Petit rappel amical : le 9-1-1 c’est pour les urgences…

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Le printemps est bien entamé et l’été cognera à notre porte sous peu. On peut déjà ressentir ce fourmillement d’excitation qui nous parcoure la première fois que l’on met le nez dehors sans manteau, souliers aux pieds. Peut-être avez-vous déjà commencé à dormir la fenêtre ouverte. Ça dort bien, hein? Tous les jours vous découvrez un peu plus de peau. La fièvre des vacances vous prendra sous peu. Chalet? Camping? Pénard à la maison? Vous y réfléchissez, vous rêvez de soleil, de chaleur, d’excursions en famille, de relaxation dans la piscine et de soirée entre amis. Avouez que vous avez hâte que l’été se pointe le bout du nez? Et bien pas moi…

En fait, si je veux vraiment être honnête, je dirais que j’entretiens une relation d’amour haine envers l’été. J’apprécie la liberté des vacances scolaires, l’humeur légère et le temps de qualité en famille. Mais mon expérience des dernières années me fait aussi redouter cette période qui rime chez nous avec CHANGEMENT. Vous me voyez venir?

Pendant l’année scolaire, c’est facile d’implanter une routine prévisible et efficace. Mon grand a besoin de constance, que les choses soient prévisibles. Ça le rassure et l’apaise. L’été, c’est tout l’antithèse de la rigueur… c’est le chaos! À partir du moment où sonnera l’ultime cloche annonciatrice des vacances, ce sera l’inconnu. Plus d’horaire donc plus d’obligations. Mais ce sera surtout la haute saison des crises pour aller au lit. Une résistance finement organisée avec sa sœur pour nous priver de sommeil. Réveil aux aurores et coucher… un jour… peut-être.

Avec le temps, la peur des dommages collatéraux causés par ces crises est devenue un puissant anxiogène. Pourquoi? Principalement à cause des fenêtres ouvertes. Je sais, c’est ridicule. Mais si tout le monde avait un air climatisé, je serais la plus heureuse des mamans sur la Terre. Ça donnerait des vacances au hamster dans ma tête, qui passe son temps à s’inquiéter. Est-ce que mes enfants dérangent les voisins? Et s’ils me jugent? S’ils pensent que je les maltraite? Si, si, si… Et ne me dites pas que ce n’est pas vrai. Les gens jugent. C’est même un de nos sports favoris au Québec! Juste l’été dernier, à Montréal, notre voisinage a appelé la police. Trois fois.

Fermez vos yeux. Imaginez que votre enfant de 6 ans vient de se désorganiser pendant une heure. Qu’il vous a crié des insultes, qu’il vous a frappé et lancé une chaise. Pas de chance, toutes les fenêtres de la maison étaient ouvertes et le voisinage (qui ne connaît rien de votre réalité même après 6 ans) n’a pas perdu une miette de l’incident. Vous finissez par calmer le jeu et vous mettez votre enfant en retrait. Bon travail! Vous êtes fière de vous  et pouvez maintenant souffler pour reprendre le dessus de la situation. Peut-être même rêver d’un café? Pouahahaha! Quelle bonne blague! C’était sans compter sur le ou les inconnus qui, au lieu de cogner à votre porte pour s’assurer que tout va bien, ont appelé le 911.

Imaginez le sentiment de honte quand une voiture de police débarque devant chez vous après le souper et que tous vos voisins sont sur leurs perrons.  Que les policiers sonnent à votre porte et qu’ils vous avisent qu’ils ont reçu une plainte pour maltraitance d’enfant. Qu’ils vous demandent s’ils peuvent rentrer pour s’assurer que les enfants vont bien et qu’ils s’aperçoivent que non seulement l’enfant est juste assis sur une chaise en conséquence, mais qu’il se porte en plus comme un charme. Parce que bien sûr, il trippe sur les uniformes et qu’il est maintenant subjugué par le grand policier qui vient d’arriver par magie dans notre cuisine! Et sa petite sœur, qui ne donne pas sa place en chantant à sa collègue, restée en retrait pour « jaser » avec elle, la comptine du 911… Vous trouvez ça amusant? Avouez, c’est cute hein? Même moi, si je vous croise un jour et qu’on en jase, je vais probablement vous raconter cette histoire avec un brin d’humour. Tout simplement parce que l’autodérision est un puissant antidote à la honte. Mais dans le fond, je ne pense pas que vous comprendriez comment je me sens vraiment. Du moins, pas ceux qui vivent à l’extérieur de mon monde.

Vous ne comprenez pas c’est quoi de naviguer en eaux troubles, en champs miné, du matin au soir. J’aime mes enfants du plus profond de mon cœur et pour eux, j’accepte tant bien que mal le diagnostic de mon aîné. J’ai compris que de me faire crier des insultes, lancer des objets, frapper par mon enfant allait faire partie de mon univers et pas juste occasionnellement. Puis, j’ai appris que ça portait un nom : impulsivité. Est-ce que la pilule est plus facile à avaler? Un peu. Est-ce que ça rend les choses plus faciles? Pas vraiment, mais j’y travaille. Quoique les oreilles de mes voisins seraient peut-être en désaccord… Est-ce que ça s’améliore au moins? À pas de tortue et c’est ça qui est le plus difficile à accepter.

On se dépense du matin au soir, on livre la marchandise malgré le manque de sommeil, on déploie tout ce qu’on a d’énergie et de patience pour… Pourquoi en fait? Qu’est-ce que ça change qu’on soit de bons parents et que nos enfants nous aiment en retour? Dans le fond, une grande partie de la population ne s’arrête qu’à la façade. Peu importe que je vienne de passer 20 minutes à faire de la contention pour éviter que mon fils ne se blesse, si tout ce que les gens retiennent, c’est qu’il hurle à mort! Qu’est-ce que ça rapporte, si au bout de la ligne, n’importe qui peut prendre son téléphone et composer le 9-1-1? Si n’importe quel représentant de la loi peut se présenter à ma porte et douter de mes compétences parentales?

L’autisme, ça ne se résume pas au front page du Journal de Montréal ou à la une du bulletin de 17h. L’autisme, ce n’est pas seulement des génies ou des surdoués. Non, l’autisme, ce n’est pas glamour. C’est tout la gamme d’émotions au complet, condensée en 24 heures. C’est l’espoir de faire de notre mieux qui nous fait tenir jours après jours. Je ne dis pas de prendre à la légère les cris d’un enfant. Je suis d’accord avec vous, bien souvent les gens ne réagissent pas assez vite. Non, je vous demande d’user de votre tête, de votre jugement. Ça barde tellement que vous êtes inquiets? Allez donc aux nouvelles directement!

Parce que quand la police débarque à votre porte, c’est comme un coup de pic direct dans le cœur. Au-delà de la peur (justifiée) de perdre ton enfant, c’est le découragement, le doute de ne pas en faire assez, la honte de la différence de ton enfant, mais surtout la colère face à ton voisinage qui flambe d’un coup dans tes trippes. Oui, vous les vautours qui vous vous repaissez de ma carcasse une fois que les forces de l’ordre ont quitté. Vous, qui me regardez d’un air réprobateur quand vous me croisez dans la rue. Vous, qui bavassez à voix basse, en me pointant du doigt, au parc du quartier. Vous qui avez le culot de me regarder de haut avec votre petit air de « moi-si-j’étais-à-sa-place-j’agirais-TELLEMENT-pas-pareil ».

Sachez que vous n’êtes pas obligés de « subir » mon fils. Vous avez le pouvoir d’influer sur sa vie, de changer les choses. Venir à notre rencontre et nous parler serait déjà un bon début. Qui sait, peut-être pourrions-nous devenir amis? Parce que c’est en brisant l’isolement et en créant un réseau social, que des familles comme la nôtre arrivent à combattre les préjugés. Pas en les traitant comme de la racaille.

Et vous savez quoi? J’ai espoir que cet été sera le meilleur de notre vie. Parce que j’ai réalisé en écrivant ce texte que notre réseau, nous sommes déjà en train de le bâtir. En déménageant de Montréal à Gatineau l’été dernier, nous avons décidé qu’un nouveau départ était le meilleur moment pour changer nos habitudes. Cette fois-ci, au lieu de rester cloîtrés comme des ermites apeurés, nous sommes allés à la rencontre de notre voisinage. Depuis un an, ils nous côtoient et acceptent notre différence. Et pour la première fois depuis bien longtemps, nos fenêtres restent ouvertes jours et nuits…

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Sandra Chartier est un diamant brut aux mille facettes. Femme Phénix, maman équilibriste et amoureuse caméléon, le diagnostic TSA de son fils aîné a changé son regard sur le monde et l'a amenée à parcourir les chemins les moins fréquentés. Déménagement à l’autre bout de la province, changement d’emploi et nouvelle dynamique familiale, aucun obstacle n'est insurmontable quand on aspire au bonheur. Par le biais de l’écriture, elle s’est donné comme mission cette année de rejoindre, de sensibiliser et d’informer un maximum de gens sur son quotidien haut en couleur. Après une fructueuse collaboration avec le défunt A&ME webzine, elle est prête à affronter de nouveau défis avec notre équipe!