Dépressive, moi?

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Je travaille depuis l’âge de 12 ans. J’ai commencé comme tous les ados à garder des enfants. Ensuite, j’ai travaillé comme caissière dans une épicerie et j’ai fait mon petit bonhomme de chemin jusqu’à aujourd’hui comme auxiliaire familiale. Ça fait 16 ans déjà. J’en ai fait des jobs, mais aider les gens fait partie de moi. J’ai toujours aimé travailler à changer pour le mieux la vie des personnes que j’allais voir à domicile. Quand j’étais jeune, je voulais entrer chez les sœurs pour être missionnaire. Je sais, c’est fou car je suis loin de la bonne catholique pratiquante, mais c’est la méthode qu’une cousine de ma grand-mère (religieuse ben évidemment) m’avait donné pour que je parcours le monde.

Je n’ai pas parcouru le monde, mais j’ai décidé de devenir missionnaire ici dans mon pays, ma ville, mon coin. Je me valorise beaucoup en entrant en relation d’aide avec ceux qui en ont le plus besoin. Je les aime et je crois qu’eux m’aiment aussi. J’avais trouvé ma voix. On vit des hauts et des bas dans ce métier. Je côtoie la mort car je vois beaucoup de personnes âgées.  Ces personnes pleines de richesses et d’expérience. Tout simplement magique. Y’en a une couple que j’aurais adopté pour les garder avec moi.

Je fonde ma famille et je continue à avancer dans ma vie personnelle et professionnelle. Dans les deux aspects de ma vie, je perds des gens de valeur. Par la mort ou bien par le départ vers de nouveaux horizons. C’est triste, c’est la vie, mais faut continuer d’avancer. Ce n’est pas facile mais on débarque et on pousse comme disent mes « vieux » amis!

Vient un jour où tu te lèves un matin, tu te regardes dans le miroir et tu ne te reconnais plus. Tu prends tout au pied de la lettre et tu pognes les nerfs pour un rien. Même tes enfants te tapent sur le système, mais tu ne sais pas pourquoi. Tu pleures ta vie au lever le matin et même entre deux clients dans ta voiture. Tu n’oses pas en parler à personne car tu ne veux pas les écœurer avec ça. Tu trouves ta vie plate et tu te dis que ce n’est pas ça que tu voulais. Pourtant ce qui te rendait heureuse te déprime en chien.  Tu te réveilles après deux heures de dodo car tu cogites trop et le petit hamster ne se repose jamais lui. Tu repars travailler le lendemain sans avoir dormi, sur le gros shake mais tu dois continuer. Tu as des enfants avec des besoins particuliers. « T’as pas le choix ma vieille! » C’est fatiguant. Je suis épuisée, mais je ne m’écoute pas. Je marche sur la batterie de secours et elle est presque vide.

Un matin, je prends encore congé de mon travail. J’ai mal partout, je ne file pas bien. Je parle avec quelqu’un car je n’en peux plus. Elle me dit d’aller consulter car elle croit que je suis en dépression. Ben voyons donc…

Je ne peux pas être en dépression. Je dois travailler car mes enfants ont besoin de moi. Mes bénéficiaires ont besoin de moi. « Mais toi, quand est-ce que tu vas penser à toi? » qu’elle me dit. Je suis tellement habituée de penser aux autres que c’est normal que je passe en dernier.

Je finis par l’écouter et je vais voir mon médecin de famille. Devinez le diagnostic? DÉPRESSION MAJEURE. Mais comment j’ai pu rater ça? Je ne suis pas suicidaire pourtant? J’ai honte. Honte d’être si faible. Honte de ne pas avoir été assez forte pour continuer d’avancer. J’ai l’impression de laisser tomber tout le monde, surtout ma famille. Qu’est-ce que mes enfants vont penser de moi???  Et mon mari???

J’ai une famille merveilleuse. Ils ont compris et ils m’aident beaucoup dans ma démarche. Ben évidemment, mon médecin m’a arrêté de travailler et je repose ma tête et mon corps. Oui je prends des pilules. Pour mon équilibre mental et pour dormir. Mon corps m’a parlé et je ne l’ai pas écouté. J’en paie le prix aujourd’hui malheureusement. Je remonte la pente et ça fait du bien de penser à moi. Je recommence à trouver que ma vie est belle. J’ai eu de l’aide. Je ne fais pas ça toute seule, mais le plus important, c’est que je n’ai plus honte. Malheureusement, cette honte est ancrée dans la pensée collective. Donnons-nous le droit de dire que l’on a de la peine, que nous sommes en cr*** et que la vie nous fait chi**. De dire aussi que l’on est à boutte et que nous avons besoin d’aide sans se faire juger. J’ai déjà appelé le 811 (info-santé) pour ma fille malade. J’ai pleuré en masse et l’infirmière m’a écoutée et consolée. J’ai passé une heure  à y parler. Ma fille n’avait pas grand-chose, juste de la fièvre. J’ai quand même appelé là car je ne savais plus à qui me confier. Alors des ressources, il y en a partout. Une amie, un parent, une personne en qui vous avez confiance, moi au pire.  Mais faut en parler. Nous sommes tous humains et donnons-nous le droit de tomber pour mieux nous relever. Je vous donne quelques références et sûrement que vous en avez aussi. Chaque région a son annuaire de numéro d’urgence et il y a Internet. Fouillez!!!

Centre de prévention du suicide du Québec 

Ordre des psychologues du Québec 

Si ça vous arrive, ne vous gênez pas pour consulter votre médecin de famille pour les références adéquates. Les CLSC peuvent vous aider aussi. Et quand c’est urgent, il ne faut pas se dire que peut-être on prend la place de quelqu’un qui est pire. Vous avez besoin d’aide, alors prenez la place qui vous revient de droit. Vous êtes tous important pour quelqu’un…VOUS.  Vous en valez la peine.

Ce texte a été écrit pour le Webzine de Nadia Lévesque.  Depuis mars 2016, je me sens beaucoup mieux.  J’ai recommencé mon travail à temps plein et je suis en paix avec moi-même et le diagnostic de mes enfants.  Il n’y a rien de facile car je suis encore médicamentée mais la vie est belle pour moi.  Comme quoi on s’en sort toujours.  Faut juste y croire. 

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Vicky Mc Carthy est une femme dans la quarantaine un peu cinglée. Mariée à un hypothétique TSA, elle est aussi maman de 4 amours, tous TDA/H avec de la dyslexie/dysorthographie pour la plus vieille et TSA pour le plus jeune. Elle essaie de voir le bon en chaque personne et d’avoir une opinion sur un peu tous les sujets. Sa préoccupation première est sa famille mais aussi d’avoir un bon gros morceau de chocolat pour les baisses de positivisme. Elle aime faire des « jokes » plates selon ses enfants mais à la longue, on finit par aimer son humour et son franc-parler. Travaillant dans le domaine de la santé, elle se donne corps et âme pour le bon développement de sa sacro-sainte progéniture dans leur diagnostic, dans leur développement scolaire et dans leur vie. Bienvenue dans ce tutti-fruitti