L’amitié, enfin

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L’amitié pour toi, ça n’a jamais été évident, facile. Déjà tout jeune, ta différence pointait. Ton tempérament plus explosif, mais aussi plus immature que les autre enfants de ton âge qui, de l’aveu même d’une maman où tu étais allé pour une fête, t’utilisaient comme souffre-douleur.

Mais voilà que ce matin, j’apprécie le chemin parcouru. Ce matin, le téléphone a sonné. Et ce matin, la petite voix timide, incertaine au bout du fil était pour toi. Pas pour moi, ton père ou comme c’est si souvent le cas, pour ton frère. C’était un appel pour toi.

C’est toi qu’un ami appelait. C’est avec toi qu’on voulait jouer. C’est vers toi que ce tournait ce petit bout d’homme, plus jeune que toi, qui lui aussi a de la difficulté dans ce monde qui accepte mal la différence. C’est avec toi qu’il a choisi de passer le peu de temps disponible dans sa journée.

Vos différences se rejoignent à travers votre passion des cartes Pokémon et votre affection pour les Légos. Ensemble, vos rigidités ne posent pas de problèmes. Son TDA et ton SGT ne s’opposent pas, on dirait même qu’ils se complètent. Peut-être à cause d’eux, votre entente est fantastique à voir. Vos immaturités semblent s’évanouir. Où, encore là, peut-être se complètent-elles.

Oui, je souris. Je souris en vous entendant discuter, insistant sur la précision des mots, trouvant un terrain d’entente pour vos désaccords sans qu’il n’y ait explosion, sans commotion, sans fin du monde.

Et oui, je me réjouis de cette nouvelle amitié différente. Appréciant cette reconnaissance que la différence semble attirée à toi. Ces amis particuliers qui ont eux aussi divers défis à surmonter et cette entraide que, sans le savoir, vous vous apportez.

Tellement d’apprentissages ce font durant ces interactions. Tu n’en es pas conscient, mais moi je le vois. J’ai tant pleuré en cachette pour que tu ne le vois pas, alors que tu me disais ta tristesse de ne pas avoir d’amis. Alors que tu voyais ton frère être invité pour des fêtes ou simplement pour jouer, de ton côté, il n’y avait que solitude. Mon cœur se déchirait de voir ta mine triste alors que tu me disais « Moi, y’a jamais personne qui m’invite… » Encore aujourd’hui, je sens la lionne en moi quand je vois le regard méprisant de certains parents se poser sur toi, alors que tu passes devant eux dans la cour d’école les soirs de rentrée. Certains ayant même un léger mouvement pour écarter leur enfant, comme si tu souffrais d’une quelconque maladie contagieuse.

Depuis plus d’un an, je te regarde cheminer sur la route des amitiés, alors que lentement, les autres enfants apprennent à te connaitre, maintenant que les explosions se font moins fréquentes. Alors que ta capacité de nommer se fait plus grande. Je te vois, assoiffé de ces contacts humains qui t’ont manqué durant les années sombres. Je te vois sourire lorsque tu es avec tes amis. TES amis, pas ceux de ton frère qui t’acceptent parmi eux. Les tiens. Ces enfants particuliers qui s’attirent entre eux. Et je suis fière, si fière du chemin que tu as parcouru et que tu parcours encore…

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Éducatrice à la petite enfance depuis une vingtaine d’année, adepte de l’entrainement en force pour ne pas perdre complètement la tête, Nancy Ringuet, très possiblement TDAH, est maman de deux garçons à diagnostics : un grand TDA sévère et un plus jeune SGT, TDAH impulsivité mixte et TOP. C’est un long combat qui aura mené aux diagnostics du plus jeune, et un long combat qui s’engage pour faire reconnaître ses besoins. Passionnée de recherches et assoiffée d’en apprendre plus, elle fouille le net sous toutes ses coutures. Elle partagera ici des textes et réflexions sur ce vécu différent de mère chef de famille, avec un conjoint dont le travail l’amène à être absent.