J’ai vraiment essayé

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Enfant, je ne me suis jamais sentie à ma place, ni avec les autres enfants, ni avec les adultes. Étant enfant unique et n’ayant que peu fréquemment des contacts avec eux, je trouvais les autres enfants étranges. Quant aux adultes, ils ne voyaient en moi qu’une enfant, trop jeune pour se joindre aux conversations « d’adultes ».

Alors, j’ai essayé. J’ai vraiment essayé de me fondre dans la masse de ces autres jeunes de mon âge que je côtoyais dans la classe ou la cour d’école. Bien vite, certains faits me sont apparus comme une évidence. Sortir de la masse de quelque façon que ce soit avait un côté négatif. Donc, être pointé du doigt et étiqueté par un prof qui ne nous apprécie pas, ce n’est  pas vraiment un point positif. Mais à l’inverse, être trop appréciée par les professeurs parce qu’on ne dérange pas, qu’on apprend rapidement et demande peu d’attention, ça n’aide pas non plus à se faire des ami(e)s… Car être naturellement douée à l’école ne nous rend pas du tout populaire. Mais j’ai essayé, durant tout mon primaire, mon secondaire et même la majeure partie de mes trois années de CÉGEP. J’ai essayé de m’intégrer. D’apprendre à être comme les autres, à me conformer à ce que tous et chacun semblaient voir comme adéquat. J’ai tenté de me conformer aux standards de ce qui semblaient être attendus de moi comme enfant, adolescente et jeune adulte. J’ai essayé de passer outre les remarques blessantes, les sous-entendus pas vraiment subtils… En vain, puisqu’aujourd’hui, je regarde autour de moi et ne retrouve aucun de ces visages, pas l’ombre de ces autres, de ces pairs que j’ai pourtant côtoyés durant des années et tant désiré faire partie, être acceptée…

Et puis, voilà que j’ai eu des enfants. Je me suis retrouvée dans l’univers des mamans, et soudain de nouveau confronté à MA différence, à ce désir de plaire, de faire partie d’un groupe. Celui des parents dont les enfants fréquentent la même garderie puis, la même école, la même classe, jouent dans la même équipe de hockey… J’ai à nouveau tenté de m’intégrer, de me joindre au groupe, de faire comme… Mais il y avait encore cette impression de ne pas avoir ma place, de m’imposer, de m’incruster, de déranger, d’être de trop. Sur les bancs d’arénas, en accompagnant aux sorties scolaires…

Et voilà que mon enfant est différent. Il ne réagit pas comme les autres, il demande des interventions particulières, des ajustements.  Et depuis cette réalisation, depuis que nous pouvons mettre un nom sur cette, ces différences, je me sens encore plus éloignée, isolée de ceux que je voulais intégrer. Je me sens encore plus éloignée de vous, encore plus différente. La distance entre vous et moi n’en est que plus grande encore.

Alors voilà, je vous dis : j’ai essayé. J’ai fait de mon mieux, j’ai fait tout mon possible et mis tant d’énergie à vouloir être comme tout le monde, à vouloir me fondre. Aujourd’hui, je n’essaie plus. Aujourd’hui je vous dis, si vous désirez vraiment me connaitre, faire partie de mon univers, alors à vous de faire l’effort. À votre tour d’essayer de me comprendre. À vous de faire ces efforts pour entrer dans ma réalité. Car moi, j’ai assez donné. J’ai essayé. À vous maintenant.

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Éducatrice à la petite enfance depuis une vingtaine d’année, adepte de l’entrainement en force pour ne pas perdre complètement la tête, Nancy Ringuet, très possiblement TDAH, est maman de deux garçons à diagnostics : un grand TDA sévère et un plus jeune SGT, TDAH impulsivité mixte et TOP. C’est un long combat qui aura mené aux diagnostics du plus jeune, et un long combat qui s’engage pour faire reconnaître ses besoins. Passionnée de recherches et assoiffée d’en apprendre plus, elle fouille le net sous toutes ses coutures. Elle partagera ici des textes et réflexions sur ce vécu différent de mère chef de famille, avec un conjoint dont le travail l’amène à être absent.