Mes angoisses sociales

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Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours ressenti de l’angoisse et fait des crises de panique. Même enfant, lorsque j’entrais dans un centre commercial, la première chose qui m’angoissait était tous ces gens qui allaient et venaient, qui parlaient, riaient, mangeaient, buvaient ou qui parfois restaient planter sur place. Les bruits ambiants, les odeurs, les lumières… Tout m’étouffait! Encore aujourd’hui, j’ai la même problématique!

Au fil du temps et avec les années, il m’est arrivé de me dire : « Je suis encore une enfant, ça va bien finir par passer », mais j’avais tort. Oui, oui, dans une bulle de verre, je planais et je pouvais facilement me perdre dans les grains de poussière qui flotte dans un voile de lumière ensoleillée tout en étant incapable de composer avec les gens qui m’entourent.

Le problème de mes angoisses me poursuit encore et toujours et pas seulement dans les centres commerciaux. Que ce soit pour aller prendre une marche à l’extérieur ou aller dans les toilettes publiques, j’ai toujours les mêmes appréhensions,  peurs irrationnelles que plusieurs personnes autistes ou non ne comprennent pas. Suis-je folle docteur?? Qu’est-ce qui ne va pas chez-moi?? Y a-t-il certaines personnes qui sont près de l’évanouissement par peur des gens?

Des peurs, nous en avons tous, c’est ce que les médecins et les spécialistes vont dire, mais avoir peur des autres, au point de ne pas être capable de prendre l’autobus ou de rentrer chez moi à pied! Ce n’est pas normal ou du moins, c’est une peur irrationnelle. Pourtant, je sais très bien que les gens (même ceux que je vois tous les jours) sont à leurs affaires. Personne ne va m’attaquer et bien souvent, ce sont des personnes toutes simples qui vont travailler ou vont chercher leur enfant en garderie, comme tout le monde. Cependant, j’ai parfois l’impression de percevoir des choses abstraites, comme si je visualisais leur énergie. Ce qui m’effraie le plus, c’est que je ne suis pas toujours en mesure de détecter les intentions qu’ils ont à mon égard. Juste à l’idée que quelqu’un me regarde, je fige, je regarde par terre. Je ne comprends pas pourquoi, mais j’ai toujours eu cette attitude.

Avec le temps, les contacts physiques sont beaucoup plus appréciés, mais il m’arrive encore de les ignorer. Serrer la main et sourire, voilà deux choses que je n’aime pas faire.  D’abord, toucher la main de quelqu’un alors que je ne sais pas ce qu’il a fait avec! Et la force que la personne met dans une poignée de main!! Autant certains vous « désossent », autant à l’opposé, c’est à peine si vous sentez la main de l’autre dans la vôtre! Ensuite, sourire. J’ai longtemps observé les animaux montrer leurs dents et je ne pense pas que « sourire » est synonyme de bienvenue! Quand les gens s’adressent à moi, souvent, rien  ne m’indique à l’avance que c’est à moi qu’ils s’adressent, en plus, ils entrent dans mon espace vital tout en me parlant. Les odeurs corporelles me dérangent, les personnes qui fument et les hommes qui ont les hormones dans le tapis…

Les espaces trop étroits ou trop vides me font perdre la notion des profondeurs, je n’arrive pas toujours à tenir sur mes jambes. Je n’ai pas la notion du temps et il m’arrive parfois d’être en retard ou d’oublier des choses importantes.

J’ai beaucoup de choses à travailler et qui resteront probablement pour le reste de ma vie, mais ce n’est pas en restant enfermée dans ma chambre que les choses vont changer. Comme toutes les autres filles, je suis en apparence « normale », je ne suis peut-être pas la plus jolie, ni la plus grande, encore moins la plus intelligente, mais chose certaine, je suis autiste comme la plupart de mes amies, mes connaissances, mes semblables quoi!!!

Mais même parmi mes semblables, ai-je vraiment quelqu’un qui me ressemble? Qui vit exactement la même situation que moi??  Je ne suis pas la seule personne autiste dans ma famille, il y a ma sœur qui n’a pas les mêmes angoisses que moi, elle semble, au contraire, très à l’aise avec le fait qu’on lui prenne la main et qu’on lui donne des câlins, mais pas moi… Comme quoi, tous les êtres humains, autistes ou pas, ont à faire face à leurs propres angoisses. De mon côté, j’y travaille!!!

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Auteure, compositeure et interprète, Virginie Poirier (Virgie) est une jeune adulte de 24 ans vivant avec de l'autisme de haut niveau (TSA)... Elle demeure depuis 2011 aux Îles de la Madeleine avec sa famille, notamment avec sa sœur atteinte d’autisme elle aussi. En mars 2015, elle a lancé son premier album «Virgie Artiste/Autiste». Elle collaborera avec nous en partageant ses réflexions, ses poèmes et certains textes sur sa vision artistique et autistique du monde dans lequel elle évolue, et partagera avec nous ses mille et un projets!