Je m’excuse mon amour

0
2069

Oui, j’y ai pensé, plusieurs fois. Oui, il y a eu ce moment où tu étais parti, où tu étais en sécurité, où j’ai commis l’acte. Oui, j’ai été une statistique. Mon amour, un jour tu apprendras que maman a déjà essayé de se suicider. Sache que ce n’est pas toi qui as causé ça. Même si ton autisme m’a donné du fil à retorde. Ce n’est pas toi, ce ne sera jamais toi.

C’est l’incompréhension envers la difficulté que tout ça apportait. C’est le sentiment de non-accomplissement, malgré tous mes efforts. Ce sont ces spécialistes qui ne m’ont pas écoutée dès le début de mes soupçons. C’est le vacarme de mon cœur dans ma tête qui résonne quand je n’arrive pas à te protéger de ta tête. C’est le rejet de tout le monde qui me croit donc folle de te chercher des bibites car eux, ne te voient pas à temps plein. Ce sont ces rendez-vous que je n’en pouvais plus, que j’avais l’impression d’échouer.

Pour mon rôle de mère et bien je m’étais donner un gros zéro comme note. Dans ma tête, je n’y arrivais pas. J’ai cru pouvoir enlever cette lourdeur d’inachèvement pendant un instant. J’aurais voulu dormir sans me réveiller et me rendre compte que tout ça soit bien réel.

J’ai voulu calmer ma peine, atténuer ma douleur intérieure. J’ai voulu pour une fois, qu’on me prenne et qu’on me dise que j’ai le droit de trouver ça dur. Que même si tu n’en mourras pas, la fatigue accumulée est bien présente. Que ce n’est pas juste dans ma tête. Que mon corps qui s’efforce de te soutenir, n’arrive même plus à se soutenir soi-même. J’aurais voulu passer le flambeau à quelqu’un, mais c’était impossible. Aussi égoïstement, je l’ai fait. J’ai voulu mettre un terme à tout ça. Moi, je n’y arrivais pas, alors je me disais que peut-être sans moi, tu y arriverais.

Ce soir-là, j’ai commis un acte d’une cruauté jamais égalée envers moi-même. Ce soir-là, j’ai voulu qu’on voie sur mon corps ce qui était en train de me gruger intérieurement. J’ai voulu libérer cette noirceur dans ma tête pour qu’elle s’échappe en même temps que mon âme. C’est ce que je croyais juste à ce moment-là.

Lorsque je me suis réveillée, je me suis rendue compte à quel point j’étais décevante et que même ça, je n’y arrivais pas. Et puis, dans mon miroir de chambre, j’ai vu ta photo mon amour. Une de ces premières photos avec toi. Moi dans la plus grosse des fatigues, mais te tenant dans mes bras pour la première fois, avec ce regard de soulagement aussi fort que de fierté qui m’habitait. Ce matin de ta naissance, je t’ai promis de toujours t’accepter et de prendre soin de toi. Que peu importe, j’allais être là. C’est comme si tu renaissais à nouveau, car dans cette dépression qui m’avait enlevé toutes émotions, celle de t’aimer était revenue.

Tu sais mon cœur, tout ça m’a peut-être affaiblie. Mais je crois que ça a été pour mieux renaître, ensemble. Tu as été mon phare quand ça n’allait plus. Malgré toutes tes difficultés de ce moment-là, tu m’as donné cette force en moi pour continuer. Car l’amour que j’ai pour toi est plus fort que bien des dépressions. Ces pressions extérieures que je ressens de l’intérieur ne pourront jamais toucher ce petit bout en moi qui ne bat que pour toi.

Tu sais, j’en suis fière. À ce moment-là, j’ai compris que j’avais échoué mon suicide et que j’avais gagné la vie, ma vie. Je suis là maintenant. Prête à t’aider et à te soutenir. Et si cette difficulté de mon passé m’a bien appris une chose, c’est que je n’ai besoin de l’approbation de personne pour trouver ça difficile et prendre le temps qu’il faut pour me reposer. J’ai compris que si je ne me sauvais pas et bien je ne pourrais plus être là pour toi.

Alors mon cœur, je sais que tu comprendras. Maman fera en sorte de se passer en premier dans notre relation. Car je veux, et ce pour toujours, être à tes côtés.

PARTAGER
Article précédentCes gens qui nous laissent
Article suivantJe ne me tairai pas
Je suis maman d'un merveilleux garçon qui a un TDAH et un TSA sans déficience intellectuelle. J'ai toujours été sensible à la maladie et aux troubles mentaux, je suis d'ailleurs préposée aux bénéficiaires. Mon fils réussit à faire ressortir le meilleur de moi-même. Le but de mes textes est d'évacuer mais surtout de conscientiser le monde à la différence et aux troubles mentaux ainsi qu'à leurs aspects dans la vie de tous les jours. J'espère vous toucher par mes écrits autant que moi je suis touchée en les écrivant.