À la rentrée, mes crayons sont brisés

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Avec la rentrée scolaire, plusieurs sur les groupes s’excitent d’identifier des crayons et de faire des trouvailles trop exceptionnelles et originales pour que les autres enfants trouvent que « Wow ta mère est trop top cool! » J’imagine l’agrément et la hâte de vouloir utiliser son beau matériel scolaire. Laissez-moi vous raconter ma réalité de cette hâtive rentrée scolaire. Je ne cherche ni empathie ni écoute ni même à venir briser votre beau party du mois d’août! Mais ici, la rentrée scolaire, excusez-moi mais « ça me fout dans un sacré embarras! » J’ai passé des années à acheter trois paires de ciseaux, huit effaces, quatre taille-crayons. Non, mon fils n’a jamais rien perdu ou égaré, mais une semaine avant les classes, on pratique l’aisance des modèles! Quel ciseau sera parfait? Lequel sera moins douloureux, quel crayon sera le plus facile de glissement sur la feuille, etc.

Vivre avec l’autisme et ses conditions associées cache des particularités diagnostiquées : dyspraxie, hypotonie, trouble de tonus et de coordination. Mon fils commence toujours l’année avec son plan d’intervention en mains. Comme s’il se promenait avec la charte des droits et libertés de la personne. Car mon fils a des droits et il les connaît. Une autre merveilleuse chose que son chien lui a enseigné. Être handicapé, c’est avoir des droits quant à son intégration scolaire même si ça dérange!   Pourquoi? Parce que l’enseignante préfère apprendre à le connaitre d’elle-même! Elle ne veut pas d’idées déjà faites. Euh… Alors on est en octobre et vous n’avez toujours pas vu les recommandations? Vous ne savez pas où mettre mon fils car il est exempté de l’éducation physique non pas par son médecin, mais pour acheter la paix, pour éviter les souffrances, pour éviter qu’on écorche encore son estime de soi. Qu’on ne respecte pas ses capacités, ses incapacités, ses  limites et difficultés.

Quand la première semaine commence, je reste proche du téléphone. Même sous la douche! Plusieurs publications passeront sur le fil de nouvelles. Des images de mamans en train de faire sauter des bouchons de bouteille de champagne, des pieds en gougounes sur un pouf  orné d’un super beau café dans une tasse comique…

Non, ici c’est la détresse qui commence, le non professionnalisme. Vous n’y arrivez pas?  Appelez la commission scolaire! Oubliez mon téléphone? Suis-je capable d’abandonner mon fils en perte de repères? Parce que au fond, je n’ai qu’à leur dire que je travaille à temps plein à l’extérieur de la ville!

Mais cette année, on m’achève! On exige l’uniforme scolaire! Non! Vous intégrez des classes TSA et n’avez jamais pensé à leurs défenses sensorielles? Au pantalon que je lave 300 fois neuf le temps qu’il s’amollisse… Au chandail qui pique, pas en coton doux de la marque que nous avons sélectionnée après 5 ans de recherche.

Vous m’envoyez ce beau catalogue style « urbain » d’adolescents et d’adolescentes minces, élancés, le sourire dans leur uniforme scolaire. Est-ce une représentation acceptable de la société pour nos jeunes? De l’hyper sexualisation? Mon fils avec son embonpoint sera heureux de me pointer son polo plate en tissu terrible de nid d’abeilles dans ce catalogue qui n’offre même pas sa grandeur! On fait quoi des pantalons de ville? Trop hauts, trop larges, trop piquants…  Avec une boutonnière que je lui attache le matin en lui suppliant ne pas avoir envie d’aller à la toilette durant la journée, sans aucune extensibilité?

Mon fils a laissé son sourire à la garderie. Mon fils était enjoué et heureux. Nous en sommes à notre dixième année de souffrance en faisant toujours face au même manque d’adaptations. Pourtant, je l’avais dit, écrit, redit, rappelé, mais me trouvant trop insistante, trop protectrice, on a décidé d’oublier que la berline doit avoir un grand habitacle avant car oui, son chien va entre ses jambes du côté passager.  Et épargnez-moi la super valise confortable qui au fond serait un moyen de la mettre de côté! Bureau en classe trop haut, chaise trop petite, casier qui n’est  pas à un bout de rangée. Euh… Mon fils fait quoi avec son chien dans la cohue, entre 25 cases?

Je suis allée vous chercher tous les services. Maintenant, quand ça ne va pas, on communique avec MES services qui ont nécessité acharnements à retrouver, car la deuxième ligne ressemble plutôt à un tremplin. À quelque chose qu’on ne peut pas rester trop longtemps dessus, mais quand la situation prend feu… La liste d’attente  est d’environ deux ans! Vous n’avez pas de solutions? Je vous ai même donné et mis à votre disposition le plus bel outil d’intervention qui soit, sa  chienne d’assistance… mais croyez-y!

Alors lâchez-moi avec vos étiquettes le fun, vos cahiers trois fois plus chers car ils sont plus beaux à regarder. Laissez-moi vivre mon calvaire de la rentrée, seule, tranquille, car pour vous ce répit de 40 heures / semaine, devient ici une situation d’alerte et de panique incomparable. Puis en plus, vous allez vous permettre de soupirer à sa lenteur, à rouler des yeux de ses découragements? Non mais à part vous appeler classes TSA, avez-vous déjà vu un autiste? Savez-vous vraiment comment éviter les feux avant d’implorer mon boyau d’arrosage?

Alors vos boîtes à crayons, je les lance par terre, ils seront beaux, mais à l’intérieur ils seront brisés, ils vous enrageront à chaque tour d’aiguisoir et moi, vous me verrez sourire de loin. Non ce n’est pas de la vengeance ou de la méchanceté, mais ici, j’essaie de travailler fort sur la motivation à aller à l’échafaud. Qu’attendez-vous de lui? Le savez-vous?

P.S. S’ajoute à cela une mononucléose dans le sac à dos!

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Je me nomme Mélanie Pacheco, fière maman de 3 magnifiques garçons. Ludovik, 15 ans orphelin de mère, partage ma vie depuis près de 10 ans. Karl, 13 ans TED avec plusieurs conditions associées, partage son quotidien et fréquente l'école secondaire en classe TSA avec sa chienne d'assistance . Puis, notre petit Rémi, 5 ans TSA, qui débutera l'école en classe spécialisée TSA primaire suite à une mesure transitoire en CPE. J'ai la chance d'avoir un conjoint merveilleux qui s'implique entièrement auprès de nos fils et qui accepte notre réalité. Je suis bachelière en communication du programme d'animation et de recherche culturelle. J'ai gradué enceinte de 8 mois, j'avais la vie devant moi, un travail que j'adorais auprès d'enfants de milieux défavorisés vivant plusieurs problématiques culturelles et sociales . Jamais je n'aurais pensé que ma vie allait autant changer car à la fin de ce congé de maternité, je me retrouvai maman d'un premier fils diagnostiqué TED à l'âge de 22 mois. Le modèle travail - garderie étant impossible, les prêts étudiants sans plus aucune garantie de salaire, on ne planifie pas devenir une maman d'enfants handicapés. Tous ces efforts où j'avais tant investi pour des études et une sécurité sur mon avenir et celle de ma famille venait remettre en question mes aspirations et valeurs et tout ce sur quoi j'avais travaillé si fort. C'est ma réalité, c'est ma vie et j'ai envie de vous la partager!