La différence qu’on oublie

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À l’aube de ses 9 ans, mon Koko et moi jonglons avec sa différence (TDAH/opposition/impulsivité/ anxiété) depuis sa première année du primaire. En fait, c’est depuis sa naissance qu’il a son profil particulier et ses défis bien à lui, mais nous n’avons mis des mots sur ces montagnes qui me paraissaient alors infranchissables que depuis deux ans. Après de nombreuses adaptations au scolaire, dans les loisirs, à la maison, et ce, grâce au support d’une panoplie de professionnels (et de « non-professionnels » parce que Oui! Oui! Ça prend un village pour élever un enfant, surtout un différent), nous avons fini par trouver un équilibre dans notre déséquilibre perpétuel!

Pas que ce soit rendu facile pour autant, mais parce que mon rythme de vie familial particulier est devenu pour moi la normalité, ma normalité.

Donc, parfois, j’oublie!

Les moments faciles sont devenus plus courants que les moments difficiles (disons-le, la médication enfin ajustée y est pour beaucoup). Avoir la chance aussi de pouvoir compter, deux ans de suite, sur la même enseignante exceptionnelle et le même coach de hockey dévoué, qui tous deux, acceptent mon Koko tel qu’il est, s’adaptent à lui et nous mettent au défi, mère et fils, pour évoluer et se faire confiance aux travers les obstacles, c’est tout un bonus pour arriver à progresser, voire oublier!

Dit comme cela, ça sonne comme un hymne au bonheur… mais ce n’est pas tout à fait le cas, croyez-moi!

L’envers de la médaille, c’est que quand on oublie qu’on est en temps de guerre, on baisse nos défenses, on oublie que les bombes peuvent nous tomber dessus en tout temps et on devient fragile et vulnérable!

Je m’explique.

Quand Koko passe des semaines sans faire de crises, sans s’opposer, sans « péter des gueules » (et oui au sens propre malheureusement) : j’oublie.

Donc, quand tout d’un coup, au McDo, il gosse sur la machine libre-service pour commander : je dois lui répéter dix fois de la lâcher et de me suivre à la caisse, je dois le prendre par le bras pour qu’il ne se pousse pas, je dois décider pour lui ce qu’il va manger parce qu’il ne me répond que par des grognements et qu’il s’écrase par terre parce que je ne commande finalement pas ce qu’il veut (tout ça en supportant le regard des gens et en ayant à l’œil la tornade #2, alias Lolo). Vous savez alors ce que je me dis? « J’ai élevé un monstre, il fait tout pour me faire pogner les nerfs, maudit que j’ai honte, pourquoi cet enfant ne m’écoute jamais, c’est son plaisir à lui ça hein de me mettre à bout, pourquoi il n’est pas capable de se comporter comme un enfant de 9 ans, moi je veux lui faire plaisir et lui il veut juste m’écœurer… » Ouf!!!

Voilà ce que ça fait d’oublier. Je n’ai mis aucun mécanisme efficace en place avant ou pendant la crise, je n’ai, à aucun moment, pris en considération qu’il était rendu 18h, que la médoc n’avait plus d’effet, qu’il était excité parce qu’il attendait son père pour aller passer le weekend avec lui!

Résultat : je suis en colère, Koko, une fois redescendu sur terre, est triste et tous deux ont feel coupables! FAIL sur toute la ligne!!!

Oublier, c’est aussi ne pas lui envoyer d’argent pour la journée spéciale de vente de livres usagers à l’école. Ma réflexion : on n’a pas besoin de livre, on en a plein, on en achète souvent et on va à la biblio! Tel que prévu : Lolo va au gym avec sa classe, il n’a pas d’argent, mais il s’en balance, et le chanceux, il se fait payer une gugusse par un ami : il est au ange.

Koko lui??? Ben oui! Il a paniqué. C’est alors qu’il me téléphone de l’école, au désespoir : « Maman, je n’ai pas d’argent pour aller au gym avec ma classe tantôt m’acheter des livres! » Moi sûre de mon coup : « Voyons Koko, on n’en a pas besoin, on a tout ce qu’il faut, ce n’est pas grave et là maman travaille. » On raccroche!

Bang! ça me frappe! Si l’école lui a permis de me téléphoner, c’est qu’il ne doit pas aller très bien face à cette situation. Je me précipite à l’école. J’arrive vers la fin de la ballade de sa classe parmi les livres usagés. Je le vois au loin, il a le regard perdu, il est seul. Des amis de sa classe me croisent, me montrent leurs achats, me disent que d’autres amis leurs ont payés des livres par ce qu’eux n’avaient pas de sous.  Pas mon Koko, il n’a pas d’amis lui! Une bénévole lui a donné un livre (un espèce de roman plate sur la table des livres à donner « pour les démunis » qu’elle me dit). À voir le regard désespéré de la bénévole et ses mots qui se résument en « mon dieu qu’il est insistant », je me sens la pire mère du monde! J’ai juste jamais pensé moi que mon Koko prendrait cette activité tant à cœur. À l’école, il a un besoin viscéral de sentir qu’il fait partie du clan, il était désemparé de ne pas avoir son 2$ lui aussi. C’est mon intense, il n’a pas de demi-mesure. Lolo a vogué sans heurt dans cette situation, Koko lui, il était sur le bord du naufrage.

Tout ça parce que j’ai oublié sa différence. C’était écrit dans le ciel, mais j’ai oublié.

Voilà deux exemples récents, deux parmi tant d’autres, qui nous rappellent à l’ordre.

La morale de cette histoire : ce n’est pas parce que le temps passe, ce n’est pas parce que nous avons enfin accepté la situation, ce n’est pas parce que la différence se voit de moins en moins souvent et ce n’est pas parce qu’il arrive à fonctionner de mieux en mieux qu’il faut se laisser aller. Il n’est pas guéri. Ce sont les outils qu’on utilise qui fonctionnent et il faut les garder à porter de mains et surtout les utiliser!!!

Ainsi, à ma philosophie des dernières années, que je me suis même faite graver dans la peau Never give up, j’ajoute : N’oublie pas…

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Mère monoparentale de deux magnifiques tornades, menant de front le rôle de maman et papa (le géniteur des dites tornades ne s’investissant pas suffisamment pour porter le titre de Père)! Travailleuse sociale dévouée et rigoureuse œuvrant au sein de familles en difficulté depuis plus de 15 ans, qui dans le chaos organisé d’une vie familiale et professionnelle exigeante, cherche aussi à vivre une vie de femme, quand (ou si !?!) le temps le permet! Déterminée, fonceuse et impulsive parfois (moins souvent maintenant)! Farouche protectrice de sa marmaille, bouclier entre le monde et deux garçons intenses, excessifs, grouillants, surprenants et oh! combien vifs d’esprit, sensibles et gratifiants! Nouvellement passionnée pour l’écriture, qui souhaitons-le rejoindra ceux qui ont aussi une vie différente …