Cette question qui tue

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«Avez-vous quelqu’un à qui parler de tout ça, quelqu’un d’extérieur?…»

«Oui, oui…»

Mentir. Mentir parce que c’est déjà assez dur de se sentir incompétente comme mère, penses-tu vraiment que je vais étaler devant toi, toute inconnue que tu es, mon incompétence sociale??

La vérité, c’est que mon «cercle social», c’est mon chum pis mes enfants. C’est ma belle-mère, une couple de fois par année. Ma belle-sœur, une couple de fois moins par année. Pis mes parents, trop souvent. Ce sont mes collègues de travail.

Mon téléphone maison ne sert qu’à recevoir des appels de télémarketeux fatigants, des confirmations de rendez-vous, des faux numéros, pis pour mes garçons. Ah, pis parler à mon chum chaque soir qu’il est sur la route.

Mon cellulaire, il sert à texter mon chum. Être joignable en cas d’urgence. Recevoir les appels matinaux des garçons quand je suis au travail. Visiter les réseaux sociaux. Utiliser Google ou Météo Média pis prendre des photos.

Personne n’appelle pour dire «Hey! Salut! Comment tu vas? Ça fait longtemps, quand est-ce qu’on va prendre un café?»…

Parce que non. Des ami(e)s, j’en n’ai pas. Pas vraiment. Pas depuis… jamais.  Parce que je n’ai jamais été celle qu’on appelle, mais plutôt celle qui appelait… Avec pas mal toujours cette sensation de m’imposer aux autres. De déranger. D’être de trop. Parce qu’enfant, je n’ai pas appris.

Entourée d’adultes la majeure partie du temps dans ma petite enfance. Puis, à l’école, j’étais celle que les autres détestaient ou ignoraient. La dernière choisie quand il fallait faire des équipes. Dernière après «le p’tit gros». Parce que j’étais bonne à l’école. Trop. Bonne. Je savais lire AVANT d’entrer en première. À 10 ans, je lisais Jeffrey Archer, Virginia C. Andrews, Mary Higgins Clark…

J’étais celle que les profs aimaient avoir dans leur classe parce que je ne dérangeais pas. Je demandais rarement des explications. Je terminais rapidement et j’avais droit au privilège d’ordinateur. Oui, oui! Un bon vieux Mac, en DOS! Pas de farce là. Parce que j’étais étiquetée : la bolée, la chouchou du prof… pis pas juste à l’école, nah. Dans la famille aussi.

Je suis la cousine qu’on oubliait. Celle qui tapait sur les nerfs parce que la grand-mère la prenait toujours en exemple. «Nancy, elle est facile à garder, elle… On l’entend pas, elle… Elle dérange pas, elle… Elle est tranquille, elle… Elle a eu une moyenne de 95 encore cette fois-ci à son bulletin, elle… » Encore et toujours…

Et puis, d’autres facteurs sont venus jouer dans mon développement social. J’en suis certaine, mais je ne suis pas spécialiste. Néanmoins, voilà. Non, je n’ai personne d’extérieur vers qui me tourner pour parler de ma peine face au changement d’école de Fiston. Pour confier mes craintes. Pour être écouter. Pour prendre un café et parler de la pluie et du beau temps…

Mais ça, je ne vous le dis pas…

«Avez-vous quelqu’un à qui parler de tout ça, quelqu’un d’extérieur?…»

«Oui, oui…»

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Éducatrice à la petite enfance depuis une vingtaine d’année, adepte de l’entrainement en force pour ne pas perdre complètement la tête, Nancy Ringuet, très possiblement TDAH, est maman de deux garçons à diagnostics : un grand TDA sévère et un plus jeune SGT, TDAH impulsivité mixte et TOP. C’est un long combat qui aura mené aux diagnostics du plus jeune, et un long combat qui s’engage pour faire reconnaître ses besoins. Passionnée de recherches et assoiffée d’en apprendre plus, elle fouille le net sous toutes ses coutures. Elle partagera ici des textes et réflexions sur ce vécu différent de mère chef de famille, avec un conjoint dont le travail l’amène à être absent.