À toi, mon premier enfant

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Avoir un enfant différent apporte son lot de défis au quotidien. Un des plus grands pour moi, est de tenter de garder l’équilibre à travers la fratrie. Parce qu’il est souvent difficile, voir même impossible pour les frères et sœurs d’un enfant différent de comprendre la réalité de la grandeur des difficultés de celui-ci. Souvent, on leur demande d’être plus patients et plus compréhensifs que la majorité des autres enfants de leur âge. On dit que les enfants issus d’une fratrie ayant un enfant différent, seront rendus à l’âge adulte, plus patients, plus généreux, plus compréhensifs et à l’écoute des autres que la majorité des gens. Je n’ai pas de misère à le croire! Lorsqu’on écrit sur la différence, la majorité du temps, on écrit forcément sur l’enfant différent en question. Aujourd’hui, j’avais envie d’écrire à mon fils aîné, qui est un enfant formidable et un frère fantastique, à qui on demande parfois, bien malgré nous, d’être un SUPER grand frère :

Mon beau Gabriel,

Tu es mon premier enfant, le premier que j’ai porté dans mon ventre, le premier que j’ai mis au monde. Dès que je t’ai eu dans mes bras, je suis tombée sous le charme, je suis tombée en amour. Je me souviens que tes premières heures de vie n’ont pas été faciles, tu avais faim et à cause d’une hémorragie sur la table d’accouchement, mon corps était épuisé et mon allaitement ne se passait pas bien. Tu pleurais beaucoup. Je te prenais et tentais de te réconforter mais je crois que le fait d’être collé à moi sans avoir de lait te frustrait et empirait tes pleurs. J’ai alors décidé de te déposer dans ton petit lit d’hôpital et de simplement te parler. J’étais étendu dans mon lit près de toi, épuisée. Tu ne me voyais pas, mais tu m’entendais te parler et ça t’a calmé. Ma voix te rassurait. Je t’ai raconté une histoire, chanté une chanson, ça t’a apaisé et tu t’es finalement endormi.

J’étais étonné que mes bras n’arrivent pas à te rassurer, mais que ma voix oui. Tu n’avais que quelques heures de vie et déjà, je sentais que nous étions proches, que nous étions connectés. Je sentais aussi que tu avais un caractère particulier et que je devais m’adapter à toi. Tu étais un bébé plutôt anxieux. Souvent, tu pleurais subitement sans que je ne comprenne pourquoi. Je ne savais pas toujours comment te consoler. Heureusement, je finissais toujours par y arriver, mais c’était parfois long et ardu. Au fil des mois, j’ai remarqué que tu n’aimais pas les inconnus, les visages que tu ne connaissais pas te faisaient pleurer. Tu étais sensible, certains sons ou images te faisais pleurer. Tu te mettais à hurler lorsque tu entrais dans une pièce ou un endroit que tu ne connaissais pas. Malgré ces petites difficultés, tu étais un bon bébé. Tu étais de bonne humeur, tu jouais avec entrain et tu étais doué pour tout! Pour la marche, le langage, les jeux, la compréhension, etc. Nous nous adaptions à toi et à tes petites particularités.

Tu avais 14 mois lorsque ton petit frère Mathis est né. Tu l’as accueilli avec plaisir et amour. Tu n’avais qu’un an, mais déjà tu étais un bon grand frère. Les mois ont passé et il s’est avéré que ton petit frère avait de grosses difficultés. Le quotidien était difficile. De ton côté, je voyais que tu devenais plus impulsif et rigide. Tu avais de la difficulté à gérer tes émotions, tu explosais littéralement à la moindre émotion ou au moindre changement. Nous savions que tu éprouvais certaines difficultés, mais ton développement était normal, tu semblais heureux et épanoui. Nous nous sommes donc adaptés à toi, une fois de plus, et avons tenté de te comprendre afin d’acclimater ton environnement de sorte que ton insécurité et ton impulsivité diminuent. Malgré mon incompréhension face à certains de tes comportements, je me sentais près de toi et toujours connectée à toi. Nous étions à ce moment-là en période de crise, car le développement de ton petit frère n’allait pas bien, le quotidien était souvent pénible pour nous. Nous prenions tranquillement conscience que notre deuxième fils était différent.

Quelques temps après, nous avons eu le diagnostic d’autisme de Mathis. Nous avons donc dû nous ajuster à cette nouvelle réalité et nous devons encore le faire, chaque jour. Une fois le choc du diagnostic passé, j’ai vraiment pu prendre le temps de réfléchir à tes difficultés et tenter de trouver des solutions plus concrètes. J’ai consulté un pédopsychiatre et un psychologue qui m’ont fait comprendre que souvent, dans la fratrie d’un enfant autiste, les membres de la famille peuvent avoir certains traits ou difficultés reliés à l’autisme, sans nécessairement avoir un TSA. Nous sommes aussi allés consulter une ergothérapeute parce depuis quelques mois, tu avais montré une réticence face à certaines textures, certains vêtements, certaines odeurs. Elle t’a diagnostiqué un trouble d’hypersensibilité sensorielle. Tu ne ressens et ne perçois pas les choses comme la majorité des gens. Ton environnement est souvent agressant pour toi, puisque tu ressens et perçois tout de façon plus intense… trop intense! Ce qui te rend anxieux, rigide, intolérant et impulsif. Je ne dis pas que toutes tes difficultés viennent de là, mais je crois que c’est le cas en grande partie.

Maintenant que je connais cette façade de toi, je te comprends mieux. Tout n’est pas clair comme de l’eau, mais disons que toi et moi, on arrive à mieux se comprendre. Il est possible que tes particularités nous mènent vers un autre diagnostic quelconque plus tard, seul l’avenir nous le dira. Pour l’instant, tu vas bien et je suis heureuse de pourvoir mettre un nom sur ce trouble qui te rend parfois difficile. Je peux maintenant dire à ceux qui pensent que tu es capricieux, turbulent, sauvage, bébé gâté, que ton comportement découle souvent de ton trouble, qui brouille un peu la personne que tu es. Depuis le début, moi je le sais que ce n’est pas par caprice ou mauvaise intention que tu agis de la sorte. Je le vois bien que c’est plus fort que toi, que c’est hors de ton contrôle et que tu n’aimes pas te mettre dans cet état.

Certains ont douté de toi, moi jamais. Mon fils, je suis si fière de toi. Tu es un beau et merveilleux petit garçon, intelligent, allumé, sensible, bourré de talents. Chaque jour, tu fais face à ce monde qui trop souvent t’envahit et te fait peur. Tu te sens impuissant et dans une tentative de garder le contrôle sur ton environnement, sur ta vie, tu te refermes sur toi-même et tu résistes aux changements. Je comprends mieux maintenant et je t’admire pour ton courage, pour ta persévérance. C’est un pur bonheur de partager ta vie et d’être ta maman. Tu es un merveilleux grand frère pour Mathis, Théo et bébé qui viendra bientôt. Tu n’as que 4 ans, mais tu prends soin de moi, tu te soucies du bonheur des gens que tu aimes, à ta façon. Il est vrai que ta carapace est dure à percer, mais une fois qu’on y a accès, tu nous couvres d’amour, de câlins et de bisous. Je t’aime tant mon fils, et quoi qu’il arrive, je serai toujours là pour toi. Peu importe ce que l’avenir nous réserve, tu pourras toujours compter sur moi et sur ma voix, qui t’apaisera et te rassurera, comme depuis le premier jour.

Je t’aime,

Maman xx

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Mère de 4 enfants, Christine a toujours su qu’elle réaliserait un jour son plus grand rêve, celui de devenir maman. Ayant travaillé plusieurs années auprès d’enfants autistes, elle croyait bien maîtriser toutes les facettes de la différence, mais lorsque son deuxième fils est né autiste, à sa grande surprise, elle réalisa qu’au fond, elle ne savait pas grand-chose sur le sujet! Son premier fils vit avec un trouble de l'information sensorielle ainsi qu'avec un trouble anxieux, son troisième fils, qu'à tant lui, vit avec une dyspraxie verbale. Le quotidien de cette famille différente est loin d'être ordinaire! Christine est aujourd'hui représentante pour des outils sensoriels et des jeux éducatifs chez Équipement de bureau Robert Légaré. Elle vous partagera ici, ses bons et moins bons moments, ainsi que ses coups de cœur en espérant sensibiliser, informer et toucher les lecteurs sur l'autisme et tout ce qui l'entoure.