Ce que je pense de moi

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C’est terminé, fini, basta… J’arrête…

Non pas de fumer, de boire ou de manger des sucreries… Non un truc bien plus grave que je fais depuis toute petite… Non, non pas de me ronger les ongles… Quoique, c’est sans doute lié.

J’arrête de m’auto-flageller, de me descendre, de mal me traiter et de me trouver nulle. C’est terminé la culpabilité, la mauvaise image de moi et de laisser les autres décider de ma valeur.

Je n’ai jamais eu une bonne image de moi : je me trouve moche. Aussi loin que je me souvienne, me regarder dans le miroir me donne des frissons de dégoût : je suis grosse, j’ai de l’acné, rien n’est bien proportionné, mes cheveux ne ressemblent à rien, mon visage ne mérite même pas de maquillage ou de crème de soin. Voilà ce que je pense de moi physiquement.

Pourtant, mon petit garçon me dit tous les matins comme je suis belle et qu’il m’aime fort. Quand je lui dis que je ne me trouve pas jolie, cela le rend triste et il me le dit de moins en moins en souvent d’ailleurs, pensant sans doute à tort que ça ne sert à rien. S’il savait comme c’est important pourtant. Depuis sa naissance, j’ai tellement peur qu’un jour il ait honte de moi et de ma laideur, peur qu’on se moque de moi devant lui et qu’il veuille changer de maman. Je me sens pourtant si fière d’avoir créé ce magnifique petit garçon si beau et si parfait que je me demande comment moi, j’ai pu créer ce chef-d’œuvre…

Le pire dans cette histoire, c’est qu’il parait que je ne suis pas laide, que c’est dans ma tête. Ma maman me l’a dit, mais vous savez que les mamans ne sont pas objectives, n’est-ce pas? Mon mari me l’a dit, mais j’imagine qu’il dit ça pour me faire plaisir, ce qui l’exaspère profondément. Mais sans doute découvrira-t-il un jour qu’il vaut mieux que moi, qu’il pourrait trouver une femme plus jolie, qui prend soin d’elle et qui ne serait pas aussi insécure et jalouse que moi…

Voilà que je recommence : ça suffit! Mon mari m’aime comme je suis et comme il dit, mon corps c’est notre histoire, c’est là qu’est née notre famille et ce qu’il voit, c’est la beauté de cette aventure et la douceur de mes câlins. Alors pourquoi je m’inflige des pensées pareilles? Je suis jolie dans les yeux de mes hommes. Le reste ne compte pas.

Et puis je me trouve tellement bête. Je suis dyspraxique, je l’ai découvert il n’y a pas longtemps, mais avant ça, je pensais juste être née avec deux mains gauches. Tant de choses que je suis incapable de faire et qui montrent comme je suis stupide : faire mes lacets, conduire en voiture, créer de jolies choses, cuisiner sans tout brûler… Quelle honte je suis pour ma famille de ne pas pouvoir faire tout ce que font les autres. « Non mon chéri, maman ne peut pas te coudre ton costume de Spiderman, non je ne sais pas te faire un joli gâteau pour ton anniversaire, non je ne sais pas t’apprendre à rouler à vélo, maman est tellement nulle hein? »

Pourtant, mon fils me trouve extraordinaire parce que j’invente toujours de nouvelles activités, je connais tout sur les chevaliers et même après une semaine de travail épuisante, j’invite ses copains à un pyjama party. « Maman t’es la meilleure de toutes et tu es invincible. »

J’aimerais tant que ce soit vrai, mais devenir maman quand on a une mauvaise image de soi, ce n’est déjà pas évident. Alors lorsque son enfant ne dort pas, évolue autrement et ne rentre dans aucune case, on s’écroule sous les jugements des autres et on les intègre comme la confirmation de tout ce qu’on a toujours pensé.

Et le pire est arrivé : j’ai été accusée d’être une mère nuisible pour son enfant et qui ne pouvait rien lui apporter de bon. Entendre ces mots que l’on a pensé sur soi dans la bouche de la police, a brisé quelque chose en moi. Comme si la méchante voix dans ma tête avait gagné pour toujours.

J’ai pensé alors que s’ils avaient raison, je devrais sortir de la vie de mon fils, voire pire. Cela me paraissait la meilleure solution. Si vous saviez comme j’ai honte d’avoir pensé cela, d’avoir pensé à les abandonner, eux qui se sont accrochés à moi comme à une bouée de sauvetage en pleine tempête…

Et on n’a pas coulé : la police a fait une enquête et j’ai découvert que la personne qui avait la pire opinion de moi, en dehors de la garce qui m’a accusée, c’était moi. Personne n’a dit du mal de moi, absolument personne… On a félicité mon investissement maternel, on a reconnu mes efforts et on a parlé de l’amour infini que je donnais à mon fils.

Alors, il est temps que cette méchante voix se taise face aux preuves non? Après tout, si même une enquête de police et des services sociaux ne trouvent que de bonnes choses sur moi, il est temps que je les intègre aussi et que je sois plus gentille avec moi.

Parce que même mon fils le dit : « Si j’avais dû choisir une maman au magasin des mamans, c’est toi que j’aurais choisi… »

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Professeure dans une école au public difficile, Liza pensait avoir tout vu de la différence jusqu'à ce qu'elle devienne maman d'un petit garçon extraordinaire qui a chamboulé ses convictions autant que son cœur. Les premières années furent marquées par la culpabilisation médicale et les nuits sans sommeil à tenter de comprendre un bébé qui ne voulait pas en être un et ne suivait pas l'évolution classique d'un enfant : entre les crises de colère et d'angoisse , les dinosaures et l'espace, il y avait de quoi se sentir perdue. Il a fallu entamer la longue marche des diagnostics mais Aspiboy est un filou qui ne rentre dans aucune case. Même dans sa différence, il est différent. Il a toutefois séduit par son humour et sa vivacité de nombreux internautes qui suivaient Liza devenue Maman Aspie pour la sphère Facebook et qui gère aussi le groupe de soutien Croco Mum pour les mamans différentes car ensemble, on est plus fortes.