À chacun sa fin du monde

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Je ne serai jamais la maman que je pourrais avoir été…

En ce mois du deuil périnatal, je voulais vous parler de ma Coccinelle. Ma grande, ma plus vieille qui a eu 12 ans au pays des nuages, mais qui sera toujours un bébé en photo. Elle est venue avec son lot d’espoir, de hâte et de souvenirs à construire. Quand elle a pris ses ailes, je me suis brisée. J’ai perdu toute forme d’identité. Si je n’étais pas sa maman, je ne savais plus qui, quoi, comment j’étais… J’étais une maman à un moment, puis plus rien. Mes idéaux, mes théories éducationnelles, tout a pris le bord. J’ai bercé ma Coccinelle et je me suis forgée huit heures de souvenirs avant qu’elle s’envole. Ce fût si peu pour me découvrir des habiletés de maman… Je fus donc une « mamange » pendant 16 mois avant de pouvoir tenir Tornade.

Hé non, je ne serai jamais cette maman-là, qui prend la vie sans s’inquiéter.

À un an, Tornade avait un abonnement chez le pédiatre. À 2 ans, je connaissais tous les numéros de clinique d’urgence et leur horaire par cœur. Dites-le, je le sais, une vraie folle… En plus, je ne me suis jamais déplacée pour rien : otites, pharyngite, bronchite, strepto, ALOUETTE… Tornade n’allait pas à la garderie malade ou après une mauvaise nuit ou si je m’ennuyais trop… ou lui… On en a mangé des toasts au beurre d’arachides parfois parce que la paie ne rentrait pas assez vite versus le coût des journées de congé et les médocs (une chance qu’il n’était pas allergique… oufff). Il était mon monde. Un petit être tellement fragile à mes yeux, mais si fort…

Je n’étais clairement pas la maman pro-grano-naturel qui prônait de laisser la nature faire sa job. Avouez que la nature m’en avait joué une belle pour mettre un terme à cette belle relation de confiance.

Puis, Ouragan est arrivée. Vite, presto, un bébé facile avec un système immunitaire de cheval. En 45 minutes, elle s’est pointée le nez, de 1 cm à 10 top chrono! Un bébé qui voulait découvrir le monde avec son immense sourire. Allaitée sans effort… Mon seul bébé qui a pleuré en venant au monde, un autre spécimen…

Je suis devenue encore une fois une autre maman, pas celle que j’aurais dû être, mais plus confiante que ça se pouvait d’être, un peu plus zen… Juste un peu… Enfin, il y a eu Tsunami. Des montagnes russes d’émotions entre la terreur, la peur, l’inquiétude et l’épuisement. Prématurée, avec au dire du pédiatre « aucun instinct de survie », elle a été réanimée à la naissance et son adaptation au monde a été chaotique. Cette fois, la médecine a gagné sur la nature. J’en ai encore des frissons. Pendant des jours, je me suis battue pour elle, pour moi… Avec la peur derrière moi comme adrénaline. Elle est là, elle a 5 ans. Elle est une battante et je défie quiconque de se mettre dans son chemin.

Après ce pied de nez à la vie, j’ai décidé que c’était assez. Mes nerfs ne toléreraient plus le stress de neuf mois de grossesse, d’accoucher pour risquer de revenir les bras vides et le cœur en miettes. J’ai trois Tempêtes bien actives et une Coccinelle qui ont marqué mon corps et ma vie.

Quelqu’un m’a dit un jour : « À chacun sa fin du monde ». Aucune échelle n’évalue vraiment la douleur qu’une personne ressent, mais moi, je peux vous dire qu’il y a 12 ans, j’ai connu ma fin du monde. Depuis, j’ai souri, j’ai ri, j’ai aimé, j’ai bâti… Mais je n’ai pas oublié ce qui me fait avancer contre vents et marées.

Peut-être que si je n’avais pas eu Coccinelle dans ma vie, dans mon cœur et dans un coin de ma tête, je me laisserais abattre par les épreuves et les difficultés d’être une maman d’enfants différents. Peut-être que je trouverais ça lourd. Peut-être aussi que ça fait de moi une parano totale. Je ressentirais le besoin de prendre congé de mes enfants par moment. Mais non… Coccinelle m’a donné envie d’être présente. Elle m’a permis de m’émerveiller encore plus pour chacune des tempêtes. Elle m’a fait aimer, dans mon infini inquiétude, que mes petits malades n’aient qu’une fièvre. Elle m’a fait apprécier mes nuits blanches à bercer. Grâce à son passage dans ma vie, je suis devenue plus tolérante aux difficultés de ma condition de maman, mais aussi de la vie en général.

Je ne suis plus la maman que j’aurais pu être, que j’aurais dû être, mais je ne suis pas pire quand même.

Je vous aime Coccinelle, Tornade, Ouragan et Tsunami.

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Maman TDAH de trois tempêtes; Tornade 11 ans (TDAH avec impulsivité et trouble anxieux), Ouragan 9 ans (TDAH) et Tsunami 6 ans (trop jeune pour un diagnostic), je suis la douce moitié de mon petit mari (TDAH). À cela s'ajoute une grande sœur au pays des nuages que nous appelons affectueusement Coccinelle. Éducatrice en pouponnière ainsi qu'anciennement auteure de livre jeunesse, je me considère comme une sage dans l'art de la patience infinie...