Je ne suis pas uniquement un TDAH

0
719

Collaboration spéciale de Nadia Lévesque, blogueuse et chroniqueuse

Je me suis étourdie longtemps. C’est typique aux gens qui auraient du recevoir un diagnostic de TDAH en bas âge. J’étais une touche-à-tout. Plus jeune, j’ai fait de la natation, du théâtre, du chant, de la comédie musicale, de l’animation, de la danse et bien plus encore. Je n’étais pas la meilleure dans rien, mais j’étais bonne dans tout. Je n’avais pas cette ambition de devenir la meilleure. Tout ce que je souhaitais était d’avoir du plaisir. Lorsque je n’en avais plus, je passais à autre chose.  Ce qui était très mal vu. Par contre aujourd’hui, si je sais me débrouiller à bien des niveaux, c’est justement grâce à ce côté touche-à-tout.

Puisque nous sommes à l’ère où les employeurs cherchent des gens versatiles et passionnés, dès la fin de mes études, je me suis très rapidement trouvée un emploi dans le domaine qui me passionnait. J’avais plus d’énergie que la moyenne et comme mon emploi exigeait que je rebondisse constamment pour régler des problématiques et qu’il n’y avait pas de routine ennuyante, j’étais efficace. Dès que je savais ce que j’avais à faire et comment le faire, tassez-vous de là, je suis capable! Je gérais tellement bien que l’on m’imposa rapidement la supervision de d’autres employés. Ma mort. Vraiment! J’avais l’impression de traîner un boulet. Je me répétais constamment « elle est donc ben pas vite elle ». Ce n’était pas elle la pas vite, c’était moi qui l’étais trop. « Elle est donc ben pas vaillante elle ». C’était plutôt moi la « workaholic ». Je soupirais, je levais les yeux au ciel, mais je ne disais pas le fond de ma pensée.

Autant c’était agréable de travailler en collaboration avec moi parce que j’étais efficace, pour mes subalternes, j’étais loin d’être agréable. J’étais exigeante et impatiente. J’avais pourtant bien réussi mon cour de ressources humaines. Mais entre la théorie et la pratique, il y avait mon TDAH. J’étais incapable de ralentir. Je filais à vitesse grand V. Pas le temps d’attendre celles qui lambinent! Heureusement que je n’avais pas le pouvoir de les mettre à la porte, car j’aurais causé tout un roulement de personnel!

Pourtant, je la trouvais chiante Miranda dans Le Diable s’habille en Prada. Sans m’en rendre compte, je suivais les traces de cette femme. Même si moi aussi, j’avais été la pauvre subalterne qui se brûle les doigts sur les tasses de café!

Et j’ai eu des enfants. Mon hamster qui roulait à plein régime dans ma tête semblait, lui aussi, avoir eu des bébés. Ce n’était plus moi qui m’étourdissais, c’est ma vie qui le faisait. On s’entend que j’avais eu Ariane, le bébé qui ne dort pas et qui pleure sans arrêt pour tout et pour rien.

J’avais envie de mettre tout le monde dehors de ma maison, de ma vie, de ma tête. J’avais besoin que ça s’arrête. Je ne voulais plus être productive. Je ne l’étais plus de toute façon. J’allais dans tous les sens, je commençais tout, je ne terminais rien. Trop de questions, mais si peu de réponses. Trop de professionnels, pas assez d’empathie, pas de « comment ça va? ».

Moi qui avais besoin d’un public, d’être entourée, je trouvais qu’il y avait soudainement beaucoup trop de gens, trop de bruits, trop de conseils. Je me suis retirée dans ma maison avec ma réalité difficile et je me suis bâtie un monde parallèle pour répondre aux besoins de la différence de ma fille.

Celle que j’étais semblait avoir subi une mutation. Je n’étais plus à vitesse grand V, j’étais à puissance 10, mais pas dans le bon sens.

À ce moment de ma vie, j’ai souffert de mon TDAH. Je souffrais réellement. Pas seulement moi. J’ai blessé des gens aussi, avec ces mots qui ont roulé trop vite dans la roue de l’un de mes hamsters et qui se sont ramassés sur le bout de mes lèvres bien avant que j’aie pu les empêcher de sortir. Je ne faisais plus que soupirer et rouler les yeux au ciel.

Si plusieurs prétendent que le TDAH est une grande force, d’autres vous diront en souffrir. Ma perception est qu’un TDAH léger n’est pas un TDAH sévère, au même titre qu’un sévère n’est pas un modéré. Par contre, bien au-delà de l’intensité, il y a notre réalité. Dans le chaos, il n’y a plus rien de léger pour une personne vivant avec le TDAH.

Si le TDAH a été un réel trouble, maintenant que j’ai trouvé mon équilibre dans ma réalité familiale haute en couleur, il est réellement ma plus grande force. Beaucoup diront que tout ce que je fais dépend de lui. Ma créativité pour mes textes, mon énergie pour être la maman de trois enfants, mon empathie pour soutenir des parents qui ont mal, mon originalité pour sortir des sentiers battus, mon « système D » pour faire l’école à la maison à Ariane et j’en passe. Par contre, je ne lui laisse plus prendre le contrôle. Il fait partie de moi, mais il ne me définit pas.

Lorsqu’un spécialiste évalue une personne TDAH, elle n’aura pas systématiquement un profil identique à un autre individu qui recevra ce diagnostic. La personnalité, l’éducation, les valeurs et bien d’autres facteurs définissent une personne. Le TDAH entre dans ces facteurs mais une personne se doit de demeurer unique. Se définir seulement à travers un diagnostic, c’est renier qui nous sommes au profit d’une description dans le DSM-5.

Je ne suis pas uniquement un TDAH, car ces lettres ne me définissent pas. J’AI un TDAH et les cinq lettres qui me définissent sont celles de mon prénom.

Nadia Lévesque

PARTAGER
Article précédentMes angoisses sociales
Article suivantPartir à l’aventure
Vous êtes le parent d'un enfant différent? Vous travaillez auprès d'une clientèle à besoins particuliers? Vous vivez vous-même avec une différence? Vous aimez écrire et souhaiteriez partager votre expérience pour sensibiliser les gens? Faites partie de l'équipe des Collabos! Cliquez sur l'onglet À propos pour nous envoyer votre texte.