Et si…

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Et si la différence avait une voix? Si elle prenait visage pour la rendre plus concrète, plus réelle, plus tangible? Mais ce visage, il aurait l’air de quoi? Cette voix, elle aurait quelle sonorité? Quel discours aurait-elle?

Si je me fie à trop de commentaires lus et entendus, elle ne ressemblerait pas à Fiston et n’aurait pas sa voix, son éloquence, son intelligence, ses réparties, son sarcasme ou son ironie… Elle ressemblerait automatiquement à mon oncle, maintenant en fin de soixantaine, handicapé intellectuel lourd, à la dentition plutôt croche, aujourd’hui en fauteuil roulant et au timbre de voix étrange avec ce rire qui arrive parfois de nulle part… Car pour trop de gens encore, la différence doit passer dans un moule particulier pour être reconnue comme telle, pour être vue comme une « difficulté ».

Je me suis aperçue récemment qu’en tant que parents, en tant que famille d’enfants différents, il faut se battre contre deux moules : celui du neurotypique  et celui que la société se fait de la différence.

Ce regard qu’on me lance quand la conversation se porte sur le sujet, cet air de  me dire « ben voyons toi… tu me niaises… » si sceptique et si agressant, je ne suis certainement pas la seule à le croiser.

Parce que Fiston est mignon, aujourd’hui à nouveau souriant, qu’il a de bonnes notes à l’école, qu’il a de la repartie, qu’il fait de l’humour et a un vocabulaire assez élargi, que ses tics sont relativement légers, et que son opposition et son impulsivité sont maintenant sous contrôle, les remarques plates abondent :

« Ah ben c’est pas si pire ton gars, tsé… Je connais quelqu’un, sa fille est autiste et ne parle pas… »

« Mon amie X a un fils qui a la paralysie cérébrale et est gavé, c’est pas mal plus dur que ton gars. »

Heu… HELLO!!!!!!!!!!!!!!

C’est pas un concours de qui l’a pire que l’autre ici! C’est juste une demande de reconnaissance pour moi, mes fils, mon conjoint et ces autres familles que je connais et qui vivent des situations semblables! OUI, en ce moment, nous flottons un peu sur un nuage. Après deux ans d’enfer, Fiston, le Fiston que j’ai mis au monde en cette nuit d’août, il y a presque 9 ans, est de retour. Mais bien malgré nous, nous vivons dans l’expectative de la prochaine crise. La poussée de croissance, la prise de poids, viendront-elles à nouveau débalancer le fragile équilibre sur lequel la santé mentale de notre famille repose?

Je ne veux pas comparer les difficultés d’une différence versus une autre. Chacune à ses difficultés particulières auxquelles les familles doivent faire face. Pour certaines, le diagnostic est rapidement établi et l’accessibilité aux ressources un brin plus facile. Pour d’autres, c’est un combat de tous les jours pour faire reconnaître les problématiques, les faire nommer par le bon spécialiste qui permettra de recevoir l’aide nécessaire. Mais nous savons tous aujourd’hui, que même un diagnostic rapide ne signifie pas que l’aide sera présente au premier appel. Car notre gouvernement ne priorise pas cette aide aux familles, aux enfants qui en ont besoin. Il ne priorise pas l’avenir de cette génération montante, de ces adultes de demain. Les familles doivent donc se battre sur tous les fronts. Contre les préjugés de l’entourage qui ne comprend pas, contre le système de santé souvent rébarbatif et lent, contre un gouvernement qui ne rend pas disponible l’aide adéquate…

Et si la différence devait n’avoir qu’un visage, qu’une voix, qu’un seul discours, que faudrait-il qu’il soit pour enfin vous faire réagir?

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Éducatrice à la petite enfance depuis une vingtaine d’année, adepte de l’entrainement en force pour ne pas perdre complètement la tête, Nancy Ringuet, très possiblement TDAH, est maman de deux garçons à diagnostics : un grand TDA sévère et un plus jeune SGT, TDAH impulsivité mixte et TOP. C’est un long combat qui aura mené aux diagnostics du plus jeune, et un long combat qui s’engage pour faire reconnaître ses besoins. Passionnée de recherches et assoiffée d’en apprendre plus, elle fouille le net sous toutes ses coutures. Elle partagera ici des textes et réflexions sur ce vécu différent de mère chef de famille, avec un conjoint dont le travail l’amène à être absent.