Mon enfant en psychiatrie

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Rendue au 2ième étage, l’ascenseur s’arrête. En tournant à gauche, une porte. Un écriteau surplombe la porte du département : « Familles seulement »  et un second « Sonnez pour entrer ». Je dois attendre que l’infirmière pousse le bouton pour ouvrir la porte du département de psychiatrie… Voilà l’image qui me revient lorsque je repense au dernier séjour de ma grande. Mon cœur de maman a vécu beaucoup de choses depuis les 25 dernières années, mais les séjours en psychiatrie de ma grande fille sont de loin, les étapes les plus difficiles que j’ai eues à vivre!!

Nous avons eu droit à deux stages intenses au département de psychiatrie : une première fois de 33 jours et une seconde de 64 jours. Souvent dans ma vie, j’ai eu l’impression d’avoir perdu le contrôle, mais jamais comme ce sentiment d’impuissance de voir mon enfant dans une souffrance incroyable, l’esprit hors du temps, les yeux dans le vide et une agressivité tournée vers elle la majorité du temps… sinon envers moi!!!

Une désorganisation tellement grande qu’elle amène à un état de psychose. Le mal intense que j’ai au cœur à chaque fois qu’elle s’en prend à moi, qu’elle crie, qu’elle pleure ou qu’elle m’ignore complètement…

Sa première hospitalisation se fera à l’hôpital Charles-Lemoyne. Certaines visites, je serai là que pour cinq minutes avant que tout se désorganise. Je devrai alors quitter le département au moindre signe d’agressivité de sa part, sur recommandation de son médecin.  Je me présenterai tous les jours et plusieurs fois par jour pour voir ma fille et l’aider au mieux puisqu’elle n’aura pas d’éducatrice spécialisée avec elle pour l’aider à réintégrer la réalité.

Selon ses intérêts, elle aura dans ses bagages les paroles des chansons de la chorale à laquelle elle appartient depuis plusieurs années. La musique et la pratique du chant la gardera « groundée », même dans la plus grande confusion, toujours le chant la rejoindra.

Elle sera la seule patiente autiste, parmi un nombre incalculable de patients en santé mentale. Elle a 18 ans, sa place n’est pas là, ça c’est certain, mais qu’est-ce que je pourrais faire d’autre??? Elle donne ses boucles d’oreilles en or a une autre patiente, qui dans un élan de générosité, me les rendra par la suite. À sa sortie, elle sera médicamentée pour ses TOCS et par prévention pour ses états psychotiques. J’ai encore aujourd’hui l’impression d’avoir laissé dans ce département, une partie de ma fille. Par la suite, elle ne sera plus jamais celle qu’elle était auparavant…

Au fil du temps et des désorganisations fréquentes, la médication sera changée et augmentée jusqu’à ce que, quelques années plus tard, une rechute : hospitalisation à nouveau, cette fois dans un milieu rural. Un département plus petit et une éducatrice spécialisée attitrée pour elle. Sa désorganisation sera encore une fois totale et une autre partie d’elle y restera…. Elle partira de très loin pour resurgir dans notre monde petit à petit…

À nouveau, le chant sera pour elle une échappatoire, elle chantera pour les personnes malades du 2ième étage…

Elle y restera plus de deux mois. Elle sera placée en résidence intermédiaire à sa sortie et réintégrera le milieu familial par intermittence plusieurs mois plus tard, jusqu’au jour où on me donnera le choix entre ma fille et mon gagne-pain!

Cette fois la culpabilité de ne pas réussir à la ramener à la maison s’ajoute à mon sentiment d’impuissance face à sa condition.

Certains soirs, je me souviens de ma grande avant… Avant qu’elle ait traversée ces portes barrées…

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Mère de deux jeunes filles adultes vivant avec de l’autisme et intervenante communautaire auprès de parents d’enfants autistes depuis plusieurs années, ses textes nous ferons part de ses expériences personnelles. Sa collaboration portera sur la réalité de la vie familiale avec des adultes TSA, tous les succès et toutes les problématiques auxquelles elle a été et est encore confrontée!