’en apprendre plus, elle fouille le net sous toutes ses coutures. Elle partagera ici des textes et réflexions sur ce vécu différent de mère chef de famille, avec un conjoint dont le travail l’amène à être absent.