Faute avouée à demi pardonnée

0
381

D’aussi loin que je me souvienne, l’honnêteté est une valeur dominante pour moi.  Comme tout bon enfant qui se respecte, j’aimais tester les limites et déjouer les règles, mais je me faisais un point d’honneur à assumer mes actes.

Malgré que j’aie peu de souvenir de mon enfance, certains sont bien ancrés dans ma mémoire, comme l’impression d’entendre encore la voix de mon frère et/ou ma sœur aînés, qui avaient tracés le chemin avant moi, donc qui connaissaient très bien les limites de nos parents, me dire : « Non mais tu le fais par exprès toi pour te faire chicaner! ». Il paraîtrait que je n’étais pas assez subtile, trop franche et que je maniais mal l’art de détourner l’attention de sur moi, pour ainsi arriver à me faire oublier et par le fait même, éviter l’accumulation de conséquences à mes écarts de conduites. Prise à défaut, moi j’en rajoutais, non pas pour me disculper, mais parce que j’avais besoin de tout dire, même ce que j’aurais peut-être dû filtrer!

Non mais quoi… On est honnête ou on ne l’est pas! Encore aujourd’hui, je me fais jouer des tours avec cela, parce qu’il parait aussi que « toute vérité n’est pas bonne à dire »!

Et bien ma tendre progéniture n’a pas hérité de cet aspect de ma personnalité. Imaginez maintenant combien cela peut être confrontant pour moi!

La gestion des émotions de mon Koko est un défi de chaque instant : il est provocant, agressif, impulsif, il défie les règles et l’autorité, il est mauvais perdant, mauvais gagnant, il a tellement une piètre estime de lui-même qu’il a tendance à se surévaluer, c’est lui le meilleur en tout! Bref, rien n’est jamais de sa faute. Il frappe parce qu’il a été provoqué, il s’oppose parce que la demande est injustifiée. C’est l’arbitre qui a tort quand il se retrouve au banc des pénalités et quand j’arrive à déjouer le Carey Price en lui quand on joue au hockey, c’est automatiquement un « no goal » pour des raisons toujours aussi surprenantes les unes que les autres! Finalement, quand il passe à côté de son frère et lui ramène une claque en arrière de la tête, devinez quoi? C’est son bras qui a eu un spasme! Ce n’est pas sa faute! (Notez que là je me sens plutôt indigne comme mère de faire un portrait aussi négatif de mon fils, il a de magnifiques qualités et promis que j’en ferai un jour l’éloge pour me déculpabiliser).

Après des millions de conflits avec son frère, où j’ai entendu toutes sortes d’explications inimaginables pour s’innocenter, j’en suis venue à ne plus systématiquement  vouloir entendre ses doléances, et donc, je suis devenue, à ses yeux, la méchante qui ne le croit jamais, qui ne l’écoute pas, qui croit juste le petit Lolo qui est, de toute évidence, (selon lui bien sûr) mon chouchou.

Lolo lui, il a une imagination débordante, il aime se faire raconter des histoires et s’en raconter! C’est un p’tit vite celui-là! Il a compris que Koko est étourdissant avec ses argumentations et qu’au final, il est facile de lui faire porter le chapeau. Lolo a le sens du spectacle, il sait en rajouter pour que Koko porte l’odieux. Et il ment! Lui aussi!

Et bien, qu’à cela ne tienne, ils ne m’auront pas comme ça! Aux grands maux les grands moyens!

Voici la dernière scène vécue chez moi : 6h du matin et je n’arrive pas à savoir qui a réveillé qui avant le chant des oiseaux et ainsi initier les activités illicites pendant mon précieux sommeil. Moi je refuse catégoriquement de me faire réveiller avant 6h50. C’est une règle bien établie depuis deux ans, cadran fourni (et changé au rythme de la compréhension de l’enfant) avec multitudes de jeux et livres calmes disponibles dans leurs chambres respectives. Pourquoi 6h50? Parce qu’à force d’essais-erreurs, j’ai finalement trouvé un compromis réaliste entre l’heure à laquelle les tornades commencent à grouiller et celle où moi je devrais me lever!

Alors voilà, il est 6h du matin, Lolo est dans la chambre de Koko, mais ce n’est pas sa faute, c’est Koko qui l’a réveillé, lui, pauvre petit, il ne voulait pas aller dans la chambre de Koko, il a été forcé! Mais non maman dit Koko, Lolo est venu me tirer le bras dans mon sommeil, c’est lui qui m’a réveillé et m’a forcé à jouer, moi je ne voulais pas! Et puis maman, ce n’est pas grave si nous ne sommes pas restés tranquilles dans nos chambres, on a quand même été des bons garçons, on a fait des cubes énergies!

À bout des mensonges et avide de vérité, je prends les enfants à part un à un pour discuter, puis ensemble pour les confronter et n’arrive toujours pas à obtenir la vraie version de l’histoire! Et bien allez hop dans vos chambre tous les deux, allez y réfléchir tant que je n’aurai pas obtenu le fin fond de l’histoire!

Moi, convaincue d’avoir vaincu en lançant cette annonce, je me fais péter ma balloune assez vite : Lolo repart sur le champ la cassette fournie par son imaginaire débordant et me raconte une autre version… Où cette fois il prend tout le blâme! Ça se tient son affaire, mais misère que ça ne sonne pas crédible! Le petit malin, il a compris comment ça marche lui : « j’va lui dire à la mère ce qu’elle veut entendre, elle va nous lâcher!!! »

Bang! Je réalise que j’ai trop souvent dit que je ne punirais pas une confession après un péché, aussi durement qu’un mensonge, et voilà que mon Lolo invente une vérité, parce qu’en bout de ligne, il ne se souvient sûrement même plus de la fameuse vérité, vous savez, la vraie celle-là!

La morale de cette histoire : ma quête de vérité répond à mon propre besoin! Avoir des enfants différents, c’est aussi devoir redéfinir nos priorités, nos propres bases et, encore plus que le commun des parents, c’est devoir choisir nos batailles et ménager nos énergies pour les investir là où ça compte vraiment!

Mon Koko TDAH n’a pas la même perception que moi des événements, il n’a pas les mêmes besoins! Je veux quoi moi comme mère?!? Lui inculquer de force l’importance de l’honnêteté ou le guider un pas à la fois pour qu’il arrive à intégrer par lui-même les valeurs qui feront de lui un adulte accompli!?!

Ce matin-là, j’aurais simplement dû appliquer le système d’émulation qui m’a demandé tant d’énergie à bâtir et qui en bout de ligne fonctionne bien avec mes tornades (non-respect de la consigne = pas de point = moins vite à obtenir les privilèges tant appréciés) et ce, plutôt que de partir en vain dans une croisade vers la vérité! À défaut de m’être fait réveiller plus tôt ce matin-là, j’aurais au moins bu un café chaud!

Je dois l’admettre, c’est mon erreur! Heureusement à ce qu’on dit « faute avouée à demi pardonnée »!

PARTAGER
Article précédentCes femmes d’exception
Article suivantTDAH : ce ne sont que 4 lettres!
Mère monoparentale de deux magnifiques tornades, menant de front le rôle de maman et papa (le géniteur des dites tornades ne s’investissant pas suffisamment pour porter le titre de Père)! Travailleuse sociale dévouée et rigoureuse œuvrant au sein de familles en difficulté depuis plus de 15 ans, qui dans le chaos organisé d’une vie familiale et professionnelle exigeante, cherche aussi à vivre une vie de femme, quand (ou si !?!) le temps le permet! Déterminée, fonceuse et impulsive parfois (moins souvent maintenant)! Farouche protectrice de sa marmaille, bouclier entre le monde et deux garçons intenses, excessifs, grouillants, surprenants et oh! combien vifs d’esprit, sensibles et gratifiants! Nouvellement passionnée pour l’écriture, qui souhaitons-le rejoindra ceux qui ont aussi une vie différente …