Cher Père Noël

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L’an passé, à pareille date, la Coalition de parents d’enfants à besoins particuliers du Québec envoyait au Ministre Blais, dans le cadre de son événement Lettres au Père Noël Blais, des dizaines de lettres écrites par des parents au nom de leurs enfants à besoins particuliers pour dénoncer les coupures en éducation. Ces lettres avaient été remises en main propre à Monsieur Alexandre Cloutier, vis-à-vis du Ministre Blais en matière d’éducation, lors de la mobilisation du 20 novembre Tous unis pour défendre l’école publique devant l’Assemblée Nationale à Québec.

À cette époque, fiston qui était au primaire en classe adaptée, avait des services et était heureux en classe. Tout ce que nous souhaitions, c’était qu’il y ait assez de ressources pour maintenir ces services en place pour l’année suivante. Or, pour ceux qui ont suivi notre histoire, c’est loin d’être le cas!

Voici donc sa lettre adressée au vrai Père Noël cette année :

Cher Père Noël,

Je m’appelle Pierrick. J’ai 12 ans et je suis autiste. Même si à mon âge, je ne crois plus vraiment au Père Noël, maman elle, aimerait bien y croire…

Cette année, je commençais une toute nouvelle étape dans ma scolarisation : ma rentrée au secondaire. Même si cela me rendait un peu nerveux, quelques jours avant le début des classes, j’avais rêvé que tout se passerait bien. C’est donc confiant que je partais vers une nouvelle aventure.

Pourtant, une fois là-bas, personne ne me comprenait ni ne m’aidait. En classe, lorsque j’avais besoin d’aide pour mes travaux, personne ne s’occupait de moi et si je me fâchais, on ne me laissait pas prendre mes moyens pour me calmer et on appelait papa.

Dans ma classe, il y avait un magnifique chien Mira. J’adore les chiens! J’en ai un à la maison, elle s’appelle Fanny. À mon autre école, mon enseignante amenait souvent son chien en classe comme privilège. Nous pouvions alors le caresser et lui donner des gâteries! J’aimais beaucoup quand il venait en classe, ça me calmait. Alors quand j’ai vu qu’il y en avait un dans ma nouvelle classe, j’étais tout content et je voulais le flatter lui aussi! Mais on m’a dit que je n’avais pas le droit, sans m’expliquer pourquoi. Et au lieu de m’apprendre, avant la fin de la première journée, on m’a tout simplement changé de groupe.

Mais moi je voulais voir le chien. Quand c’était le temps de la récréation ou du dîner, je me sauvais pour y aller! Mais personne ne voulait me laisser faire et si je me fâchais, on me chicanait! Alors j’ai décidé de retourner à la maison! Une autre journée, j’en avais plus qu’assez et je suis parti à mon ancienne école pour voir mon éducatrice. Elle au moins, elle était gentille et me comprenait! À chaque fois, ce sont les policiers qui me ramenaient à l’école, mais moi, je ne voulais pas y retourner! La fois suivante, c’est l’ambulance qui est venu me chercher pour m’amener à l’hôpital. Ils ont dérangé maman à son travail et je n’ai même pas pu retourner chez moi! Nous avons dormi à l’hôpital et j’ai eu très peur.

Depuis ce temps, je ne vais plus à l’école. Je ne sais pas trop pourquoi. On m’a dit que j’avais été e-x-p-u-l-s-é. Je suis retourné voir le docteur qui m’a posé plein de questions. Une madame est aussi venu me voir, elle a dit qu’elle travaillait pour la DPJ. Que si je me sauvais encore, je pourrais aller rester dans un centre. Je lui ai tout de suite demandé s’il y avait des Xbox et des PS3!

Au début, je trouvais ça cool de ne pas aller à l’école. Mais papa, lui, trouve ça moins cool de me garder toute la journée et de manquer son travail. En plus, il me fait faire mes travaux scolaires, alors je commence à trouver ça moins cool moi aussi. Maman, elle, ne peut pas prendre de congé car elle doit s’occuper de ses élèves.

Ça fait maintenant un mois que je n’y vais plus. Maman commence à trouver ça long. Je l’entends parler d’une rencontre PSI avec les gens du CLSC et du SRSOR. Elle a aussi rencontré quelqu’un de l’OPHQ. Je ne comprends pas trop ce que veulent dire toutes ces lettres. Elle dit que ces personnes sont là pour me trouver une nouvelle classe. Pour que j’aie des services adaptés à mes besoins. Pour qu’on reconnaisse mes droits d’être scolarisé. Elle dit que l’école est obligatoire.

Alors voilà ce que je souhaite pour Noël. Je voudrais pouvoir retourner à l’école. Mais dans une autre école qui répond à mes besoins. Avec des éducatrices qui me comprennent, qui m’aident à apprendre et à aller plus loin. Pour que j’aime à nouveau l’école et que je  sois heureux. Pour que papa puisse retourner au travail et que maman arrête de s’en faire pour mon avenir.

Cher Père Noël, j’espère vraiment que vous pourrez exaucer ce souhait et celui de tous les autres enfants à besoins particuliers qui vivent une situation semblable à la mienne. Car je sais que je ne suis pas le seul…

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Enseignante en adaptation scolaire, spécialisée auprès de la clientèle vivant avec un trouble du spectre de l’autisme (TSA), je côtoie la différence au quotidien depuis plus de 20 ans. Mère monoparentale de 3 magnifiques enfants, un garçon et deux filles, le hasard (ou le destin) aura voulu que fiston naisse avec un trouble envahissant du développement non-spécifié (ancienne appellation pour le TSA). Un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH), beaucoup d'opposition, d'anxiété et d'impulsivité se sont également manifestés chez lui au fil des années. Suite à un parcours et à une scolarisation difficiles, de récentes évaluations ont été poussées plus loin, dont un test génétique, où il apparaît que fiston est porteur du syndrome XXYY, en plus de deux nouveaux diagnostics de SGT et de dysphasie. En mai 2013, j'ai créé la page Facebook Aide à domicile afin de trouver un accompagnateur pour fiston lors de la période estivale. La page changera plus tard de vocation, pour devenir Enfants différents besoins différents qui se veut davantage un réseau de recherche et de partage d’informations pour les parents, intervenants et toutes personnes concernées par la différence de nos enfants. Ce site Web est donc l’aboutissement de ma page et a pour objectif de sensibiliser le plus grand nombre de gens possible face à la différence sous toutes ses formes.