Cordonnier mal chaussé

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Alors que mes 17 ans avaient à peine sonnés, je quittais ma région éloignée pour m’approcher de mon rêve…

Je suis partie seule vers la grande ville, sur de moi à l’extérieur, mais tremblante à l’intérieur.

Voilà que j’étais installée à Montréal pour étudier en technique d’intervention en délinquance. Passionnée par ce que j’y apprenais, j’ai eu envie de pousser plus loin en attaquant par la suite l’université, cette fois en travail social.

Mon plan était clair, je voulais me perfectionner pour suivre ce qui je croyais avec certitude être ma voie, soit aider les familles, tout particulièrement les enfants en difficulté.

J’ai débuté ma carrière à 21 ans, déterminée, sur de moi et convaincue de mes compétences! Je n’ai pas d’enfants, mais j’ai la connaissance… Je sais donc je peux faire une différence!

S’affairer à soutenir les parents pour maximiser le développement de leurs enfants c’est bien, mais avoir ses propres enfants c’est mieux!

J’ai donc décidé de me reproduire, et ce, une fois ma profession sur les rails et ma crédibilité de T.S. bien établie dans ma belle et petite région (vous savez celle où les gens avec qui vous travaillez, tant collègues que clients, sont aussi ceux avec qui vous faites vos cours prénataux, les activités avec vos enfants, l’épicerie et aussi l’attente à l’urgence quand les tornades sont malades, mais jamais assez pour cesser de tourbillonner).

L’arrivée de Koko, et le lot de défis qui viennent avec un enfant, combinée à l’adaptation de devenir parent, a fait un peu de dommage à ma confiance inébranlable, mais je m’en suis quand même sortie indemne… Disons, jusqu’à l’arrivée de Lolo!

Koko a quasi deux ans et demi, quand Lolo se pointe avec ses pleurs 23h sur 24 pendant trois mois! Koko lui, grognait sans cesse les premier mois de sa vie! À 7 ans, il est tout aussi grincheux, et Lolo tout aussi pleurnicheur!

C’est là que j’ai perdu le contrôle! Dur à croire, mais ça fait plus de 5 ans maintenant que je le cherche, que je suis là, à me demander où il s’est poussé et si je le retrouverai un jour ce fameux contrôle de ma vie!!!

Après avoir tant de fois dit quoi faire et comment le faire pour affronter les combats quotidiens de la vie de parents avec des enfants plus intenses et exigeants que d’autres, voilà que moi je n’y arrivais pas!

Pendant ma période de déni, celle où je croyais que mes connaissances, mon amour inconditionnel et les conseils de mes amies suffiraient à stabiliser les comportements problématiques de mes enfants, j’ai servi de punching bag à Koko plus souvent qu’à mon tour, jusqu’au jour où le point de non-retour a été franchi!

En pleine crise à la Beauce Carnaval, qui était en ville pour le week-end, Koko (à peine 5 ans), insatisfait d’avoir seulement fait 1000 tours de manèges, gagné 100 toutous et mangé 10 gâteries,  m’a ruée de coups, a hurlé à la mort et a tenté de démolir ma voiture, tout ça, sous les yeux d’une foule composée de certains spectateurs à qui j’avais déjà offert le plaisir de goûter à mes connaissances! J’avais envie de crier : « Faite ce que je dis pas ce que je fais!!! »

Ah l’orgueil! Je suis alors passée de la réticence à consulter, par peur de passer pour faible et incompétente, à l’urgence de le faire!

J’en étais là, prête à accepter qu’à moi-seule je ne pourrais faire en sorte que les difficultés s’envolent! En fait, pour être encore plus honnête, je devrais avouer que ma première démarche de consultation était plus pour la forme, et oui en grande partie pour le paraître! Ceux qui assistaient au chaos, de prêt ou de loin, ne pourraient pas dire que je n’avais pas tout fait pour que ça aille mieux! Misère! Pas besoin de vous dire que ce n’est pas à ce stade que j’ai obtenu les meilleurs résultats! Je le sais, parce que je l’ai déjà dit (haha) : il faut reconnaître le problème et l’accepter pour amorcer un changement réel et durable!

C’est ainsi, qu’un pas à la fois, on est passé pour Koko de l’art thérapie, à la consultation médicale, à l’évaluation psychologique, à la médication (pour TDAH diagnostiqué) puis (ayoye ça fait mal) à un suivi par une travailleuse sociale!!!

C’est alors que mon propre diagnostic est tombé : cordonnier mal chaussé!!!

Mais vous savez quoi, on a trouvé chaussure à notre pied mes petits boys et moi, car notre super T.S. nous aide réellement et me fait sentir, pour une première fois depuis longtemps, que tout le poids d’offrir le meilleur à mes enfants différents ne repose pas uniquement sur mes épaules! Alléluia!

 

 

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Mère monoparentale de deux magnifiques tornades, menant de front le rôle de maman et papa (le géniteur des dites tornades ne s’investissant pas suffisamment pour porter le titre de Père)! Travailleuse sociale dévouée et rigoureuse œuvrant au sein de familles en difficulté depuis plus de 15 ans, qui dans le chaos organisé d’une vie familiale et professionnelle exigeante, cherche aussi à vivre une vie de femme, quand (ou si !?!) le temps le permet! Déterminée, fonceuse et impulsive parfois (moins souvent maintenant)! Farouche protectrice de sa marmaille, bouclier entre le monde et deux garçons intenses, excessifs, grouillants, surprenants et oh! combien vifs d’esprit, sensibles et gratifiants! Nouvellement passionnée pour l’écriture, qui souhaitons-le rejoindra ceux qui ont aussi une vie différente …